samedi 26 février 2011

KEREN ANN is back with "101"

Or donc cet hiver, Keren Ann la plus cosmopolite des chanteuses françaises ou plutôt la plus française des chanteuses folk modernes, nous est revenue en James Bond girl élégante, avec une coupe au bol remarquée et surtout un nouveau single sous le bras "My Name Is Trouble" en avant-garde d'un nouvel opus, "101" à paraître lundi 28 février.



Une pop song au son groovy électro-disco aux réminiscences très Goldfrapp, au ton inattendu chez elle, mais très réussi et immédiatement addictif.



La chanson fait d'ailleurs depuis le bonheur des remixeurs en tout genres qui ne s'en privent pas. Quelques exemples :

My name is Hecedemon (Confession mix)

Keren Ann (UVRay Trip remix) by UVRay

My Name Is Trouble (Meko Remix) by Meko (Architech Record)

De là à imaginer une approche musicale rénovée de son song-writing somme tout classique que confirmerait le nouvel opus "101", c'était sans doute aller un peu vite en besogne, fausse piste !

En effet dans ce sixième album, entièrement en anglais comme le précédent, loin de revoir de fond en comble son intérieur folk-pop cosy et de tout chambouler, la créatrice de "Jardin d'Hiver" et "Not Going Anywhere" s'est contenté de déplacer quelques accessoires, rafraîchir un peu les peintures, mais en touchant en fait fort peu à l'aménagement.

Hormis donc "My Name Is Trouble", elle s'autorise ici quelques plages de légèreté pop d'inspiration néo-sixties (un Sugar Mama bubble-gum, un Blood On My Hands country-folk très She & Him), des exercices récréatifs mais assez volatiles au bout du compte. ... Juste quelques pas de côté, mais sa nature profonde l'emporte.

Car le reste est constituée des languides ballades folk auxquelles elle nous a habitués, en bonne héritière de Joni Mitchell et Suzanne Vega : "You Were On Fire", "Strange Weather", autant de petits tableaux au spleen mélancolique, on ne se refait pas, du pur Keren Ann.

Et là est peut-être le problème : pour aussi soigné que soit cet album qui bénéficie d'une production de bon goût - belle prise de son - après 4 ans d'absence, on aurait aimé qu'elle ose se mettre plus en danger, accepte de déranger un peu l'ordonnancement de son spleen appliqué, ou de bousculer la langueur de sa voix chaude dans un ensemble quasi parfait mais souvent trop confortable.

Une appréciation dont Keren Ann est en partie responsable, car nous envoyer en éclaireur un single catchy trompeur quant au reste de l'album, revient à mettre l'auditeur en position de relative déception dès le départ.

Pour autant, je me fais l'avocat du diable car étant fan de la demoiselle et de sa classe naturelle, cet album témoigne de la maîtrise à laquelle est parvenue l'artiste et qui recèle quelques moments de beauté pure et perles certifiées : "You Were On Fire" et son refrain voisin de celui d'un titre de Françoise Hardy (Tant de belles choses), l'atmosphérique "Run With You" aux arrangements planants, ou la luminosité classique du radieux "All The Beautiful Girls", le plus beau titre de cet opus.
Et sa voix alternant les aigus et les graves n'a jamais autant été mise en valeur, magnétique et consolante.

Mais je ne doute pas qu'elle ait pourtant le potentiel de se réinventer plus profondément : n'a-t-elle pas signé avec son complice islandais Bardi Johannsson un des plus beaux disques folk-pop des années 2000, l'attachant et assez fêlé "Lady & Bird" ?











En fait, Keren Ann en tueuse, c'était bien vu, mais l'image était encore plus appropriée à l'époque de son meilleur album, "Keren Ann" de 2007, plus libre, qui la voyait intégrer avec brio les influences plus rock du Velvet Underground et de Mazzy Star.

Avec trois fois rien, deux accords de guitare, une mélodie inspirée et son filet de voix, elle prenait dans ses filets l'auditeur et l'enrobait dans sa mélancolie élégante, mais tenace. Une vraie tueuse dont je vous confime le danger pour l'avoir vue en concert à cette époque.
Ici, avec "Where No Endings End" :



Ce "101" bien sage ne marquera pas le changement de cap attendu dans sa carrière, et ne sera donc pas l'occasion de déstabiliser son public ... après tout, pour ça, on a eu le dernier PJ Harvey. Juste l'occasion de se laisser bercer par le climat cotonneux et serein de son univers (trop?) rassurant et succomber une fois encore au plaisir de sa voix languide.

