mercredi 30 novembre 2011

REPLAY 2011 (3). TREEFIGHT FOR SUNLIGHT

Déjà décembre demain ! Il est plus que temps de reprendre la rubrique "Replay", encore plus en retard après l'interruption prolongée du blog : juste un petit mois pour parler de quelques galettes oubliées ici dans l'année.

Négligé ici au printemps dernier, ce cocktail pop nordique mérite pourtant qu'on ne l'oublie pas : "Treefight For Sunlight" ou comment affronter l'hiver avec le sourire grâce à l'élixir revitalisant concoté par ces Danois remplis de bonnes ondes.

Quatuor optimiste qui devrait être remboursé par la Sécurité Sociale, les ludions à l'énergie lumineuse de Treefight For Sunlight réconcilient sunshine pop californienne et pop moderne euphorisante, entre Beach Boys solaires et MGMT venus du Nord.
Une joie quasi enfantine parcourt ce recueil gorgé de choeurs radieux et mélodies naïves à l'insouciance communicative :



Une vraie ration de mélodies aérienne qui ravira les adorateurs des perles pop des Byrds ou des orfèvreries mélodiques passées d'XTC, le song writing des danois emmenés par Niels Kirks relevant le défi de leurs glorieux aînés.

Le tout avec ce je-ne-sais-quoi de foutraque et psychédélique, choeurs jubilatoires digne de leurs cousins suédois d'I'm from Barcelona ou euphorie sonore très space cake à la MGMT, boostée par une production scintillante.
Une musique qui réconcilie présent et passé, une recette colorée aux effets euphorisants garantis :



Volontiers naïve voire candide, la musique de ces farfadets radieux est en fait un doux refuge aux couleurs franches et lumineuses, comme un dessin d'enfant gribouillé et craquant. Comme leurs homologues néo-zélandais Phoenix Foundation ou islandais de Seabear (moins la mélancolie de ces derniers), ils cultivent un goût pour les merveilles de l'enfance nullement régressif mais simplement stimulant.

Préservant cette part d'innocence que l'on devrait tous garder, si toutefois vous l'avez perdue, la musique modeste mais éclatante de Treefight For Sunlight devrait vite vous la faire retrouver.

Treefight For Sunlight - "What Became Of You And I"

Tracklist :

1. A Dream Before Sleep
2. You And The New World
3. The Universe Is A Woman
4. They Never Did Know
5. Facing The Sun
6. Rain Air
7. Tambourhinoceros Jam
8. Riddles In Rhymes
9. What Became Of You And I ?
10. Time Stretcher

Treefight For Sunlight. "Treefight For Sunlight" (Bella Union) Sorti le 14 février
♥♥♥♥
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3 titres sur la Playlist Replay 2011

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Treefight For Sunlight

mardi 29 novembre 2011

Le rêve blanc de KATE BUSH

Décidément après Youth Lagoon, nous voilà encore plongés musicalement en plein hiver, celui qui ne tardera pas bientôt à venir réellement nous envelopper, saison oblige.

Un disque qui a pourtant failli être négligé, car sorti en plein break prolongé du blog. Ensuite car c'est le deuxième cette année d'une artiste pourtant fort rare, après son "Director's Cut" sorti au printemps, relecture inutile de ses travaux antérieurs qui avait laissé un goût de déception.

Car si même la légendaire Kate Bush se retournait sur son passé pour maladroitement remaquiller ses anciens titres, j'ai volontairement laisser traîner l'écoute de cette nouvelle livraison pour éviter la déception et l'idée qu'elle n'avait rien de neuf à offrir.
Évité pas bien longtemps, je l'avoue et bien m'a en pris : car comme un train peut en cacher un autre, ce deuxième était le bon et son meilleur disque depuis bien longtemps.

Vrai nouvel album de la diva extravertie de la pop des années 70/80 devenue ermite à la production raréfiée, "50 Words For Snow", rêverie thématique autour de l'hiver, la neige et la blancheur se révèle un vrai monde contenu en sept plages inédites remplies de blanc et de silence, de temps retenu et de pulsations vitales.

