mercredi 29 février 2012

DAVID SYLVIAN dans les étoiles

Rapide billet avant quelques jours de vacances et donc de mise entre parenthèses (rapide aussi j'espère) du blog. Avant de se retrouver, un petit coup de projecteur dû au retour dans l'actualité discographique d'un vieil ami. Même uniquement à l'occasion d'une compilation, il est toujours indispensable de saluer la figure de l'impeccable David Sylvian déjà évoqué ici.

Artiste libre, figure artistique majeure depuis les années 70 & 80, l'ex dandy de Japan au timbre voilé, orfèvre pop haut de gamme avant-gardiste, expérimentateur jazz contemporain ou abstract ambient, est de ceux qui ont bâti une oeuvre aussi exigeante que dégagée des pressions d'un milieu musical souvent superficiel.

Chamane esthète, crooner spiritualiste, paysagiste sonore, le créateur du label Samadishound est un compagnon musical que l'on est toujours content de recroiser. Ses dernières années l'ont vu oeuvrer dans les projets Sleepwalkers (recueil de ses récentes collaborations) ou Died In The Wool (relecture de l'album précédent), on peut juste déplorer que ce soit cette fois-ci avec une compilation de plus et pas un nouveau VRAI projet.

Signe d'un petit surplace dans son inspiration ou volonté commerciale de sa maison de disques à la veille d'une nouvelle tournée mondiale de l'artiste ?
Qu'importe, retrouver l'univers de l'ermite anglais est un bonheur renouvelé, même avec d'infimes changements dans la tracklist depuis la précédente compil Everything And Nothing : un remix du Ghosts de Japan, A Fire In The Forest relecture tirée de Blemish, trois morceaux en compagnie des Nine Horses ou l'inédit final, Where's  Your Gravity.

Peu de découvertes pour les habitués c'est vrai, mais pour les autres sans doute la plus simple porte d'entrée sur les riches terres sylvianesques. Un tour d'horizon en deux parties, des grands opus pop de la fin des années 80 (Brilliant Trees, Secrets Of The Beehive) à la période Samadishound aux expérimentations autant exigeantes que déroutantes (Blemish, Manafon), entouré de collaborateurs de haut vol (Robert Fripp, Christian Fennesz ou Burnt Friedman).

Voici le morceau rare en compagnie d'Hector Zazou (bizarrement absent ici) qui donne son titre à cette compilation :



et l'inédit 2012, Where's Your Gravity :




En espérant que l'artiste, qui a annulé sa tournée Implausible Beauty pour raisons de santé, une fois en meilleure forme, s'attaque à un projet VRAIMENT neuf. Pourquoi pas un album plus mélodique avec une grande pointure de producteur (Danger Mouse ou Nigel Godrich). Et étrange qu'il n'ait jamais travaillé avec le maître ambient Brian Eno ? Voilà une idée à lui suggérer, si jamais vous le croisez. 


Disc One 

1. Ghosts (Remix
2. Bamboo Houses
3. Bamboo Music  

4. Forbidden Colours
5. Red Guitar 

6. The Ink In The Well
7. Pulling Punches 

8. Taking The Veil
9. Silver Moon 

10. Let The Happiness In
11. Orpheus 

12. Waterfront
13. Pop Song 

14. Blackwater
15. Every Colour You Are 

16. Heartbeat (Tainai Kaiki II, Returning To The Womb Remix)

Disc Two :

1. Jean The Birdman  
2. Alphabet Angel
3. I Surrender 

4. Darkest Dreaming
5. Fire In The Forest 

6. The Only Daughter
7. Late Night Shopping

8. Wonderful World
10. The Banality Of Evil 

11. Darkest Birds
12. Snow White In Appalachia 

13. Small Metal Gods
14. Should Not Dare 

15. Manafon
16. Where's Your Gravity ? (
previously unreleased)

David Sylvian. A Victim Of Stars 1982-2012 (EMI Music) paru le 27 février
♥♥♥♥
écouter sur spotify & deezer 
lire sur magic

david sylvian 
samadishound 

lundi 27 février 2012

Le grand amour HOORAY FOR EARTH

Hourra, cet album est enfin sorti ! Peut-être que sa parution me libérera de l'emprise redoutable que ce premier album officiel du groupe Hooray For Earth exerce sur moi depuis qu'il m'est tombé entre les oreilles et calmera un peu ma fixation d'obsessionnel.