Mais la prochaine fois, on aimerait bien être surpris voire carrément déroutés, chère Keren, ça nous changerait un peu...


Keren Ann. "101" (EMI Music) ♥♥ SORTIE LUNDI 28 FÉVRIER

en écoute sur Deezer et Spotify
article sur musicstory
et avis emballés sur La Quenelle Culturelle et Magic

2 titres en écoute sur la Playlist Automne-Hiver

"My Name Is Trouble" en acoustique :


kerenannn.com

mercredi 23 février 2011

CINÉMA. "True Grit", les Coen en petite forme

Allez, autant le dire sans perdre de temps, même si ça fait un peu de mal à avouer, mais ce quinzième long métrage des Frères Coen, très attendu pour leur première incursion "officielle" dans le western, s'avère plutôt décevant.

Pour leur premier VRAI western donc, les Coen's Brothers ont choisi de moderniser un film mineur de 1969 signé Henry Hathaway, en français "Cent dollars pour un shérif" avec un John Wayne vieillissant en shérif borgne. Le résultat n'est pas honteux, mais...

... de la part de cinéastes si singuliers qui ont, depuis près de 27 ans, renouvelé les codes du thriller et imposé leur vision personnelle - entre noirceur misanthrope, thématique de l'absurde, et violence bouffonne - il me semble qu'on était en droit d'attendre de leur part une relecture des mythes westerniens à leur manière.

Mais ici, leur maîtrise technique coutumière débouche sur un film efficace (encore heureux!) mais étonnamment lisse et (presque) sans aspérités.
Plus une "comédie westernienne" que le western âpre que je m'attendais à voir, le film a le tort de vraiment démarrer très tard, au moins une demi-heure après son début.

Une fois la jeune Mattie/Hailee Stanfield (jeune actrice étonnante d'aplomb, mais jamais émouvante, trop "singe savant") ayant convaincu Cogburn/Jeff Bridges, le vieux marshall porté sur la bouteille, de rechercher Tom Chaney/Josh Brolin, l'assassin de son père, on se dit que cette mise en place laborieuse un peu bavarde (longuette scène de procès) devrait être le prélude d'un western épique et mémorable.

Et puis on déchante assez vite... Bien sûr, tout est là : personnages picaresques, trognes patibulaires, galopades sur fonds de grands espaces sauvages, violence et humour... Mais bien curieusement, sans conviction, tout y semble appuyé, l'humour aussi, et trempe dans les clichés les plus rebattus.

L'interprétation louche vers la parodie appuyée : le numéro de Jeff Bridges en "vieil-alcoolo-râleur-mais-sympa-dans-le-fond" est au-delà du cabotinage et tourne à vide, ainsi que l'abus généralisé de l'accent péquenaud par le reste du casting qui finit par être lassant : Matt Damon incarnant le rival LaBoeuf, bizarremment sous-employé en Ranger à veste à franges, ou Josh Brolin transparent en vilain de service.









Même les éclairs de violence (attendus chez les Coen, après tout c'est leur marque de fabrique) ne suprennent plus vraiment et le déroulement de l'action souvent prévisible, manque de rebondissements et de crédibilité.
Est-on jamais vraiment troublé, ému, dérangé ? Non, à l'image de la jeune Mattie, petit robot sans émotion, on regarde passer ce divertissement habile mais pas marquant, comme les vaches regardent passer les trains et l'ensemble des wagons suit son cours sans jamais sortir de ses voies assez formatées.

Doit-on incriminer Steven Spielberg, co-producteur éxécutif du film pour ce ripolinage culminant en une scène d'action avec des serpents digne d'un Indiana Jones dans une ambiance de conte gothique très Tim Burton, qui confirme le coté quasi-film familial de l'ensemble, avec fin cavalcadesque et épilogue romanesque ?

Ou plus largement, les frères Coen ont-il masqué leur manque d'implication derrière leur maîtrise et leur professionnalisme irréprochable, défaut numéro 1 de beaucoup de productions américaines récentes (Scorsese, Woody Allen, Tim Burton) ?

En fait le plus décevant dans "True Grit" c'est que les Coen, en abordant frontalement le genre hier majeur du ciné U.S. sont loin d'en livrer un nouveau jalon, alors qu'il s'en avéraient plus proches de façon détournée avec leurs précédents "Fargo", "No Country For Old Men" ou leur inaugural et impressionnant "Blood Simple".

