samedi 31 mars 2012

La bonne hype de BRETON

On a appris à se méfier de ces buzzs et ces hypes qui accompagnent régulièrement l'éclosion de jeunes groupes. Très souvent pas justifiés du tout - rappelez-vous des inaudibles WU LYF de l'an dernier - de quoi flinguer les carrières à peine entamées de "sensations" vite ravalées au rang d'étoiles filantes.

Mais parfois on a tort, et ces emballements accompagnent bien de nouveaux espoirs à surveiller de près.
Ainsi, les anglais de Breton (ou Bretón) partent-ils avec l'inconvénient de leur concept de collectif d'étudiants en art, de leur musique enregistrée dans une banque désaffectée devenue BretonLabs. D'un EP 5 titres (Blanket Rule) assez inégal, de leur image de jeunes rebelles encapuchonnés : tout un bric-à-brac conceptuel-chic-tendance qui pourrait les faire passer pour des suiveurs de WU LYF.

Erreur ! Loin d'être dépourvu d'intérêt comme ces baudruches, le gang londonien est à l'origine d'un premier opus, sans doute imparfait, mais où se précise une des voies possibles de l'indie rock moderne. Intérêt qu'on doit à l'intrigante personnalité de leur éminence grise, le jeune Roman Rappak, étudiant en cinéma cultivé (Breton pour André Breton, le père du surréalisme) et créateur bouillonnant aux propos enthousiastes (ou l'inverse), capable, entre autres, d'efficaces brûlots pop  : 



Jeune groupe bien ancré dans son époque, Breton regarde avec confiance vers l'avenir et propose dans leur Other People's Problems à la fière allure un cocktail percutant et énergique d'électro pop, de rap haut de gamme, de dubstep ou de punk post-moderne.

Baignant dans un son martial industriel impressionnant, les petits anglais convient à la noce autant le math rock des Foals (LA référence évidence) que le post rock qui tabasse façon Battles (Wood And Plastic, Jostle) ou le hip pop à la Gorillaz, version alternative.
Avec une nette propension pour les atmosphères cinématographiques, tissées de field recordings ou samples de cordes très subtils (Pacemaker, 2 Years). Ainsi, sur The Commission, meilleur titre de l'album, au splendide climat nocturne :  


 
"J'aime le chaos" déclare Roman Rappak : voilà qui explique d'un jour parlant l'art de ce combo qui mérite mieux qu'une hype passagère. Et qui sonnera familier à ceux (les plus anciens ?) qui, à l'écoute de leur musique à la fois détonante et mélancolique, arrogante et inquiète, voient se pointer les échos post-punk de The Fall, Wire ou Wedding Present. La réussite de Breton étant d'avoir mixé le radicalisme intransigeant de ces figures historiques avec une modernité sonique digne de Bloc Party ou Four Tet.

L'avenir jugera du vrai devenir à long terme de cet album. Mais nul doute qu'il est bien une des sensations de ce début d'année signé par un des groupes les plus représentatifs (et éclairants) de son temps. 

Tracklist : 

1. Pacemaker
2. Electrician
3. Edward The Confessor
4. 2 Years
5. Wood And Plastic
6. Governing Correctly
7. Interference
8. Ghost Note
9. Oxides
10. Jostle
11. The Commission 

Breton. Other People's Problems (FatCat Records/La Baleine) sorti le 26 mars
♥♥♥♥
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lire sur la musique à papa et la gaité lyrique 
article sur magic et interview fleuve sur les inrocks

breton sur fatcat records

vendredi 30 mars 2012

Le live de SON LUX

Une fois n'est pas coutume. En temps habituel, je ne signale jamais la sortie des albums live, déjà pas le temps pour toutes les nouveautés, alors pour les disques captés en concert pas toujours franchement indispensables, vous pensez.

Mais il n'est pas de bonne règle à laquelle on ne fasse d'entorses. D'autant qu'en fait il s'agit d'un EP consistant en une captation de session radio plus que d'un véritable concert en présence d'un public. Et quand il est question d'un artiste adoré dans ces colonnes, difficile de résister ! En effet, le petit génie Son Lux prolonge le plaisir de ceux (comme moi), toujours pas remis de l'écoute de son superbe We Are Rising, élu ici meilleur album de l'an passé.