Véritable drogue dure à laquelle l'auteur de ces lignes a cédé sans résistance, intoxiqué du soir au matin, n'attendez pas de moi de parler objectivement de True Loves, qui à coup sûr fera naître autant de supporters accros qu'il éloignera à grands cris les autres.
Après deux EP dont Momo en 2010, cette nouvelle galette qui met au grand jour la musique de ces New Yorkais qui se sont taillé un joli succès depuis sa sortie américaine l'an dernier, récoltant même les honneurs de la bible Pitchfork, est du genre à créer une nouvelle bataille d'Hernani.

À gauche : ceux qui fonderont sans réserve pour le son spatio-tribal des romances synthétiques sorties du cerveau fécond de leur leader Noel Heroux. À droite : les intégristes défenseurs du bon goût qui s'offusqueront du tout synthétique d'une production électro aux sons mainstream droit sortis des années 80 (vous savez, celles qui donnent à beaucoup des boutons).

D'ailleurs, comment leur donner vraiment tort face à cette machine à tubes aussi brillante que souvent racoleuse ? Ainsi comme une bête à l'étrange ADN, Hooray For Earth est autant l'énième version hype du courant indie pop de Brooklyn (hier fluo kids), cousins consanguins de MGMT, Yeasayer, Violens ou Rainbow Arabia, que la dernière émanation du revival synth pop eighties qui submerge ces derniers mois la sphère indie.

Mais ... comment dire ? Ici, tout semble guidé par la grâce, la folie, et le flirt avec la démesure et l'excès. Grâce mélodique de refrains tubesques flirtant avec les étoiles, avec choeurs juvéniles dignes de Beach Boys indie jouant du Gary Numan repoussant les limites du ciel (Last Minute, chanson inusable) et aux climats hypnotiques nocturnes (Hotel, Same) :  



Folie d'une production électro-machinique aussi synthétique que bigger than life, comme un absolu pop qui repousserait les limites de la réalité pour se réfugier dans les méandres d'un son HÉ-NAUR-ME. Vaisseau spatial électro-tribal en apesanteur (Sails) qui réussit là où le Odd Blood des Yeasayer a échoué et en comparaison de laquelle le son du premier MGMT paraîtrait presque sage :



Et la démesure qui va avec : le flirt avec le too much, trop-plein et mauvais goût indéniable qui voit la bande à Heroux gorger chaque piste de sons, échos, bruitages déformés bizarres, comme des gamins boulimiques ayant peur du vide.
La fête sonore tribale néo-païenne porte en elle - comme chez leurs collègues de Violens - sa propre gueule de bois et s'autorise des réhabilitations impensables. Lorgnant vers les fondamentaux new wave (OMD, Depeche Mode), le nostalgique Heroux ose aussi convier à la noce la synth pop toujours conspuée par certains d'Human League, ELO, Howard Jones. Voire pire : l'ombre infamante du Genesis commercial de Invisible Touch sur la tapageuse Bring Us Closer Together !

Autant de pièces brûlantes au dossier qui achèveront de faire fuir les réfractaires, alors qu'il me renforce, jusque dans ses défauts, dans l'attachement singulier que je porte à la production du taciturne song-writer et grand mélodiste Heroux. Qui cache sous un vernis pop apparemment euphorique et un timbre adolescent un décelable vague à l'âme mélancolique.

Comme un Brian Wilson génération 2.0. capable de clore dans un mantra hypnotique infini ("Over and out, until I'm under a exit sign") sur le Black Trees final, un album épique, obsédant, qu'on pourrait qualifier de petit chef-d'oeuvre du genre :
  

En tout cas, un fichu bon disque addictif ! Un de ceux qui, sous son intrigante pochette de scarabée ou masque japonais, constitue une de mes drogues musicales, à l'instar du Oracular Spectacular de MGMT, Clinging To A Scheme de The Radio Dept. ou Teen Dream de Beach House, et meilleurs exemples de pop addictive, intelligente et vivante.
De la pop moderne, quoi. Rien que pour ça, J'ADORE True Loves.