Renouant avec (et dépassant) la notion d"album concept" chère aux années 70 qui l'ont vu éclore, la belle anglaise, accompagnée du grand batteur Steve Gadd, se paye le luxe de déployer le temps le long de longues plages feutrées et coconneuses sur "fond sonore de chute de neige" en susurrant de sa voix d'ensorceleuse d'étranges histoires d'amours métaphoriques, d'esprits neigeux et d'homme des neiges pourchassé :



Troublante première plage résonnant d'un piano assourdi où le grain un peu volé de sa voix mûrie par l'âge habille sa musique d'une sobriété qui la rend immédiatement accueillante et surtout plus profonde.
Ainsi, le trio des splendides premiers morceaux (Snowflake, Lake Tahoe, somptueux Misty) qui ouvrent ce disque en apesanteur évoque l'épure musicale aux pulsations jazz vers lesquelles tendaient Talk Talk et Mark Hollis et les arrangements minimalistes chaloupés des morceaux suivants renvoient au meilleur de la  pop moderne (50 Words For Snow avec le so british acteur Stephen Fry répondant à sa voix unique de fée, un régal) :


Un écrin sonore ouaté entre progressif vintage et classicisme inspiré, une production en fait intemporelle qui ne semble pas (ou plus) se vouloir innovante, mais juste belle et accomplie. Et que même la présence surprenante mais convaincante d'Elton John en duo sur un titre ne parvient pas à éclipser.

Joli retour arty apaisé qui rappelle à toutes les prétendantes au trône de diva pop incontestablement inventé par leur grande soeur (grand-mère) Kate que le chemin sera encore long avant de la remplacer. Car celle qui inspira par sa liberté un nombre incalculable d'artistes féminines indépendantes, de Liz Fraser des Cocteau Twins à My Brightest Diamond ou Glasser - en passant aussi par une certaine islandaise devenu soulante - ne semble pas, pour notre plus grand plaisir, encore décidée à céder sa place.

Réjouissante nouvelle qui, en dehors du plaisir de ces retrouvailles inattendues, peut laisser présager à l'avenir de bonnes surprises, d'autant qu'elle prévoit de renouer à moyen terme avec la scène.

Tant que tu réussiras à montrer l'étendue de ton imprévisible talent, Dear Kate, on est prêts à t'attendre, même plusieurs hivers sous la neige.

Tracklist :

1. Snowflake
2. Lake Tahoe
3. Misty
4. Wild Man (with Andy Fairweather from Low)
5. Snowed In At Wheeler Street (with Elton John)
6. 50 Words For Snow (with Stephen Fry)
7. Among Angels

Kate Bush. "50 Words For Snow" (Noble & Brite/EMI) sorti le 21 novembre
♥♥♥♥
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site de kate bush

lundi 28 novembre 2011

Le doux hiver de YOUTH LAGOON

Plonger tête la première dans un lagon en cette période frisquette, ça vous tente? C'est ce que nous propose avec un brin d'insolence Youth Lagoon, révélation du moment qui a tous les atouts pour être une vraie sensation dans les prochains mois et années.

Pseudo étrange qui sonne comme un curieux mélange entre le Black Lagoon de la créature années 50 du même nom et nos vieux amis de Sonic Youth. Photos zarbies qu'on croirait tirées d'un film de David Lynch (qui vient de sortir son album solo officiel, décevant). Et surtout, musique vaporeuse entre lo-fi sonore et indie pop songs coconneuses.

Derrière Youth Lagoon se cache en fait un "one man band", Trevor Powers, jeunot de 22 ans venu d'Idaho, planqué derrière ses chansons bricolées comme un spationaute isolé dans une navette spatiale oubliée.

Ou un ermite pot-adolescent transformant son isolement par la magie des claviers en pépites musicales :



Troublant album qui sonne très vite comme familier, dans le bon sens du terme, entre minimalisme à la The xx et échos réverbérés de shoegaze ou dream pop aérienne de la meilleure new wave (évident sur Cannon, Daydream ou Montana).

Ainsi, nulle surprise en apprenant que l'historique Treasure de mes Cocteau Twins préférés est le disque fétiche de notre musicien introspectif. Une raison imparable pour s'enticher de ce nouveau venu, même si la musique des illustres écossais ne ressemble pas tout à fait à celle de ce nouveau venu.