En prélude à son actualité musicale 2012, Ryan Lott / Son Lux nous rappelle à son bon souvenir par le biais de ce mini album à l'atmosphère ouatée. Six morceaux captés au coeur de l'été new yorkais dans les studios de BreakThruRadio, où l'artiste revisite aussi son premier album et son Weapons EP et assoit son hyper maîtrise musicale en habillant d'épure ses pépites électro néo-classiques :



Jouets tintinabullants (Betray), relecture électro dépouillée (Wither) et surtout piano intimiste dont il joue avec sensibilité (Stay) :  le très doué laborantin sonore, loin de l'aspect baroque de ses disques, renoue en une belle économie de moyens avec le trouble lumineux de ses compositions mutantes. 
Fascinant récital de chamber pop, ces trop courts morceaux au temps suspendu révèlent l'instrument unique de sa voix voilée au timbre vacillant capable d'envolées émotionnelles (Flowers ou le superbe Stay). 

Un moment en apesanteur, vivant de petits bruits d'ambiance, en avant-goût d'une année qu'il promet remplie de surprises.
Et ce, même si le décevant side project Beak & Claw conçu avec Sufjan Stevens et le rappeur Serengeti sous le nom de s / s / s s'avère ampoulé et inutile, une vraie occasion ratée. Mais en vrai électron libre, le jeune américain est bien une des figures les plus stimulantes de la scène indé, à suivre impérativement. Capable aussi - il le prouve ici tout seul comme un grand - du meilleur. 
La suite au prochain épisode !

1. Leave The Riches
2. Wither
3. Flower
4. Betray
5. Weapons VIII
6. Stay

Son Lux. Son Lux (BreakThru Radio Session) (Anticon) paru le 1er février
enregistré live à NYC le 18 Juillet 2011
♥♥♥♥
à écouter et à télécharger à prix libre sur sonluxmusic.com
à lire sur indierockmag 

son lux
breakthruradio

dimanche 25 mars 2012

Le bon son de POND

On peut à juste titre se plaindre du temps que prennent les australiens de Tame Impala pour nous pondre un nouvel album, impatiemment attendu après leur Innerspeaker déjà chroniqué ici

Ou aussi se réjouir que, profitant de ce temps libre, deux de leurs membres (Jay Watson, batteur et Nick Albrook, guitariste, accompagnés de Joseph Ryan) se soient lancés sous le nom du side project Pound dans l'enregistrement en deux semaines (!) d'un album.
Troisième opus pour eux mais premier qui parvient jusqu'à nous, qu'est-ce qui différencie ce Beard, Wives, Denim (en VO, barbe, veuves et toile de jean ?) du psyché rock de Tame Impala ? En fait, rien, ou pas grand chose.

Toujours branchés sur leur faille temporelle néo seventies, les jeunes australiens nous offrent un roboratif mille-feuilles d'époque avec des gros bouts de psychédélisme rock du meilleur aloi. Où se bousculent dans un joyeux fourre-tout (bordélique) les sons de T-Rex et Led Zeppelin, les riffs des Who ou des Kinks ou les fantômes de Love ou 13th Floor Elevators.
Le tout baignant dans un joyeux délire rock-blues-pop relevé d'une relecture contemporaine, façon Flaming Lips / MGMT :  


Équipée foutraque particulièrement appréciable, l'ensemble ne va pas sans petits ratés (You Broke My Cool) et trous d'air ou longueurs, cependant déjà présents chez les groupes d'époque. Difficile de  réécouter de nos jours un album entier de Jefferson Airplane par exemple !

Récréation sans prétention mais de très haut vol, cet EXCELLENT opus de Pond a l'avantage d'assumer une plus grande folie et liberté que Tame Impala tout en affichant une moins grande cohésion ou minutie sonore, due sur Innerpeaker à la présence du talentueux Dave Fridmann, absent ici. 

Avantage d'un album spontané et libre comme l'air qu'on aimera, selon l'humeur, moins ou plus que l'album de 2010 (pour moi, pour l'instant, plus). Et qui s'appréciera comme un space cake musical imprévisible gorgé de guitares tonitruantes, batteries en folie et hymnes pop délectables, Elegant Design, Leisure Pony. Ou ma préférée, la bien nommée Mystery, atmosphérique rêverie psyché pop en apesanteur :



Plongez vie sans retenue dans cet étang aux petites merveilles.