Tracklist : 
1. Realize It's Not The Sun
2. Last Minute
3. Sails
4. True Love
5. Same
6. Hotel
7. No Love
8. Bring Us Closer Together
9. Pulling Back
10. Black Trees

Hooray For Earth. True Loves (Dovecote Records / PIAS) paru le 27 février
♥♥♥♥♥  COUP DE COEUR - DISQUE DU MOIS

écouter sur spotify, deezer et grooveshark 
lire sur ears wide open et rencontre avec Noel Heroux sur gonzai
avis pas emballé de Benoit sur pop revue express 
le site d'Hooray For Earth

En bonus, un titre concocté avec l'ami Twin Shadow :

dimanche 26 février 2012

Le spleen PERFUME GENIUS


On ne brisera pas le rythme au ralenti de ce weekend. Juste un atterrissage en douceur, et en beauté, en compagnie des dernières complaintes intimistes de Perfume Genius.

Ce n'est pas qu'avec cette nouvelle livraison, le torturé Mike Hadreas ait modifié les éléments qui présidaient à son premier opus Learning : ballades désolées, piano triste, filet de voix chagrine. Mais sans rien changer, ou si peu, à sa formule musicale, à son inspiration de garçon sensible et l'imagerie gay qu'il revendique, avouons que ce Put Your Back N°2 It retient bien plus l'attention et touche durablement.

Partageant le même penchant maniériste, voire l'affectation qui peuvent en rebuter certains chez ses confères Antony &The Johnsons ou Scott Matthew, le frêle Hadreas réussit ici à transcender le risque d'auto-apitoiement ou de complaisance que guette parfois ce genre d'exercice délicat.



Recueil désolé mais ô combien habité de pièces courtes à l'humeur changeante, d'inspiration gospel ou folk indie, son nouveau journal intime affiche une couleur mélodique plus affirmée, habillé d'orchestrations plus colorées (batterie, guitares, synthés). Lesquelles donnent corps et chair au spleen permanent de l'artiste (solitude, abandon, addiction diverses) plongeant au plus profond de la tristesse pour en trouver la force qui permet d’affronter le lendemain et pour que l’ensemble évite de très loin le piège de la monotonie :



Pour un récit à la tonalité grave, toujours émouvant, voire bouleversant (No Tear, Dirge, Take Me Home) mais à la luminosité permise (Normal Song) parsemée de touches atmosphériques ambient (Floating Spit, All Waters) dignes d’une B.O. de David Lynch qui ajoutent une part de grandeur et de mystère à ses vignettes indie.
Cherchant dans l'éternel mélancolie des romantiques un début de réconfort et d'apaisement tout en laissant se déployer l'énergie de ses morceaux, Perfume Genius réussit à dénicher de beaux moments hors du temps et de beauté fragile (rien que le morceau-titre), pas si loin de Patrick Watson ou Youth Lagoon :



Un très beau disque qui confirmera aux habitués familiers des vertiges du spleen - comme votre serviteur - la singularité de la mélancolie. Pour peu qu'on s'y adonne armé de bréviaires si lumineusement inspirés comme ici, il n'est souvent pas de bonheur plus doux.


Perfume Genius. Put Your Back N 2 It (Turnstile / Matador) paru le 21 février
♥♥♥♥♥
écouter sur spotify et deezer 
lire sur esprits critiques et magic 
myspace perfume genius

samedi 25 février 2012

La douceur PETER BRODERICK

Dans la série "albums-sortis-de-nulle-part", en voilà une bonne pioche ! Une découverte rencontrée au hasard de la lecture de La Musique à Papa, de l'ami Vincent, adresse plus que recommandable. 

Avec son titre en forme d'adresse internet, l'album http://www.itstartshear.com est la énième publication de l'hyperactif Peter Broderick, multi-instrumentiste abonné aux nombreuses collaborations (M. Ward, Efterklang, Dolorean) dont celle qu'il poursuit avec le pianiste Nils Frahm semble être la plus créative et la plus fructueuse. 
Manifestement, les deux solitaires s'inspirent mutuellement, preuve en est la présence du musicien allemand comme producteur de cet opus fluide et rayonnant :  



Emprutant autant l'intimisme d'un folk élégiaque  hérité de Nick Drake qu'aux volutes d'archet subtiles d'Andrew Bird qui nous revient en mars prochainou la classe d'arrangements soyeux dignes d'Owen Pallett (A Tribute To Our Letter Writing Days), la musique aux morceaux grands ouverts des deux compères s'avère limpide et aérienne. Elle distille une élégance et une constante luminosité, de notes de piano égrenées en cordes et arpèges de guitares accueillantes, où il fait bon se lover sans réticence.