Même si leur filmographie n'est pas exempte de ratages (Ladykillers, entre autres), la déception est rude de les voir rater la marche du western.

Ici, on est même en-dessous de certains néo-westerns récents, l'excellent "Assassinat de Jesse James" d'Andrew Dominik ou le très honnête remake de "3h 10 pour Yuma" de James Mangold.
Et le tableau est complet si l'on pense à la géniale série "Deadwood" de David Milch, qui relisait de manière magistrale les figures du genre, entre noirceur grotesque et relecture visionnaire de la naissance de la civilisation américaine.


Une vision plus "coennienne" que nature, en tout cas bien plus que ce "True Grit" impersonnel et bien mineur.
Conseil n°1 : allez donc vous reposer Joel et Ethan, ou au contraire, bossez-donc nous vite un VRAI Coen Brother's movie...

"True Grit" (U.S.A.). Réalisation et scénario : Joel et Ethan Coen d'après Charles Portis. Chef-Opérateur : Roger Deakins. Musique : Carter Burwell. Production : Paramount Pictures et Skydance Productions. Durée : 110 mn.
sorti ce mercredi 23 février 2011

Avec : Jeff Bridges (Rooster Cogburn), Matt Damon (LaBoeuf), Josh Brolin (Tom Chaney), Hailee Steinfeld (Mattie Ross), Barry Pepper ('Lucky' Ned Pepper).



Conseil n°2 : chers frères Coen et Carter Burwell, auteur de la bande originale, évitez-donc de reprendre en générique de fin la chanson de la mythique "Nuit du Chasseur", la comparaison ne plaidant pas du coup en votre faveur...

dimanche 20 février 2011

POP EN SOLO. Gruff Rhys et Bright Eyes

Autant l'avouer tout de go, j'avais plutôt mal suivi les parcours respectifs des deux énergumènes qui nous occupent ici, pas inconnus de moi pour autant, mais mal identifiés et peu fréquentés.
Bonne occasion de se rattraper avec les derniers opus respectifs de ces deux solitaires publiés tous deux lundi 14 février dernier, Gruff Rhys et Bright Eyes.

Petit prince de l'indie folk américain, Conor Oberst, l'homme planqué derrière Bright Eyes, est du genre hyper productif : plus d'une dizaine d'albums depuis 1998, un projet alternatif "Mystic Valley Band", un album solo sorti sous son nom, un peu difficile de suivre tous ses faits et gestes.

"The People's Key" sera, paraît-il, son dernier album sous l'appellation Bright Eyes. Et avouons-le franchement, faut-il le regretter ?
Car cet album décevant n'est sans doute pas le meilleur moyen de découvrir l'univers de cet oiseau, connu aux Etats-Unis pour ses prises de position politiques (à l'époque anti-Bush).

Artistiquement, Oberst semble encore chercher la bonne formule, évitant certes de reconduire la même formule musicale - en 2005 il publiait deux albums, l'un folk acoustique, devenu petit classique "I'm Wide Awake This Morning", l'autre quasi électro new wave, le bizarre "Digital Ash In Digital Turn".

Une schizophrénie qu'il tente de réconcilier ici en un seul disque, aux titres plus pop teintés parfois de synthés voyants (Shell Games, Beginner's Mind).


Un choix un peu tiède qui tire vers une pop plus banale, presque mainstream, dont seule reste la voix en avant reconnaissable de l'artiste.
Làs, sa voix plaintive aux accents pathétiques de post-adolescent tourmenté ne me séduit guère voire m'irrite, sauf dans ses meilleurs moments pop (One For You, One For Me), sans oublier certains titres introduits par la voix d'un obscur narrateur ennuyeux (Firewall).


Autrement dit, j'ai du mal à écouter jusqu'au bout le disque de ce Conor-là, alors qu'un autre Conor anglais, à la sensibilité voisine, m'envoûte depuis l'an dernier.
Qui sait ? Si j'avais été plus familier de Bright Eyes avant la découverte de Conor O'Brien des Villagers, j'aurais peut-être été plus indulgent avec cet album (et artiste) honorable, mais qui ici n'a pas su me convaincre.

Sans rancune, Conor l'américain.

Bright Eyes. "The People's Key" (Saddle Seek Records) ♥

avis mitigé sur Esprits Critiques et décu sur Brainfeeders & Mindfuckers

myspace de Bright Eyes

Autant Conor Oberst m'a laissé plutôt froid, autant je suis heureux de m'enflammer pour le dernier album de Gruff Rhys, l'ex-leader des Super Fury Animals, très sous-estimé groupe gallois de la fin des années 90.