1. Fantastic Explosion Of Time
2. When It Explodes
3. Elegant Design
4. Sorry I Was Under The Sky
5. Sun And Sea And You
6. Allergies
7. You Broke My Cool
8. Moth Wings
9. Leisure Pony
10. Mystery
11. Dig Brother 
12. Eye Pattern Blindness
13. Moreno's Blend

Pond. Beard, Wives, Denim (Modular Recordings/La Baleine) paru le 18 mars
♥♥♥♥ 
écouter sur spotify & deezer 
lire sur le choix et des chips et du rosé 

pond sur modular recordings

samedi 24 mars 2012

Le territoire de YELLOW OSTRICH

Ce n'est pas parce que j'ai un nombre conséquent de nouveautés en retard et ne sais plus où donner de la tête que je devrais oublier ce disque plus que recommandable. Surtout car il célèbre le retour d'un volatile qu'on aime bien dans ses pages, l'ami Yellow Ostrich, déjà évoqué ici lors de son premier album officiel The Mistress.

Électron libre de la sphère indé U.S., l'oiseau Alex Schaaf est un touche-à-tout à la production déjà pléthorique, EP et auto-productions éclectiques. Où le jeune homme bricolait avec passion une musique artisanale inventive, culminant sur son Fade Cave EP, où sa voix dédoublée et polyphonisée tissait une déroutante et harmonieuse indie pop chorale.

Outsider en perpétuelle évolution, Yellow Ostrich n'est désormais plus un one man band. C'est désormais entouré du batteur Michael Tapper et du bassiste/joueur de cor Jon Natchez que son aventure semble s'écrire. Assez logiquement, le format musical de Stange Land semble  moins expérimental, se frottant autant au garage (ou college) rock qu'au souvenir des guitares noisy du grunge et aussi - ont avoué les trois lascars - à celles du père fondateur Neil Young.

Dans ses titres les plus immédiats (Marathon Runner, The Shakedown), il flotte comme un agréable goût des Sebadoh ou Weezer de la meilleure période ou des plus récents et excellents War On Drugs



Version acoustique :

Un son électrique à l'énergie plus rageuse, taillé pour la scène et la spontanéité du live, qui pourra paraître moins inattendu à ceux qui avaient été séduit par ses premières facéties Mais qu'ils se rassurent :  Alex Schaaf avec sa voix de grand ado garde toujours son petit grain de folie (le final explosif When All Is Dead) et ses particularités rythmiques et sonores.
Le tout renforcé par le son énergique façonné par Beau Sorenson, producteur de Death Cab For Cuties, comme sur le meilleur titre de l'album, un I Want Yr Love aux percussions addictives : 


Une énergie qu'on aurait être vue mise au service de chansons un poil plus fortes, seul regret, avouons-le. Mais gageons que notre oisillon indie, encore en âge de faire sa mue, apparemment avide de se frotter à la rencontre du public, saura gérer sa croissance d'oiseau rare, sans se faire bouffer tout cru par les fauves tapis dans la jungle musicale.

 "Fais comme l'oiseau..." ♫ ♪♫

1. Elephant King
2. Daughter
3. Marathon Runner
4. I Got No Time For You
5. Stay At home
6. I Want Yr Love
7. The Shakedown
8. Wear Suits
9. Up In The Mountains
10. When All Is Dead

Yellow Ostrich. Strange Land (Barsuk Records) paru le 5 mars
♥♥♥
écouter sur spotify & deezer 
portrait sur magic et interview du groupe en anglais sur popbytes

Yellow Ostrich.com

lundi 19 mars 2012

J'ai deux ans... heu... les Chroniques de Blake ont DEUX ANS

Figurez-vous que j'ai failli manquer la date. Et sans la présence de l'ami Muffin Man qui, lui, a bien toute sa tête, je l'aurais sans doute laissé filer, comme déjà bêtement l'année dernière.

De quoi suis-je en train de parler ? Tout simplement de cet espace - ouvert impulsivement suite au conseil d'une amie que je remercie d'ailleurs ici - qui, comme le blog de Muffin Man, a vu le jour en mars 2010. Les Chroniques de Blake donc, ont très exactement jour pour jour, DEUX ANS.
 