Un travail sonore élaboré en toute complicité et esprit d'improvisation, s'aventurant autant sur des chemins instrumentaux cinématographiques (Asleep) qu'abordant franchement les rivages pop, voire les formats proches du rap ou spoken word, sur le décalé It Starts Hear :



Travail d'artisans modestes mais inspirés, ce disque de faux sages confirme la belle santé d'une pop indépendante ouvragée par de discrètes personnalités, (on citera aussi Ólafur Arnalds ou Yellow Ostrich), doux excentriques à la belle sensibilité.

Le rayon de soleil musical de votre weekend qui sera la parfaite bande-son de vos belles journées d'hiver et, à mon avis, bien au-delà.

Peter Broderick. http://www.itstartshear.com (Bella Union) paru le 20 février
♥♥♥♥
écouter sur spotify et deezer
lire sur la musique à papamagic et les inrocks
peter broderick 
nils frahm

jeudi 23 février 2012

Le replay du jeudi : CHEVAL SOMBRE

Malgré l'avalanche de nouveautés qui semblent vouloir nous ensevelir ces derniers temps, ce jour-ci sera l'occasion de s'en détacher temporairement et d'ouvrir une nouvelle rubrique, que j'espère la plus régulière possible. Un prétexte à retrouver vieilleries oubliées ("Memory Of The 80's" pas encore morte!), ressortir disques oubliés, déterrer bizarreries étranges ou revisiter albums non repérés lors de leur sortie. Ainsi, le premier objet de cette série (?) appartient-il à la dernière catégorie.

Honteusement loupé par votre serviteur en 2009, la musique de Cheval Sombre, taciturne animal musical, navigue en cavalier solitaire entre folk et psychédélisme rock, passé et présent, voire futur pour un opus à la singularité somme toute intemporelle.

L'album de ce discret équidé, déjà auteur d'une poignée de EP négligemment égrenés, est un bloc de sérénité flottante et d'accueillante obscurité. Rejeton calme et tranquille du Velvet Underground ayant croisé le folk décharné d'Elliott Smith, le tout ressuscitant le cocon shoegaze aux couleurs psyché rock inventé par les géniaux frères Reid de Jesus & Mary Chain :



Rien de surprenant alors de retrouver aux manettes de producteur-organisateur de cet hypnotique voyage immobile façonné avec patience le nom du sorcier sonore Peter Kember a/ka/ Sonic Boom : l'ex-Spacemen 3, producteur en vue (Panda Bear, MGMT) et maître de la transe néo-psychédélique, a habillé avec sa science de l'écho réverbéré et des dérives électroniques les longues pièces flottantes du très secret Christopher Porpora a/k/a Cheval Sombre.

Entre léthargie onirique, échos musicaux tirés du sommeil paradoxal et lambeaux de folk séminal en lévitation, l'album faussement monolithique de Cheval Sombre tricoté avec patience pendant plus de trois ans, s'il emprunte certes des voies déjà connues, résonne d'une paradoxale fraîcheur. Imposant avec langueur un temps étiré, dilaté, ouvrant une brèche temporelle, une accueillante bulle dégagée d'effets superflus, aux tournures quasi élisabéthaines gentiment mystiques parfois proches d'un Cass McCombs 



Une hypnotique traversée hautement recommandable dont je dois la connaissance grâce aux deux loustics de MGMT et leur copieux choix de titres sélectionnés pour la récente compilation LateNightTales. Comme des étudiants studieux repentants, il n'est rien de mieux parfois que de rattraper son retard, même par les voies détournées les plus inattendues.
Plaisir ineffable de la découverte, même à contre-temps.






1. It’s A Shame
2. Little Bit Of Heaven
3. Troubled Mind
4. Julie Don’t Go Down
5. I Get Around
6. I Found It Not So
7. I Sleep
8. Hyacinth House
9. The World Is Wrong
10. I’ve Been All Around This World
11. The Strangest Thought I Never Had

Cheval Sombre. Cheval Sombre (Double Feature Records) paru en 2009
♥♥♥♥
écouter sur spotify et grooveshark
lire sur indierockmag et la blogothèque 
myspace cheval sombre

lundi 20 février 2012

Ces vieux amis des TINDERSTICKS

Voilà une semaine qui débute sous le signe du changement dans la continuité : ce lundi voit la sortie du neuvième et nouvel album de vieux amis. Et les vieux amis, c'est bien connu, on peut passer des mois, voire de longues années sans les revoir. Pas qu'on ne les aime plus, mais n'est-ce pas... les nouvelles têtes, les changements, nous en écartent.