Si l'aventure du groupe est finie, leur sympathique leader Gruff Rhys continue bel et bien puisqu'il en est à son troisième album solo, un "Hotel Shampoo" ainsi nommé soi-disant à cause de la fâcheuse manie de son auteur de "collecter" les échantillons de shampooing proposés dans les hôtels.
Mais qu'importe l'emballage du flacon, puisque ce shampooing-là procure une ivresse bien réjouissante.

Un vrai tonifiant pop régénérant, petite bulle aux parfums enivrants qui ressuscite avec goût et inspiration tout un âge d'or de la pop vintage désormais révolue.



Des mini-symphonies pop élégiaques des Beach Boys à la somptueuse pop de luxe de Burt Bacharach, en passant par les compositions radieuses de Sean O'Hagan des cultes High Llamas, tous les amateurs d'une certaine harmonie pop qu'on ne croise pas si fréquemment seront ravis de cette nouvelle.













Nul doute que les journalistes pop-maniaques Mishka Assayas et Christophe Conte n'en aient déjà fait leur disque de chevet.


Bonne surprise inattendue de ce début 2011, doit-on aussi la réussite de ce voyage au stylé producteur Andy Votel aux manettes de cette lotion-miracle?

Qu'il s'agisse des cordes de "Vitamin K" d'esprit Divine Comedy, des délires mariachis du tonique "Sensations In The Dark" digne d'XTC, des effets psyché pop sixties du mini-tube "Christopher Colombus", de la classe soyeuse de "Space Dust #2" qui invite la chanteuse d'El Perro Del Mar, l'élégance de la production, référencée et inventive sans être passéiste, n'est jamais prise en défaut :

Ainsi que, plus généralement, la qualité des compositions dignes des Beach Boys d'un Gruff Rhys inspiré : c'est bien simple, notre hurluberlu barbu vient peut-être de signer le meilleur album ... de Brian Wilson ! Celui que l'ex-génie abîmé des années 6o est malheureusement incapable de pondre lui-même.

En tout cas, un disque salutaire annonciateur du printemps, qui devrait faire le bonheur de beaucoup, on l'espère.

D'ailleurs, c'est bien simple, si vous ne l'écoutez pas (l'aimer, on verra après), mais si vous ne prenez même pas la peine de l'écouter, je ne sais pas si je vous parlerai encore.

Gruff Rhys. "Hotel Shampoo" (Turnstile) ♥♥♥♥
en écoute sur Deezer et Spotify

chronique sur Hop Blog et articles sur les Inrocks et Magic
2 titres en écoute sur la Playlist Pop
gruffrhys.com

mercredi 16 février 2011

METRONOMY EN LIVE SUR SPOTIFY

Je rebondis sans vergogne à la suite de l'excellent Twist, toujours parti sans son chapeau, qui vous faisait part dernièrement chez lui de son engouement pour "She Wants", le nouveau single des anglais de Metronomy.

Un engouement également partagé dans ces pages quand je vous annonçais la sortie de leur troisième album "The English Riviera" prévue le 11 avril prochain (chez Because Music) et dont voici la pochette :


Metronomy
, drivé par le remixeur-et-bidouilleur-en-chef Joseph Mount, est un des combos électro les plus inventifs et réjouissants de ces dernières années qui laissent assez loin derrière eux tous les suiveurs sans idées engouffrés dans la brèche du revival néo-80's qui encombrent l'indie-world (... allez, je lance méchamment deux noms : Hot Chip ou Late Of The Pier).

Avec leur deuxième album en 2008, le fantasmabuleux "Nights Out", ils réussissaient à l'aide du minimum de machines possible à marier la techno pop des années 80 - on y croisait les fantômes de Giorgio Moroder, Soft Cell ou des Sparks - et l'hédonisme électro des années 200o pour une virée inventive et détonante sur des dance-floors de fortune, grinçants et légèrement barrés.

Comme une gueule de bois vécue pendant la fête elle-même.

Un disque d'électro disco dérangée immanquable qui se devrait de figurer dans votre discothèque (Mp3 ou pas) :




Or donc, alors que s'avance à grands pas l'arrivée de leur nouvel opus, voilà-t'-y-pas que l'indispensable plate-forme musicale Spotify nous convie à partager le concert que les britanniques (dont le line up a d'ailleurs changé, nouveau bassiste et une batteuse) donnent ce soir à La Boule Noire, un set à suivre ce soir à partir de 21h.
Une info apprise trop tardivement, mais mieux vaut tard que jamais, paraît-il.