Pas encore l'âge de raison. Mais qui aurait dit, surtout pas moi, que je serai encore là deux ans plus tard ? À griffonner sur le net en vous entretenant de disques découverts, de films vus (enfin, quand j'allai encore au cinéma, vous aurez remarqué), de livres (trop peu) et autres humeurs ou actualités diverses. Devenu ces temps ci exclusivement blog musical, il devrait, je le souhaite, revenir vers ses centres d'intérêt plus larges du début.

Deux ans surtout que vous supportez la bobine de Johnny Depp tirée de l'imagerie de Dead Man sous toutes les coutures, même en dessin, et je vous félicite ici pour votre endurance ! Endurance face à mes papiers à rallonge, coups de coeur, enthousiasmes, baisses de moral ou absences répétées : trois pauses à rallonge mais je suis encore là.

Pour ne pas faire DU TOUT dans l'originalité (désolé de jouer au copieur, Mr Muffin), voilà quelques chiffres. Les Chroniques de Blake, c'est :
- 260 billets
- 156 vidéos en ligne
- autour d'une centaine de disques chroniqués (un peu moins, un peu plus)
- 51 papiers sur le cinéma dont 8 sur le Festival de La Rochelle
- 20 flashbacks sur les années 80, des "Memory Of The 80's
- 15 sur les bouquins (pas assez)
- 10 sur les séries télé (idem)
- 3 super concerts cet hiver à La Sirene

Ainsi que quelques marottes, obsessions et idées fixes :
- 10 mentions de David Bowie, presque autant de MGMT et pas assez des Cocteau Twins
-
une bonne douzaine de coups de coeur dont le premier fut Musée Mécanique, il y a deux ans et les derniers Hooray For Earth et Andrew Bird 
- 2 bugs informatiques carabinés
- 1 refonte récente du blog et mes éclipses et retours répétés.

Et surtout, vous : les lecteurs. Réguliers ou de passage, occasionnels ou habitués, devenus figures connues et amis croisés avec plaisir et connivence, je sais que vous vous reconnaîtrez. C'est sincèrement grâce à vous que ce petit espace d'échange existe encore, lui qui a souvent failli passer à la trappe. Merci de m'avoir accompagné en espérant que la route soit encore longtemps stimulante à parcourir :)

"This is our decision, to live fast and die young (hem! pas si "young" que ça) / We've got the vision, now let's have some fun" :

dimanche 18 mars 2012

REVOLVER et THE SHINS : les mirages de la perfection pop ?

On sait que passer l'épreuve du deuxième album n'est pas chose aisée et les jeunes musiciens de Revolver n'échappent pas à la règle.
Vite révélés en 2009 avec leur premier opus intimiste Music For A While, leurs harmonies vocales et leur refrains à l'unisson, le trio parisien avait, à défaut de rien inventer, l'avantage de leur très grande jeunesse, la joliesse pop et la délicatesse harmonique, héritage de leur éducation classique. 
Vus en concert, malgré les risques d'une maladresse occasionnelle, Revolver respirait à la fois la timidité et la fraîcheur des premiers pas, la promesse des lendemains, en émules juvéniles des Beatles ou Donovan.

Devenus un enjeu commercial vu le succès de leurs 100 000 albums vendus, les trop gentils Ambroise, Jérémie et Christophe ont beau avoir intitulé la suite Let Go, on attend encore en vain le "lâcher prise" promis. Plus formatée et banalisée, leur musique de jeunes gens sages confié aux (mauvais) soins du producteur Julien Delfaud les voit enfiler l'ordinaire et le tout-venant des habits pop, en vagues photocopies de Phoenix (trop lisses Wind Song ou Brothers). Du nanan pour les radios grand public :



Distillés mollement sous l'étouffoir d'un vernis lisse sans saveur où rien ne dépasse, les titres de Let Go, obsédés par une certaine perfection pop, procure plus l'ennui qu'autre chose. Et confirment le risque de fadeur inhérente des compositions des garçons, la trop grande gentillesse ou inoffensivité de leur politesse de bons élèves. On sauvera toutefois un Losing You d'inspiration Crosby Still Nash & Young ou un Cassavetes plus americana qui laisse entrevoir ce que le groupe aurait pu faire la bride moins sur le cou.