Pareil pour le spleen éternel et atmosphérique des Tindersticks, mais n'est-ce pas... l'envie d'autre chose, l'attrait du neuf, nous ont parfois fait perdre de vue un groupe placé depuis quasiment 20 ans sous le signe du classicisme et traçant obstinément toujours le même sillon, langoureux comme la voix de crooner baryton de Stuart Staples.

Perdus de vue mais retrouvés avec le récent Falling Down A Moutain de 2010, le gang préféré de Claire Denis revient pour un énième tour de danse qui a tout d'un (feutré) feu d'artifice, le (discret) couronnement d'une rare intransigeance artistique à saluer :



The Something Rain, c'est, à l'image du titre d'ouverture Chocolate, récit en spoken word cinématographique en diable, du Tinderticks pur jus. Un voyage mid-tempo racé au balancement chaloupé, écrin sonore scintillant aux accents easy listening sophistiqués, de nos vagues à l'âme les plus intimes métamorphosés en somptueuse B.O. au décor nocturne.

Sonnant moins western ou expérimental, orné d'un redoutable groove soul, d'une ambiance aquarium bleu nuit au son parfait, un concentré de l'art Tindersticksien, délicat équilibre entre raffinement d'esthète et neurasthénie mélancolique au vrai pouvoir d'envoûtement. Pas loin d'une transe fiévreuse comme le morceau de bravoure de l'album, le redoutable Frozen



L'éternelle formule des anglais qui n'a jamais été aussi proche d'un mix rêvé entre la classe de Lee Hazlewood, la tension du groupe Morphine ou la suavité des B.O. de John Barry.

Et m'est avis qu'il est conseillé d'apprécier à sa valeur ce cru 2012. Car selon des échos insistants - que j'espère d'ailleurs voir contredits, si jamais vous en savez plus - l'aventure collective Tindersticks risque fort de se clore avec cet épisode, l'aboutissement éclatant d'un parcours discret mais intense.  

Stuart Staples et ses compères vogueraient donc vers d'autres aventures en nous offrant cette dernière récolte en forme de cadeau d'adieu. De quoi se réjouir vu sa qualité : ronde, charnue,  forte en bouche. Tout en regrettant déjà que, si la méchante rumeur se confirme, on n'ait recroisé ces vieux amis que pour ne plus les revoir ensuite. Alors, vite, ne pas passer à côté et à savourer, ici, maintenant.
 
Tindersticks. The Something Rain (City Slang) paru le 20 février
♥♥♥♥
écouter sur spotify et deezer
lire sur random songs, hartzine et esprits critiques
tindersticks

dimanche 19 février 2012

SOAP & SKIN, épisode 2

Il en va parfois des disques comme des films au cinéma : certaines suites s'avèrent étrangement plus attirantes, plus convaincantes que leur chapitre inaugural.

Ainsi, Lovetune For Vacuum, premier opus d'une noirceur sépulcrale de la jeune autrichienne Soap & Skin avait indubitablement marqué les esprits en 2009 genre "plus-morbide-tu-meurs". Mais l'allure de vamp(ire) gothique d'Anja Plaschg d'une radicalité accentuée par une théâtralité vocale très adolescente (Thanatos, Marche Funebre) avait de quoi, au choix : rebuter l'auditeur, ou bien la figer auprès des récentes Zola Jesus ou Bat For Lashes dans une posture susceptible de n'attirer que la clientèle des corbeaux gothiques

Trois ans plus tard, alors qu'on ne l'attendait pas vraiment, l'ado torturée est devenue une jeune femme dépouillée d'artifices et nous revient, après la perte de son père, avec un mini album EP 8 titres. Sans rien renier de sa fibre dramatique - on ne rigole pas chez les autrichiens - le spleen de Soap & Skin retient plus l'attention, plus incarné, plus vibrant.