Qui, bien que pratiquant un revival indie fort couru ces derniers temps, emporte la conviction par le minimalisme sonore de son univers épuré. Et surtout, par la beauté floue de ses chansons de poche, aux vraies qualités mélodiques qu'on découvre vite sous la carapace sonore au son caverneux que s'est construite l'oiseau (prod saturée, voix fêlée à la Patrick Watson, guitares désolées) qui confère son identité musicale touchante, entre eighties revisitées et home studio fissuré :



Bel album surprise, cette "année d'hibernation", Powers partage avec bonheur sa solitude et adoucit de fait la nôtre, devient rapidement un compagnon , d'hiver idéal qui devrait bousculer pas mal les tops et listes de la fin d'année.

Voisin des vagabondages solo de Bradford Cox quand il s'appelle Atlas Sound, de la mélancolie de Perfume Genius, des rêveries néo eighties de John Maus ou Part Time, un disque-journal de bord à l'évidence très intime pour son auteur, tellement accueillant et immédiat qu'il est vite devenu le nôtre, enfin le mien !



Et comment mieux vous donner envie de l'écouter sans tarder qu'en vous conseillant, vous ordonnant, de poser une oreille sur "Montana", déjà une des plus belles chansons de l'année ?


Tracklist :
1. Posters
2. Cannons
3. Afternoon
4. 17
5. July
6. Daydream
7. Montana
8. The Hunt
9. Bobby (Bonus Track)
10. Ghost To Me (Bonus Track)

Youth Lagoon. "The Year Of Hibernation" (Fat Possum Records) Sorti le 27 septembre
♥♥♥♥♥ COUP DE COEUR

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dimanche 27 novembre 2011

SYD MATTERS EN LIVE. Merci, Mr Morali !



L'existence d'un blog est une course de fond, non exempte d'incidents et d'arrêts imprévus. Plus de dix-sept jours de break momentané, un trou d'air de saison occasionnel qui nous envoie déjà à la fin du mois de novembre.

Et c'est donc à l'occasion d'un concert hier soir, ma deuxième virée passée à La Sirene, que le blog se réveille de sa torpeur passagère. Un concert de Syd Matters, mais quel concert ! Bon, commençons par le début car la soirée pop rock rochelaise s'est déroulée en trois temps.

D'abord le quatuor des Kid Bombardos, petits voisins bordelais qui ont ouvert les hostilités avec l'énergie qui caractérise leur jeune âge. Et admettons que le groupe des frangins Martinelli se tient bien en scène, endroit qu'ils connaissent manifestement comme leur poche. Leurs pop songs charnues et électriques et leur look rétro constituent un apéritif sympa, à défaut d'être original :



Avouons juste que, malgré l'excellence de leur bassiste et leur jeu de guitares furibardes, malgré tout l'engagement scénique dont ils font preuve, le set s'avère un peu lassant, lorgnant sur les sixties et le rock limité des Strokes, pour finir au fond par sonner comme une version hexagonale des Vampire Weekend ou Two Door Cinema Club. Quand en plus, on n'est pas très sensible au phrasé anglais très chewing-gum de Vincent Martinelli. Ceci dit, vu leur âge et leur fougue en scène, je présage que ces kids là ont toute la ressource de me convaincre dans la suite de leur parcours.

myspace kid bombardos

Puis vint le tour des Rouennais de Tahiti 80, le groupe de french pop qui mériterait d'être aussi célèbre que Phoenix, ou au moins, de connaître une part de la reconnaissance médiatique (exagérée) qu'on accorde aux versaillais.

Véritables champions de feel good music, difficile de résister au vraies bombes sunshine pop du groupe du sympathique Xavier Boyer, dont la récente approche électro n'a fait que bonifier leur pop fruitée et mélodiquement irrésistible. Quand en plus le gang fait preuve d'une évidente aisance scénique, aucune raison de bouder son plaisir :



