dimanche 25 décembre 2011

HUNKY DORY for Christmas

À l'heure où chacun a ouvert ses cadeaux, je dépose au pied du sapin un cadeau vieux de quarante ans et que tout le monde connaît déjà. Mais qui n'a pas pris une seule ride : toujours aussi irréel qu'il le fut à l'époque.

Le 17 décembre dernier, on a fêté l'anniversaire de la sortie quatre décennies plus tôt d'un album qui est à mes yeux le plus beau de l'histoire de la pop : Hunky Dory. "Un disque si beau que le simple fait de le posséder, sans même l'écouter, suffit au bonheur" selon la formule de son fan n°1 Jérôme Soligny, qui a vu tellement juste. Un album découvert de mon côté à peu près une bonne douzaine d'années plus tard et qui fut une vraie révélation.

1971 : voici trois ans qu'un jeune auteur-compositeur attend son heure, espérant confirmer pour de bon les espoirs entrevus lors du grand succès de la chanson Space Oddity deux ans auparavant. Et qui ne peut se résoudre à être l'homme d'un seul titre, vu l'ampleur de son ambition. Si la consécration mondiale viendra plus tard avec l'album suivant et le raz-de-marée Ziggy Stardust, en 1971 David Bowie est encore dans l'antichambre de l'histoire du rock.

Après s'être essayé à la pop vintage (l'introductif David Bowie de 1967), le folk onirique (Space Oddity) ou avoir tenté le hard rock glam l'année passée (The Man Who Sold The World), le jeune anglais trouve enfin LA bonne formule avec ce quatrième album. Réunissant les musiciens qui seront ses futurs Spiders From Mars (Mick Ronson, Woody Woodmansey, Trevor Bolder et Rick Wakeman, futur pianiste de Yes), Hunky Dory est le disque d'un talent étonnant, superstar en devenir et songwriter touché par la grâce.  

Mélange d'ambition et de candeur, d'arrogance et d'ingénuité, où le jeune Bowie peaufine son jeu avec l'androgynie et le bizarre, Hunky Dory est le plus délicat de ses albums et celui où éclate son génie de mélodiste.

Remplis de futurs classiques de son répertoire - dont au moins sept, voire huit chefs-d'oeuvre - l'atmosphère unique de cette splendeur aux couleurs d'aquarelle, entre cabaret glam pop et folk mélancolique, saisit la mutation d'une époque. Adieu les années 60 hippies, bientôt l'ère de l'excentricité et de la flamboyance rock, mais marquée d'un esthétisme constant et d'hommage à l'esprit music-hall et cabaret anglais.

Si les singles Changes et Oh! You Pretty Things, futurs classiques inusables, auraient suffi pour que cet album reste dans les annales, que dire alors du sommet Life On Mars?, certainement le plus incroyable des titres chantés alors par l'homme aux yeux vairons. Mélodie tombée du ciel, arrangements magnifiques - signés Mick Ronson - d'une classe rare (ces cordes, ce piano, ce lyrisme!) et sa voix juvénile inouïe aux accents dramatiques :



Si Hunky Dory émeut toujours sans faillir, en-dehors de son extraordinaire musicalité élaborée par le producteur Ken Scott et Bowie lui-même, c'est qu'on y sent la future superstar à venir, mixant avec génie ses influences et emprunts (Marc Bolan, Scott Walker, le Velvet Underground), celle qui jouera en maître de son ambiguïté et de son charisme ravageur, mais s'exprimant ici avec une délicatesse d'expression rarement atteinte jusqu'alors dans le rock mainstream.

On y voit aussi un artiste dire subtilement au revoir à ses années de formation, évoquer tendrement son fils et sa vie familiale (Kooks), saluer par-delà l'océan ses héros américains (Andy Warhol, Lou Reed, Bob Dylan), développer son goût pour le lyrisme et l'excentricité (Life On Mars?) et avouer de front ses doutes ou désillusions (Don't believe in yourself, Don't decieve with belief, Knowledge come with death's release - Ne croyez pas en vous-même, ne vous trompez pas à cause de vos convictions, la connaissance vient avec l'arrivée de la mort) sur la magique Quicksand :



Album où le futur extraterrestre de la planète rock montre encore un visage humain, une vulnérabilité mêlée à la flamboyance excentrique qui le caractérise, Hunky Dory, riche écrin musical à l'étrange intemporalité, tellement de son époque mais toujours pertinent, est souvent le disque préféré des amateurs de Bowie. Celui qu'admire depuis quarante ans une nuée d'auteurs-compositeurs admiratifs ou jaloux des hauteurs atteinte par le Thin White Duke (même Bono de U2 et combien on le comprend!).

Aujourd'hui comme hier, Hunky Dory et son mélange unique d'exaltation et de mélancolie profonde qui caractérise la jeunesse, touche, enivre, fascine durablement. La porte d'entrée la plus attachante du monstre Bowie, qui se clôt sur le titre-phare The Bewlay Brothers.

Morceau métaphorique et troublant, illustration de la lutte du futur Ziggy mais encore David Robert Jones, contre sa peur de la folie, celle là-même qui rongeait son demi-frère schizophrène Terry. Chanson-clé d'un homme qui s'est servi de son art pour mieux affronter ses angoisses et nourrira ensuite avec génie le rock de ses démons et merveilles :

 

Quarante ans et pas une ride : Happy Birthday, Hunky Dory. Et Joyeux Noël à vous tous.

1. Changes
2. Oh! You Pretty Things
3. Earth Line Poem
4. Life On Mars?
5. Kooks
6. Quicksand
7. Fill Your Heart
8. Andy Warhol
9. Song For Bob Dylan
10. Queen Bitch
11. The Bewlay Brothers

David Bowie - "Hunky Dory" (RCA/EMI) 1971
CHEF-D'OEUVRE ♥♥♥♥♥
david bowie.com
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4 commentaires:

  1. je connais mal Bowie qui n'a jamais été un de mes artiste de chevet sans que je sache vraiment pourquoi... le hasard sans doute. Mais malgré tout le titre "Life On mars" reste pour moi un grand moment de pop music... redécouvert avec la série du même nom, excellente au demeurant !

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  2. O.K avec toi sur "Life On Mars" ... et aussi la série, moins flamboyante mais extrêmement sympathique, je suis bien d'accord :)
    Bonnes vacances de Noël :)

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  3. Il y a fort longtemps David Robert Jones inventait David Bowie....une créature prodigieusement magnifique, extraordinairement fabuleuse qui hante encore et à jamais ma mémoire...

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  4. Bien d'accord avec le côté indélébile du personnage et de son parcours, anonyme.

    Et pour rebondir sur la remarque de Benoit et ceux qui le connaissent mal, même si mon Bowie préféré est "Station To Station", l'écoute d'un album s'impose : son "Low" de 1977, disque central, carrefour de la pop et de l'ambient qui a quasiment posé les bases de la new et cold wave (un futur papier ici?). Bowie à son top :)

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