Décidément, c'est la semaine des web-concerts après celui de PJ Harvey dont 6 titres sont à rattraper ici organisé par arte live web et deezer lundi dernier.

Préparez-vous donc à l'évènement que vous pourrez suivre à partir d'ici

Sinon pour vous mettre dans l'ambiance, encore un p'tit coup de la vidéo de "She Wants" dont l'ami Twist a souligné à juste titre la beauté et dont je ne me lasse pas :


Et pour terminer, la track list de l'album pour les plus impatients :

1. The English Riviera
2. We Broke Free
3. Everything Goes My Way
4. The Look
5. She Wants
6. Trouble
7. The Bay
8. Loving Arm
9. Corinne
10. Some Written
11. Love Underlined

"Nights Out" en écoute intégrale sur spotify

"She Wants" sur la Playlist Automne-Hiver

Metronomy.co.uk et myspace

dimanche 13 février 2011

PJ HARVEY SECOUE L'ANGLETERRE. Let England Shake

Évidemment la sortie d'un nouveau PJ Harvey - dès demain lundi - ça ne passe pas inaperçu. Et l'écoute des quelques titres envoyés en éclaireur avant l'album, au climat étrange avec voix déformée, avaient de quoi retenir l'attention et intriguer.

D'autant plus intrigant que, avouons-le, depuis son album introductif (Dry) en 1992 qui a posé le personnage - rock lyrique, voix et guitare farouche - je n'ai pas toujours été un inconditionnel de la rockeuse anglaise.
Séduit en leur temps par le flamboyant "To Bring You My Love" ou l'original "Is This Desire", agacé par la routine rock-à-guitare de "Uh Hu Her" ou franchement rebuté par les expérimentations radicales avec John Parish en 2009, PJ Harvey ne fait pas toujours partie de mon panthéon personnel d'artistes.










Seulement, le dépouillé "White Chalk" de 2007 qui la voyait baser un album entier sur le piano et développer une voix angélique indiquait que Polly Jean, au fil du temps, se donnait le droit de changer, d'éviter de se répéter : une artiste en perpétuelle évolution.

Évolution confirmée avec ce "Let England Shake", dixième album de sa carrière. On y reconnaît la patte PJ, elle n'a pas tout bouleversé, juste déplacé, dérangé les éléments de son univers pour un disque à l'abord étrange au début, ensuite totalement familier une fois accoutumé à son climat.

Comme imprégné par l'atmosphère intemporelle de l'église isolée du Dorset dans lequel l'anglaise a enregistré avec Parish et le producteur Flood, "Let England Shake" déroule une singulière atmosphère : entre comptines tordues et chants ésotériques envoûtants, évocatrice de curieux tableaux d'une Angleterre de guerres violentes, de champs d'honneur, de combats héroïques perdus.





Une thématique belliciste poétique qui voit la voix de PJ, soutenue par la voix grave de Parish dans les choeurs, plus sorcière que jamais, jeter ses sortilèges ludiques sur fond de charges de cavalerie (The Glorious Land) ou trompettes héroïques (The Words That Maketh Murder) ou de saxos piqués à Morphine (The Last Living Rose), quand elle ne semble pas invoquer les esprits d'une voix de fée irréelle (On Battleship Hill).

Philtre musical à la composition secrète, tissage sonore complexe rempli de samples (il y a sûrement la magie blanche du sorcier du son Flood là-dessous), composant un paysage fort réussi (mais parfois crispant, voir sur England), variant les rythmes et les climats.


La fin de l'album la voit même se muer en grande cousine des Cocorosie (Hanging In The Wire) ou soeur évanescente de Liz Fraser pour un mix étonnant de dream pop et de dub à l'ambiance très Primal Scream (Written On The Forehead).



De quoi rendre encore plus imprévisible la figure de Miss Harvey, chanteuse assez insaisissable, un brin distante, pas vraiment émouvante, mais certes une artiste inspirée et libre. Écoutez-la, vous devriez succomberez. "Let It Burn, Let It Burn".

PJ Harvey. "Let England Shake" (Island/Universal Music)
♥♥♥ Sortie ce lundi 14 février
en écoute sur deezer et spotify


Diffusion de son concert à La Maroquinerie sur ARTE LIVE WEB ce lundi cliquer ici

article sur next-Libé et interview sur Magic
chroniques
sur Les Chroniques de Charlu, La Musique à Papa et Esprits Critiques

PJ Harvey