Bon, on réécoute mieux les Fleet Foxes - qu'ils adorent mais dont ils sont très loin - on vit un peu, et on revient avec un peu d'expérience et une approche plus mûre. Sinon, on vous zappera vite, les gars !

Revolver. Let Go (EMI Music) paru le 12 mars

spotify & deezer
avis pour sur les inrocks, contre sur magic et déçu sur pop revue express


L'immaturité n'est pas ce qui menace James Mercer, l'homme étant auteur à la tête de ses Shins d'une jolie discographie, dont l'inaugural Oh, Inverted World en 2001 ou le petit sommet pop Wincing The Night Away de 2007.
Révélé à tous par la ballade New Slang sur la bande-son du film culte Garden State, le talent mélodique, la précision instrumentale et la voix de vocaliste hors pair du one man band sont autant d'éléments de choix dans un parcours toujours mouvant. Même si la parenthèse Broken Bells avec Danger Mouse avait prouvé sa capacité à changer d'univers, on avait envie de le retrouver depuis ses longues années.


Chose faite avec un retour aux affaires comme pilote de son navire principal : The Shins réappareillent pour un retour au port (Port Of Morrow). Si ce quatrième volume qui sort demain célèbre nos retrouvailles avec sa pop liquide soignée, ces  mélodies à tiroirs et une maîtrise intacte, avouons aussi que, survenant après son inventif opus pop de 2007 qui le voyait réinventer son groupe néo-sixties en groupe moderne entre ombre et lumière, Port Of Morrow paraît en  agréable, mais évident pilote automatique.

Ainsi, victime de sa volonté d'efficacité, Mercer semble se réfugier derrière une grosse production immaculée dont témoigne l'aspect nouveau riche du single Simple Song


Sévérité de notre regard, mais qu'on aurait accepté de la part d'autrui ? Surtout l'aspect fondamentalement décousu d'une collection de titres anciens qu'il avoue avoir accumulé au fil du temps, d'où le côté inégal d'un recueil de chansons sans vrai unité artistique.
Le disque, s'il comporte faiblesses ou facilités (No Way Down, It's Only Life) affiche cependant aussi mélodies catchy (Bait And Switch, 40 Mark Strasse) ou trouvailles inspirées (Port Of Morrow, le titre) :



Ce qui déçoit en fait, c'est son aspect plutôt anecdotique en regard de ses capacités, et surtout l'obsession sonore et de la perfection clinique dans lesquels Mercer semble s'être installé. Des pièges qui menacent de scléroser son inspiration et surtout limiter son champ d'action et notre intérêt. La perfection peut être voisine de l'ennui, en musique comme dans la vie.

Allez, on médite et dort là-dessus, une nouvelle semaine s'annonce !

The Shins. Port Of Morrow (Rural Apothecary/Columbia Records) parution lundi 19 mars
entre ♥ et ♥♥
écouter sur spotify & deezer
avis pour sur la quenelle culturelle et mitigé sur les inrocks 

dimanche 11 mars 2012

L'oiseau ANDREW BIRD fait le printemps

Ça y est, on tient le bon bout, le printemps n'est pas loin ! Preuve en est avec ce disque libre et ouvert à tous vents, nouvel album de l'insaisissable Andrew Bird. Des années déjà que l'infatigable baladin de formation classique promène son archet en maître-violoniste accompli, ses mélodies à tiroirs et son folk pop aussi aérien que changeant. 

Parcours sinueux que celui du faux solitaire de Chicago, autant que ses compositions remplies de chausse-trapes souvent en équilibre subtil entre Americana rurale et indie pop sophistiquée. Pas toujours aisé de s'y retrouver chez cet adepte des chemins de traverse qu'on a connu flirtant à la limite de l'expérimentation (Armchair Apocrypha) et qu'on avait quitté en 2009 sur le brillamment pop Noble Beast

Mais pour peu qu'on l'ait découvert comme moi avec son rayonnant Weather Systems de 2003, disque d'une liberté musicale complète entre joie pop et mélancolie instrumentale, on reste toujours attaché au travail précieux du musicien.