Hélas, c'était sans compter sans l'apathie ou l'indifférence d'une partie du public qui les toisait avec l'air blasé d'un troupeau de bestiaux regardant passer un TGV. Ainsi, une certaine qui regardait en coin d'un air navré ma tentative personnelle de danse improvisée d'un air quasi attéré.
Réflexion tardive
: "Si tu viens au concert pour faire la gueule, même quand les artistes sont bons, fallait pas venir, Machine !"
"Vous allez l'air sage, trop sage!" lança un Xavier Boyer conscient du problème, plutôt piqué et semble-t-il agacé par l'obligation de terminer à un horaire imposé. Décidés à les faire bouger, le gang enchaîna avec un choix imparable de machines à danser (Gate 33, Darlin', Crack Up). Mais cette dernière n'ayant, à ma grande surprise, pas encore réveillé les endormis, Boyer & co ont semblé rendre prématurément les armes, ce que je comprends dans ces circonstances, et sans aucun rappel, que ce petit public de zombies ne méritait d'ailleurs pas.
Du coup, tout le monde en a été privé. C'est pas juste pour les autres, dont moi !

tahiti 80

Le temps d'un nouveau (et bien long) changement de matériel, j'en vins à m'interroger sur la suite : est-ce que cette attente valait le coup? Avais-je bien fait de vouloir voir Syd Matters en scène?

Autant dire que dès que l'obscurité s'est faite, à peine éclairée d'une petite lumière bleue aquatique et que les premières mesures de "River Sister" ont résonné, le climat change et le niveau monte d'un cran. Plus de questions, la certitude d'être au bon endroit, au bon moment, et de voir des artistes légitimes dans la pleine mesure de leur talent :



Si le folk-pop rigoureux et inventif de Syd Matters charme déjà sur disque (le génial "Brotherocean"), les voir en scène constitue un vrai aboutissement. Voir chanter Jonathan Morali avec une rare intensité, les yeux fermés comme plongé dans son monde intérieur, envoûte par son caractère spirituel qui impose l'exigence à tous. Light show inspiré, son parfait, musiciens concentrés, choeurs chaleureux, section rythmique d'enfer, compositions habitées : de la pure magie, un vrai moment de grâce étonnant.

Jonathan Morali semble investi dans chaque mot de chaque chanson, et quelles chansons ! Intimes, fluctuantes, émouvantes, complexes et limpides à la fois, l'énergie de la scène leur confère une dimension supplémentaire et une électricité rock insoupçonnée en studio.


















Alternant épure acoustique, digressions instrumentales dignes des meilleures heures du prog rock et longues boucles guitaristiques ou variations électro aux vertus psychédéliques, Syd Matters impressionne par sa force tranquille, sa puissance de feu et laisse muet plus d'une fois (somptueux "Obstacles" ou "I Might Float", au hasard) :





Un moment en apesanteur, où la gravité perce sous la douceur, l'euphorie sous la mélancolie, rempli des regards de connivence de Morali vers ses quatre complices et de son émotion lors d'un double rappel triomphal et bluffant de beauté. Dignes enfants de Pink Floyd, cousins hexagonaux de Midlake mais surtout de Radiohead, voilà, à mon humble avis, le plus grand groupe français actuel en activité.

Dont je ne remercierai jamais assez l'actuelle prestation. Surtout pour nous rappeler combien il est bon, dans une époque de faux-semblants et de vrais blasés, de se retrouver en position d'admiration devant le talent de vrais artistes, une sensation rare pour un plaisir réconfortant.

Des étoiles dans les yeux, bien qu'à moitié sourd après le concert, je cours récupérer une affiche du groupe. Derrière moi, deux couples commencent à s'échauffer, l'un reprochant à l'autre d'avoir parfois parlé et ri trop fort lors du set, même lorsque les morceaux ne s'y prêtaient pas :
"- Ça, on peut dire qu'on vous a entendu, vous !"
"- Comment, on doit se taire? C'est la messe, c'est Dieu, Syd Matters ?"

Même ridicules et inappropriées, ces interventions n'avaient pourtant pas réussi à briser l'harmonie de ce rendez-vous entre ciel et terre, air et eau, ombre et lumière.

Un moment qui restera comme un des meilleurs concerts que j'ai vus, un instant protégé par la bulle aérienne du monde de Syd Matters. Vous savez ce qui vous reste à faire si d'aventure ils passent près de chez vous : y courir sans hésitation !