Narrow est un tombeau musical, un disque d'exorcisme personnel où la voix profonde à l'accent guttural de la chanteuse proche de celui de la mythique Nico, dépasse l'exercice imposé et semble souvent traduire sa douleur (intense Vater, dédié à son père), voire guérir ses tourments (Cradlesong) :
 


Étrange charme hybride dégagé par cet opus à la croisée des chemins qui semble un instantané de son inspiration, composite et inégale : si ses tentatives électro-rock glacées genre sous-Fever Ray semblent une voix sans issue (Deathmental), souvent ses ballades au piano, intimistes et suspendues, respirent d'un rayonnement sensuel inattendu et touchant, ainsi sur la bien-nommée Wonder et ses choeurs apaisants, perle du disque qui donne le frisson :



C'est bien simple : même sa reprise incongrue du Voyage Voyage de Desireless - pas forcément une bonne idée sur le papier - ici enrobée de cordes désolées et recueillies s'insère finalement de manière réussie et naturelle dans ce journal intime musical. Une photographie hétéroclite mais fidèle d'une jeune artiste propice à sortir de ses propres schémas et bien capable de nous réserver des surprises à l'avenir. Du moins, on le lui souhaite.

Soap & Skin. Narrow (PIAS) paru le 13 février
♥♥♥♥
écouter sur spotify et deezer  

mercredi 15 février 2012

Le menu LILACS & CHAMPAGNE

Voilà encore une galette que je n'aurais pas rencontré tout seul et qui démontre, si besoin était, l'utilité de la lecture de ses blogs favoris, en l'occurrence celui des Chroniques de Charlu. Une découverte effectuée à la faveur d'un nom alléchant, d'une pochette sibylline et des lignes éclairantes de l'ami Charlu : "épopée fantomatique" ou "collage trip-hop et post-rock".

Entre B.O. instrumentale vibrante de voix samplées, hip-hop atmosphérique et B.O. ambient zébrée de sons world, le projet atypique de Lilacs & Champagne impose son évidente coolitude mid-tempo, à savourer comme une salutaire pause musicale régénérante :



Après infos, on découvre autant l'identité des auteurs de cette réjouissante auberge espagnole musicale (Alex Hall et Emil Amos) que l'ampleur de sa propre ignorance en apprenant que les deux oiseaux officient déjà comme guitariste et batteur au sein du groupe rock instrumental Grails : et voilà des devoirs musicaux à rattraper en perspective. 
N'empêche, pour déroutant et étrangement goûtu en bouche parfois que soit leur spécialité, la recette psyché/ambient/rock de ces D.J. metteurs en son farfouille dans d'inhabituels samples, disques folk polonais, obscures voix soul, volutes de world music marocaine ou asiatique. Et élabore un roboratif mille-feuilles sonore parsemé d'un psychédélisme en apesanteur, alors pas si loin des délicieux Peaking Lights (Lilacs, Laid Fucking Back) ou d'une brume cinématographique aux accents gothiques (Everywhere Everyone, Midnight Creeper) :



Un sympathique ODNI (objet discographique non identifié), sans doute un peu court dans sa durée. Mais au fort pouvoir d'évasion et à la nature hautement cinématographique, qui confirme la valeur grandissante du label Mexican Summer, déjà signataire des trouvailles Part Time (chronique perso) ou Oneohtrix Point Never

En remerciant pour finir comme il se doit l'ami Charlu, mélomane affamé et peintre passionné, dont la lecture régulière du blog s'impose désormais à vous : les chroniques de Charlu
 
Lilacs & Champagne. Lilacs & Champagne (Kemado Records/Mexican Summer) paru le 31 janvier
 
♥♥♥
écouter sur spotify et deezer
lire
sur paperblog et les chroniques de charlu
grails et lilacs & champagne
mexican summer

vendredi 10 février 2012

La pop céleste de AM & SHAWN LEE

Marre comme tout le monde du froid et de la neige qui s'incrustent sans qu'on ne leur ait rien demandé ? En ouverture de ce weekend, rien ne vaut une petite infusion de Celestial Electric. Une galette qui fera idéalement office de cure musicale de repos et d'évasion, une trouvaille rencontrée grâce à l'indispensable lecture du blog Des Chips et du Rosé de l'ami Benoit.

Refuge rêvé loin de toute agression hivernale, la musique de AM & Shawn Lee vous transporte en une note vers une oasis ensoleillée, mix de pop aérienne, funk groovy et pop acoustique soignée aux réminiscences années 70. Un accueillant objet atemporel façonné à quatre mains par le californien AM et l'anglais Shawn Lee qui ont scellé via le net leur collaboration à distance sous le signe des B.O. rétro-seventies et de la sunshine pop légère et scintillante :



Un travail à deux têtes à l'image de l'album de Cant, la collaboration Chris Taylor-Twin Shadow, pour cette échappée rétro-futuriste aux airs de boîte à bonbons pop acidulés, mariage inattendu du goût d'un Danger Mouse pour les sonorités vintage et de la pop catchy tendance Phoenix/Tahiti 80.