Ici, à première vue, les habitués trouveront sans doute que l'américain a assez peu changé ses fondamentaux : ambiance cosy tranquille, pizzicati de violons et effets sonores (qu'il appelle des "loops"), sifflements guillerets qu'ils prendront pour ses marques de fabrique :



Fausse impression : rien n'a changé et pourtant, tout vibre, respire, frémit d'une impression nouvelle : la joie du partage.
Plus insouciant et spontané, le virtuose a laissé de côté l'aspect un peu cérébral de sa musique au profit d'une liberté instrumentale acquise lors de l'enregistrement très "jam sessions" de ce Break It Yourself. Le perfectionniste a laissé plus de place au feeling et au hasard, heureux de l'émulation positive avec ses musiciens qui développaient les idées qu'il lançait. 

Un travail à ciel ouvert où se sent la joie palpable de la création collective du moment, enluminé d'un violon retrouvé qu'Andrew Bird a remis à sa place d'honneur. Excursion indie fok champêtre enchanteresse relevée de banjo et cordes enveloppantes, qui nous promène de balade caraïbe aux accents country square dance (Danse Caribe) en pop song ciselée (Near Death Experience Experience), d'une inattendue rock song (Eyeoneye) en explosion de joie pure (Orpheo Looks Back) :



Une libération visible qui s'exprime aussi dans le chant de l'artiste, dont la voix n'a jamais été aussi affirmée, d'une fraternité touchante, épaulé parfois par la voix d'Annie Clark de St-Vincent. Si retour sur ses fondamentaux artistiques s'effectuait pour chacun de manière si éclatante, nul doute qu'on aurait des merveilles à écouter chaque semaine. 

Classique instantané, un des plus beaux de ce début d'année et un des meilleurs albums, avec Weather Systems, de son auteur, pas décidé à céder sa place à Owen Pallett ou Peter Broderick. Beau comme l'émouvant Hole In The Ocean Floor, clou incontestable de cet opus épanoui et radieux :



Si la pochette de cet album n'était pas d'un goût si discutable, on tenait là un vrai sans-faute, monsieur Bird ! Blague à part, ne faites pas l'erreur de passer à côté de ce moment réjouissant pas loin du futur classique.

1. Desperation Breeds
2. Polynation
3. Danse Caribe
4. Give It Away
5. Eyeoneye
6. Lazy Projector
7. Near Death Experience Experience
8. Behind The Barn
9. Lusitania
10. Orpheo Looks Back
11. Sifters
12. Fatal Shore
13. Hole In The Ocean Floor
14. Belles

Andrew Bird. Break It Yourself (Mom + Pop/Fargo) paru le 5 mars 2012
♥♥♥♥♥ COUP DE COEUR
écouter sur spotify & deezer
article sur l'album sur magic et interview d'Andrew Bird sur les inrocks 

andrew bird

samedi 10 mars 2012

MEMORYHOUSE, maison fragile

Une fois n'est pas coutume, ce billet aura pour sujet un disque qui ne m'a pas emballé plus que ça. Et surtout, que j'aurais aimé aimer bien plus que ce n'est le cas en fait.

Précédé d'une rumeur sympathique, de visuels charmants et surtout d'un EP lumineux en 2011 (The Years), le duo canadien Memoryhouse, couple de jeunots mimis Evan Abeele-Denise Gouvion, avait de quoi allécher rayon douceur musicale printanière, couleur dream pop, charmé par l'aspect cotonneux de quelques mélodies rêveuses, Sleep Patterns ou le langoureux Lately :



Que n'ont-ils continué sur cette lancée dream pop, pas si loin des Still Corners ! Car que leur premier album The Slideshow Effect ne renoue pas avec les titres de The Years, pourquoi pas ? Mais on se retrouve du coup face à des pop songs beaucoup plus classiques, installées dans l'axiome basse-guitare-batterie d'une sagesse et platitude confondantes.
D'une joliesse soignée certes, mais si appliquées, vite ennuyeuses et soporifiques, quasi gnan-gnan comme le timbre scolaire agaçant à la longue de Denise Gouvion. On pourra certes remarquer de petits éclats (Walk With Me, Kinds Of Light) sur une fin d'album (un peu) moins fade :



D'autant que la question "couple musical, option dream pop", appelle inévitablement la comparaison avec une flopée de formations valeureuses comme Belle & Sebastian, The Pains Of Being Pure At Heart ou les attachants Catchers de Dave Grindle, souvenez-vous. Et quand on aborde le souvenir des mémorables Sundays, les petits canadiens font vraiment pâle figure face au couple David Gavurin-Harriet Wheeler, affaire de classe mélodique et surtout de voix, n'est-ce pas Denise ?  