"Brotherocean" en écoute sur spotify

syd matters
la sirene

Merci sincère aux lecteurs et blogueurs amis (Christo, Benoit, Joris, Muffin Man, Charlu, Vincent et les autres) quand l'envie s'essouffle parfois, pour me redonner régulièrement envie de repartir. Thanks a lot !

mercredi 9 novembre 2011

Le doublé CASS McCOMBS

Et de deux ! À peine quelques mois après son scintillant "Wit's End", le songwriter américain le plus insaisissable de ces dernières années a déjà remis le couvert. Pour qui a a succombé au charme des albums du musicien de Baltimore, voilà une nouvelle alléchante qui, de plus, prouve la bonne santé musicale de l'énergumène dont les disques s'avèrent de plus en plus écoutés, donc attendus.

Au moment de se pencher sur ce "Humor Risk", bien se rappeler de l'effet étrange de la musique d'apparence anodine de Cass McCombs, ceci dit pour éviter de rester sur une première impression de déception genre "moins bien" suite à un "Wit's End" (critique perso) quasi parfait.

Moins épuré et énigmatique que son auguste prédécesseur, ce nouvel opus semble revenir vers des chemins folk-pop plus fréquentés (guitare électrique, basse, claviers) plus énergiques, quasiment le tout venant sonore de la pop, même indie.

De quoi se sentir presque trahi. Oui, mais comme sans s'apercevoir, on y revient plus tard, et encore une fois, et une autre ensuite. Comme envahi par la ritournelle de "The Same Thing" et son entêtant gimmick pop au clavier :



Ou par l'effet hypnotique de la lancinante "To Every Man His Chimera". Ou charmé par l'aspect alanguie de "The Living World", ou l'atmosphère lo-fi singulière de la "Maria" de fin.
Et par les bruits d'ambiance
qui parsèment, comme des annotions griffonnées trouvées en marge d'un journal intime, ce disque à l'allure originale. Le tout porté par le timbre de sa voix chaude, et marqué du sceau d'une certaine bizarrerie qui transcende le matériau de base, la longuette "Mystery Mail" mise à part.

Une chose logique quand on sait ce que ce trentenaire avouait il y a quelques mois dans un entretien écrit pour
Magic, à lire ici :
"En fait, je préfère les albums complètement incohérents, les fourre-tout avec des chansons politiques, des chansons personnelles, ainsi de suite. Il n’y a aucune continuité esthétique dans ce que je fais, aucun style. J’essaie simplement de faire en sorte que l’auditeur me sente, entende les mots distinctement et les interprète comme bon lui semble." 
Ainsi, ce "Humor Risk" serait à aborder comme un disque-miroir posé face à "Wit's End", de huit longs titres chacun, aussi éclectique et changeant que ce dernier était posé et impénétrable.

Et le montre comme un individu libre, s'inscrivant à la fois dans la tradition de l'artiste folk prolixe (de Bob Dylan à Elliott Smith
en passant par Tim Hardin), mais confirme l'aspect inclassable d'un électron libre dont le talent semble être celui de transmuter en objets non identifiés des éléments pourtant connus :



Dans un registre où Conor Oberst de Bright Eyes a fini par lasser, Cass McCombs fait mouche lui qui n'a jamais cherché à courir après les modes. Un fait évident quand on revisite son parcours discographique, qui de "Catacombs" à "A" est parcouru d'une vraie pertinence intemporelle.













Ce qui n'empêche pas son auteur d'être de son temps, fidèle et changeant en même temps. De quoi rendre inattendu le quotidien musical par les vertus d'un alchimiste gentiment touché par un certain ange du bizarre, à l'univers décidément très addictif :

Cass McCombs - "Robin Egg Blue" (Gun Drum Mix)

Tracklist:
 

1. Love Thine Enemy
2. The Living Word
3. The Same Thing
4. To Every Man His Chimera
5. Robin Egg Blue
6. Mystery Mail
7. Meet Me At The Mannequin Gallery
8. Mariah

Cass McCombs. "Humor Risk" (Domino Records) Sorti lundi 7 novembre
♥♥♥♥
en écoute sur spotify et deezer
3 titres sur la Playlist Popavis sur les inrocks et magic
Cass McCombs


samedi 5 novembre 2011

LE CINÉ DE L'ENFANCE. Les Géants de Bouli Lanners

Rien n’est plus plaisant que de voir s’épanouir le talent d’un cinéaste. Avec son nouveau et troisième film Les Géants, le comédien-réalisateur Bouli Lanners confirme sa nature de "belgicain" porté sur le picaresque, son attirance pour la marginalité, son goût pour les chemins de traverse, toutes choses déjà à l’œuvre dans ses précédents films, "Ultranova", et surtout le formidable "Eldorado".