À croire que le chanteur du groupe rouennais Xavier Boyer aurait pu poser sa voix sur cet album, vu la troublante similarité vocale à reconnaître tout le long de l'album :



Quoiqu'il en soit, Celestial Electric fera le bonheur des amoureux des ambiances multicolores estampillées seventies aux choeurs en apesanteur (Jackie Blue, Winter Sun) et dégèlera votre esprit engourdi par le froid mordant par son côté feel good music et sa couleur fusion groovy prononcée (une section rythmique d'enfer signée AM).
Une réjouissante échappée qui tombe à point nommé et auquel on pardonne même ses très légers défauts, le dessert étant un peu light et parfois chargé en glucose. Mais en cette période rigoureuse, toute énergie positive - d'autant plus électrique (!) - susceptible de nous faire survivre à cet hiver ne saurait être négligée. Bonne cure céleste à tous !

AM & Shawn Lee. Celestial Electric (ESL Music, Inc) paru en 2011
♥♥♥
écouter sur spotify et deezer 
lire sur des chips et du rosé et magic
am & shawn lee

mercredi 8 février 2012

Les (bonnes) vieilles idées de LEONARD COHEN

On pouvait se demander à juste titre, vu la richesse de l'actualité musicale enfin retrouvée, les nouveautés en pagaille qui nous attendent chaque semaine, si se pencher sur un nouveau disque de Leonard Cohen valait la peine. Cela, tant les dernières productions du vieux moine canadien depuis vingt ans avaient tout de l'anecdotique, affadissant à coup de lounge music le caractère mythique de cet artiste essentiel, lequel n'est quand même pas un quelconque pousseur de goualante.

Prophète du désastre, prêcheur folk, Cioran du rock, l'auteur de Bird On A Wire et Halellujah est l'incarnation même du song writer d'exception, du pessimisme en marche et de l'indépendance faite homme : on ne compte plus les générations de chanteurs rock qui n'existeraient pas sans son exemple d'intégrité artistique, voir l'hommage des Inrocks I'm Your Fan.

Longtemps remisée, l'écoute de Old Ideas a quand même eu lieu eu égard aux souvenirs : le vinyle de son Greatest Hits tout de beige vêtu trônant dans la discothèque parentale fut longtemps la meilleure porte d'entrée du monde poétique d'un artiste déjà considéré comme un vieux rabat-joie dès son arrivée fin des sixties. Une So Long Marianne épique, un Partisan vibrant, une Suzanne mythique, un Famous Blue Raincoat déchirant : TOUTES les plages de cette galette sont autant de pièces vitales pour appréhender le gentleman de la désespérance.

Avouons-le : on ne reverra plus cet âge d'or créatif à jamais disparu, mais renouer avec la langueur de sa voix d'outre-tombe s'avère un plaisir. Tout en remarquant que ce disque n'est pas tout à fait la merveille annoncée, on comprend les bons échos qui accompagnent ce douzième opus apaisé, où le dandy septuagénaire semble avoir fait la paix avec ses vieilles obsessions (les femmes, la foi, la rédemption, la mort). Sorte de revisitation-clin d'oeil de son parcours depuis la série de concerts qui l'ont vu triompher ces dernières années de la faillite financière :


Plus épuré et allégé des scories synthético-kitch de sa dernière période, Old Ideas n'atteint certes pas les grandes heures de sa période historique 1967-1974, dont l'indispensable Songs Of Love And Hate, ni même de sa renaissance années 80 I'm Your Man/The Future. Mais en laissant plus de place à l'instrumentation acoustique, le vieux Leo s'autorise une palette musicale élargie (blues, gospel, country, piano d'église) résonnant sur des mélodies aux airs déjà classiques (Show Me The Place, Banjo, Lullaby) et s'octroie même une ballade dépouillée comme aux plus belles heures (Crazy To Love You).

Il faut cependant réussir à passer les deux premiers titres, l'album ne prenant son (lent) rythme de croisière qu'avec Show Me The Place ; le vieux séducteur n'a pas abandonné son usage de choeurs féminins kitsch sans dénicher un producteur digne de ce nom, vu  certaines orchestrations minimales ; et l'ensemble témoigne plus d'une inspiration balisée que d'une vraie re-création artistique.

