lundi 20 juin 2011

BON IVER, épisode 2

Dans la longue liste des sorties du moment, le deuxième album éponyme de Bon Iver a la chance (ou pas) d'être impatiemment attendu par ceux qui avaient succombé à la beauté de son premier essai "For Emma, Forever Ago", recueil de folk mélodique et limpide confectionné en quasi-ermite.

Justin Vernon, l'homme-orchestre caché derrière Bon Iver, a eu l'intelligence d'éviter de reconduire la même formule acoustique : fini l'ambiance épurée genre "Nebraska" de Bruce Springsteen ou "Pink Moon" de Nick Drake, place à l'espace, aux arrangements variés, à l'électricité.

Si le précédent s'avérait touchant dans le dénuement de son ambiance rurale, son successeur affirme la volonté de son auteur de changer de paysage et d'évoquer un décor plus contemporain.



"Bon Iver l'album" est ainsi un objet à la fois plus excitant, moins attendu mais plus ambigu, dont la production minutieuse évoluant vers un climat conceptuel donne à réfléchir sur Vernon lui-même : fait-il encore du folk ? Notre homme loin d'un quelconque gratouilleur barbu ne serait-il pas un vrai laborantin sonique tenté par l'abstraction et la création d'espaces esthétiques ?

Un disque qui impose sa maîtrise de mélodiste/chanteur et d'évidence construit autour de sa voix céleste (évident Calgary, très beau Holocene) habillée parfois d'effets électroniques. Un travail d'orfèvre jugé fascinant et entièrement maîtrisé dans mon cas, mais non exempt d'un aspect "exercice de style" que les plus réfractaires à la voix très auto-tunée de Vernon pourront juger démonstratif.



Exercice de style ou pas
, même proche d'un certain clinquant sonore (Hinnom, TX), cet opus singulier est au service d'une inspiration mélodique jamais prise en défaut (très lumineux Perth et Holocene) où respire une classe et une élégance évidentes.

Un objet immanquable qui en fait un des disques les plus marquants de cette saison, dépassant le petit cadre habituel du folk par le potentiel fort qu'il recèle. Voilà un disque qui met à jour le visage d'un artiste fort doué, mais que guette parfois les pièges d'une certaine virtuosité, un goût pour la perfection clinique moins naturelle que son essai inaugural fragile et dépouillé.

Confirmant le virage entrepris avec le EP "Blood Bank" et sa collaboration suprise avec Kanye West, on est alors tenté de mettre le parcours de Bon Iver en parallèle avec celui d'un Sufjan Stevens, en moins alambiqué (même dispositif "une chanson-un lieu" que l'auteur d'Illinoise) et le même goût pour l'apesanteur et la préciosité vocale qu'un certain petit ... James Blake !













Que Bon Iver se dirige alors vers le dubstep ou un soft-rock années 80 comme celui de "Beth/Rest", le dernier morceau qui clôt ce déroutant opus (à rapprocher de celui du super-groupe Gayngs auquel il collabore), n'aurait alors rien d'étonnant.


Mais finalement ne regarde que ce surprenant faux ermite qui semble avoir toutes les cartes en main pour tracer une route qu'on lui souhaite libre et encore parsemée de surprises. Un album sans doute imparfait, agaçant mais passionnant en tout cas.   

Tracklist :
1. Perth
2. Minnesota, WI
3. Holocene
4. Towers
5. Michicant
6. Hinnom, TX
7. Wash
8. Calgary
9. Lisbon, OH
10.
Beth/Rest


Bon Iver. "Bon Iver" (Jagjaguwar/4AD)
♥♥♥♥
Sortie lundi 20 juin

en écoute sur deezer et spotify et 3 titres (Holocene, Michicant, Calgary) sur la Playlist Pop
à lire sur Muffin Man, Tasca Potosina, So Why One More Music Blog et l'ami Charlu

Bon Iver.com

3 commentaires:

  1. Complètement d'accord avec toi, jusque dans les références que tu fais (surtout Sufjan Stevens, pour James Blake je comprends ce que tu veux dire mais c'est déjà moins marqué). De toute façon, dès les 2 premières chansons cet album est exceptionnel, et la suite ne fait que maintenir le niveau. Même "Beth/Rest" je finis par m'y faire.

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  2. Hello.
    Jolie papier sur un artiste atypique. Je n'ai pas encore écouté ce second LP.
    Alors, il se diversifie, fait preuve d'éclectisme en ajoutant à ses compositions folk originelles électricité, rock, expérimentations et électronique. Ça me rappelle son album "Unmap" sorti en 2009 sous le nom de Volcano Choir. Et il partirait avec 1 titre vers le dubstep ou le soft-rock !!! Intrigant !!!

    Est-ce l'année qui veut cela ?? Certains artistes/groupes ajoutent électricité et rock à leur folk songs habituellement plus dépouillées et "boisées" (Alela Diane, Keren Ann, Bill Callahan, Fleet Foxes....).

    En tout cas, après lecture de ce papier, j'ai encore plus hâte de découvrir ce LP 2.
    Et pour ne rien gâcher, la pochette est magnifique !!!

    A + +

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  3. @joris : content de se retrouver sur ce Bon Iver même si tu l'as sans doute plus aimé que moi. Mais j'aime bien son atmosphère en fait...
    Concernant James Blake, c'est surtout pour sa façon de chanter et de jouer de sa voix à laquelle je pensais, pas vraiment la musique élément le moins probant tu as raison :-)

    @francky : Hello aussi :-)
    Il faudra que je l'écoute ce "Unmpap" que je ne connais pas...
    Comme je disais plus haut à Joris, l'allusion à James Blake, c'est plus le fait de "styliser" la voix qui m'y a fait penser, après j'ai peut-être forcé la note, possible?
    Bonne écoute en tout cas ! :-)

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