Mais, encore mieux, il affine encore son regard pertinent et tendre sur l’enfance ou plutôt sur son difficile basculement vers l’age adulte. Si "Eldorado" voyait des adultes largués fuir leur situation en se comportant en enfants inconséquents, "Les Géants" voit ses jeunes héros confrontés prématurément à des problèmes d’adultes.

Conte drolatique et élégiaque filmé à hauteur d’enfant – en fait à travers leur yeux - le film allie insouciance de la jeunesse à la constante âpreté de leur situation : trois pré-ados, deux frères et leur copain, livrés à eux-mêmes sans ressources dans la maison familiale, confrontés à un monde hostile, le nôtre : celui des adultes.
Trois petit poucets au cœur vaillant qui tentent de faire face à l’âge où faire les quatre cent coups est si tentant. Dérisoires et hilarants délires (fumer de l’herbe, piller "gentiment" une maison, se faire une teinture express) comme des chiens fous s’étourdissant pour braver la cruauté du monde extérieur.

Si ce "road movie forcé" s’avère constamment réussi, il le doit à la simplicité et nonchalance de son récit qui semble s’inventer à l’écran en collant au plus près des pérégrinations de ses jeunes héros, filmant avec un naturel dédramatisant des situations anormales, grotesques et inquiétantes : une mère désespérément absente, des adultes violents, un dealer flippant, escroc rapace et patibulaire.

La force de vie des enfants et la nature estivale splendide qui abrite leur déboires tirent le film vers la lumière et l’espièglerie, bénéficiant de l’excellence de son trio central de jeunes acteurs, confondants de naturel et de justesse - Zacharie Chasseriaud le plus jeune, en tête.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, derrière une insouciance de façade, la gravité se fait sentir, la sensation d’abandon, la déshérence, l'exclusion, l’univers naturel inquiétant. Derrière l'aventure à la Tom Sawyer, peut guetter la noirceur de "Délivrance" ou de "La Nuit Du Chasseur".

Des références américaines évidentes au regard de la mise en scène du cinéaste qui filme la Belgique et le Luxembourg comme les grands espaces du Montana : splendides images en Scope d’une nature épanouie, lumière d’un été triomphant, fleuve Missouri local pour un possible havre de paix qui abriterait nos canetons perdus.
Bercée d’une jolie B.O. originale, folk plaintif à la Bonnie Brince Billy (signée The … Bony King of Nowhere, un disciple belge!), l’aventure a des allures de fuite rieuse mais se clôt sur un dénouement ouvert à l'avenir incertain.

Lumineux et doux-amer, "Les Géants" ne procureraient pas autant de plaisir cinématographique sans la discrète inquiétude que l’on sent, sous-jacente tout du long. Jamais insistant, toujours précautionneux, c’est pour ce que le film montre en creux qu’on l’aime : il fait bien de s’attarder sur le diablotin angélique Zackarie Chasseriaud et sa bouille de bébé à la moue renfrognée, touchant identificateur pour le spectateur.

Ce qui passe dans les scènes de regard muets entre Zak et ses compères, de la prise de conscience à la boule au ventre contenue, est d’une justesse indicible à serrer le coeur. En clair, s’il fallait remercier Bouli Lanners, c’est surtout pour la pudeur extrême qui caractérise son approche et le constant ravissement d’avoir vu un film modeste, mais précieux.
Merci l’artiste !



"Les Géants" (Belgique, 2011). Sorti le 2 novembre 2011
♥♥♥♥
Réalisation : Bouli Lanners. Scénario : Bouli Lanners et Elise Ancion. Directeur de la photo : Jean-Paul de Zaeytijd. Montage : Ewin Ryckaert. Musique : The Bony King Of Nowhere. Production : Samsa Films/Arte France/RTBF. Distribution : Haut Et Court. Durée : 85 mn.