Mais le charisme du gentleman, la volupté de s'abandonner à sa voix profonde et sa fausse sagesse sarcastique sont des plaisirs qu'il serait dommage de snober malgré l'aspect musical désuet du projet. À 77 ans, peu nombreux sont les artistes historiques capables de générer tel sentiment de filiation et d'affection :



Élégant, digne et déconcertant funambule renaissant toujours de ses cendres, dans mon cas toujours préféré à Dylan, Mister Cohen est de ces compagnons fidèles et pères spirituels qui accompagnent bon an mal an toute une vie. Cet opus a surtout un avantage : revisiter les étapes de son parcours et fouiller dans les recoins de sa discographie décidément inépuisable. Pas si mal pour de "vieilles idées".

Leonard Cohen. Old Ideas (Sony Music) paru le 30 janvier
♥♥♥
spotify et deezer
à lire sur bon pour les oreilles, télérama et rétrospective sur les inrocks 

leonard cohen

lundi 6 février 2012

AIR à la conquête de la lune

Février n'est pas que le mois de la vague de froid et de neige que nous supportons tant bien que mal, mais c'est aussi le mois qui nous a nous réservé le retour du groupe Air.
On serait même tenté de dire un retour aux affaires, tant les derniers opus de la paire JB Dunckel-Nicolas Godin avaient été loin d'être concluants. Malgré l'indulgence qu'on peut avoir envers leur production, pour peu qu'on soit sensible à leur électro pop easy listening volontiers naïve, voilà longtemps qu'ils s'étaient installés dans un vernis pop aussi moelleux que plutôt sclérosant artistiquement (Talkie Walkie, 2004). Isolés dans leur bulle, les deux dandys versaillais alignaient des productions agréables, mais anecdotiques et manquant en fait ... d'air.


Mais rien ne vaut l'exercice obligé venant de l'extérieur, car sollicités par le passionné Serge Bromberg, déjà auteur de la résurrection de L'Enfer de Clouzot, pour rhabiller la bande-son du classique du précurseur Georges Méliès, Le Voyage dans la Lune restauré et recolorisé par Lobster Films et l'aide de la Fondation Gan pour le cinéma, ce petit voyage spatial leur refait une modeste mais salutaire santé musicale.

Confirmant leur vocation pour le rétro-futurisme, leur bande-son rétro-moderne, à l'exemple de Giorgio Moroder pour Metropolis en 1984, habille de couleurs seventies, synthés antiques et pulsations rock vintage les rêveries ludiques colorées du père historique du cinéma de l'imaginaire et des effets spéciaux : 



Sans jamais trahir la fraîcheur de ses visions de 1902, leur B.O. en restitue l'aspect ludique (Sonic Armada), aérien (Moon Fever) ou carrément psychédélique (Cosmic Trip).
Mieux : si la nouvelle version du film (à voir sans tarder et disponible en DVD le 23 avril) supporte fort bien leurs inventions, Le Voyage dans la Lune L'Album s'apprécie tout autant - voire même plus - tout seul accroissant son pouvoir d'évocation et de suggestion spatiale à coups de synthétiseurs Moog, sons de mellotron et claviers analogiques. Le tout lorgnant autant du côté des ancêtres du krautrock allemand (Kraftwerk, Neu) que des b.o. du cinéma italien, aux embardées gentiment expérimentales :



On peut même trouver la durée du voyage un peu courte bien qu'allongée de quinze minutes par rapport au film. Mais voilà un disque cohérent qui ne changera certes pas leur statut mais qui confirme l'aisance du groupe dans la composition instrumentale (souvenez-vous de leur chef-d'oeuvre Virgin Suicides).

Oserait-on même dire que l'objet épaulé des chanteuses d'Au Revoir  Simone et Beach House pour les passages pop démontre qu'une des faiblesses récurrentes d'Air était de s'obstiner à (mal) assurer le chant ? Allez, les petits maîtres versaillais, votre amie people Sofia Coppola avait au moins senti ça : laissez tomber la lounge music sans ressort, vous êtes fait pour habiller le cinéma de vos délicieuses volutes rétro-temporelles.

Et souriez-donc aussi sur vos photos. Ce n'est quand même pas demander la lune.

Air. Le Voyage dans la Lune - A Trip To The Moon (Aircheology/Emi Music) paru le 6 février