Pour ne pas parler de la référence absurde aux Beach House (!) lue partout, même chez les pros. Un peu moins de paresse éditoriale et de mesure éviterait à ce petit groupe qui n'en demandait pas tant d'être broyé sous le poids d'une comparaison si écrasante. Les gars, z'avez bien écouté la merveille qu'est Teen Dream et LA voix de Victoria Legrand ?

D'ailleurs, pas bien joli ce que je fais, mais je ne résiste pas au plaisir tordu de vous convaincre en vous proposant le tout nouveau single de nos favoris de Baltimore, le plus qu'excellent Myth, un avant-goût de leur nouvel album prévu en mai !



Que ça ne vous empêche pas de jeter une oreille sur cette "maison du souvenir" pour juger tout seuls comme des grands. Mais que ceux qui avaient cru, à l'écoute de The Years ou à entendre la rumeur à leur sujet, tomber sur une jolie pépite, sachent à quoi s'attendre : tellement peu. Et se préparent donc plutôt pour l'album Bloom de Beach House à venir le 15 mai. 

À signaler : Myth est disponible en download gratuit ici-même sur le site de Beach House !
 
"J'aime la dream pop au mois de mai" ♪♫ ♪♫

Memoryhouse. The Slideshow Effect (Sub Pop/Pias) paru le 27 février
de à ♥
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sur spotify & deezer
avis positifs
sur la quenelle culturelle et les inrocks

memoryhouse

mardi 6 mars 2012

Un ROVER, ça tient plutôt la route

Déjà repéré avant ma petite absence, voilà tout naturellement que je rouvre avec ce disque. Pas si souvent que je me penche sur un artiste français, mais pas un hasard non plus si l'album de ce nouveau venu sur la scène française attire fort l'attention ces temps-ci.
Physique inhabituel pour un lyrisme peu courant par chez nous, pop romanesque aux fortes effluves britanniques, Rover se démarque, se remarque, dont Aqualast est la tubesque carte de visite : 



Efficacité immédiate et omniprésence sur les playlists des radios dont on aurait aussi tendance à se méfier, Rover pourrait aussi n'être vu que la sensation pop fédéraliste d'un moment, comme le furent Aaron, Cocoon et autres Puggy.

On laisse reposer et on y revient doucement, troublé par l'intensité vocale du bonhomme, timbre costaud jonglant avec les graves et les aigus, cousinage proche de Jeff Buckley ou Thom Yorke. Et par l'évidente fluidité musicale du projet, classique agrémenté de discrètes touches vintage, de sa pop habitée (beau Queen Of The Fools) au romantisme noir couleur new wave, très The Auteurs / Luke Haines (bien vu Charlu) souvent plus ténébreux que vraiment grand public. 

Doux ogre au parcours de baroudeur (ex-punk rocker au Liban) déjà bien rempli, Timothée Reignier a/k/a Rover fait montre d'un spleen ombrageux et d'un gros appétit musical (emprunts à Gainsbourg, Killing Joke, Radiohead). Une boulimie et de multiples influences qui font aussi, soyons franc, l'aspect patchwork de cet opus, son côté brouillon et son lyrisme enflammé l'amenant à une emphase vocale digne de Muse (Full Of Grace) ou écarts trop mélos (l'encombrante Carry On) parfois gênants.

Restrictions qu'on mettra sur le compte de la maladresse des premiers pas, Rover promet sans être encore la merveille lue partout. Mais ceci posé, le potentiel artistique (et scénique) du garçon et les fulgurances de cet album inaugural laissent présager du meilleur. Si les références indie et la musique grand public pouvaient plus souvent se fondre, la pop, française ou pas, ne devrait que mieux s'en porter :



Rover. Rover (Cinq 7/Wagram) paru le 27 février
♥♥
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lire sur les chroniques de charlu, la musique à papa et froggy's delight 

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