Avec : Zacharie Chasseriaud (Zak); Martin Nissen (Seth); Paul Bartel (Dany) ; Didier Toupy (Boeuf) ; Karim Leklou (Angel) ; Marthe Keller (Rosa) ; Gwen Berrou (Martha).

Extrait de la musique du film :



écouter The Bony King Of Nowhere (album perso + B.O. du film) sur spotify

chroniques sur plan C et la houlette du hérisson

article sur télérama

les géants le film

jeudi 3 novembre 2011

Une petite pinte de BLOOD ORANGE ?

Voilà un petit remède pour combattre la mauvaise saison et se fortifier, et même si l'album en question date de la fin de l'été dernier, il n'est pas trop tard pour y goûter. Encore une relecture des eighties (c'est une épidémie, on vous dit!) que l'on doit à Devonte Hynes, touche-à-tout caméléonesque remuant.

Autrefois versé dans l'underground bruyant avec Test Icicles, hier mieux identifié sous le nom de Lightspeed Champion en néo-folkeux alternatif au look criard entre Prince et Elvis Costello, l'homme a la bougeotte et accumule vite les projets.
Blood Orange, le dernier en date, le plus personnel selon lui, qui recrée le minimalisme et le glamour des années 80, semble un tournant dans son parcours. En tout cas, celui qui me convainc le plus, étant resté très étranger à ses étapes précédentes.

Disque nostalgique d'une période eighties qu'il n'a pourtant pas connue, Coastal Grooves est une collection de pop songs catchy, aux couleurs minimales et théâtrales, autant carrées que charnues à la fois, l'introductive Forget It ou l'addictive Sutphin Boulevard en premier lieu, un des meilleurs singles pop du moment :



Ne pas prêter attention à l'intitulé des références évoquées par l'intéressé qui ont de quoi faire peur (Duran Duran, Billy Idol, Genesis!), mais reconnaître l'efficacité et le charme de cet indie soft smooth pop à l'écriture ciselée, souvent des états d'âme vus d'un point de vue féminin.

Rien d'étonnant alors, car selon l'énergumène toujours, le disque est à écouter comme le journal de bord des déconvenues d'une tapineuse ou d'une drag queen esseulée. Celle de la pochette?

Disque-concept ou pas, l'atmosphère distillée par cette bulle musicale et le chant androgyne de Devonte Hynes, proche du Prince de l'époque, inspire une ambiance certaine, aussi glamour et maniérée que chiffonnée et abandonnée, entre séduction kitsch et minimalisme retenu.
Il est vrai qu'on y croise autant les échos de la J pop des années 80 (Yellow Magic Orchestra) que ceux d'une new wave précieuse (China Crisis, Japan) aux accents funky d'une black music métissée :



Mais qu'on ait connu ou non la décennie 80, et surtout qu'on l'aime ou pas, importe peu, tant l'aventure offerte par Blood Orange peut se rapprocher d'autres voyages entrepris il y a peu : des productions de Danger Mouse, du Forget stylé de Twin Shadow, des métissages temporels de Toro Y Moi ou des rêveries soft pop de Destroyer.













Pas de quoi cependant réconcilier les adversaires des eighties, ceux qui trouvent la volonté de recréer la décennie 80, jusque dans ses défauts, un exercice assez vain. On n’ira pas jusque là, l’ensemble ne manquant pas de classe (beau jeu de guitare), avec toutefois le bémol de trouver à Blood Orange un petit côté clinique, comme un exercice de style trop maîtrisé au bout du compte.

Ensuite, à savoir qui est vraiment Devonte Hynes ? Avouons qu'on s'en moque un peu, tant que cet album multi-facettes, moderno-passéiste, rétro-contemporain et aussi épuré que clinquant, continue à dispenser son indéniable charme aux qualités énergisantes.
Un bon petit remède de saison, comme je disais.

Blood Orange Forget It

1. Forget It
2. Sutphin Boulevard
3. I'm Sorry We Lied
4. Can We Go Inside Now
5. S' Cooled
6. Complete Failure
7. Instantly Blank (The Goodness)
8. The Complete Knock
9. Are You Sure You're Really Busy
10. Champagne Coast

Blood Orange. Coastal Grooves (Domino Records) sorti le 29 août 2011
♥♥♥
en écoute sur spotify et deezer 
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