dimanche 18 décembre 2011

REPLAY 2011 (11, fin). DESTROYER

C'est déjà le dernier Replay de l'année, onze pour l'an 2011, la semaine qui vient étant celle de l'exercice du "sacro-saint-pas-original-mais-inévitable Top de fin d'année" auquel je sacrifierai comme beaucoup, mais avec plaisir.


Pour ce dernier rendez-vous j'aurai pu sortir un disque peu attendu, du genre ambient expérimental d'Oneohtrix Point Never ou afro-beat de Kouyaté-Neerman, deux disques qui changeraient un peu, ma foi. Et puis au risque de passer pour pas original - le disque étant chouchou de pas mal de revues, sites et blogs en pagaille - finalement on clôt la série et l'année en beauté avec cet album paru en janvier, trop rapidement déjà évoqué ici.

"Kaputt", le neuvième album de l'étrange song-writer canadien Dan Bejar, capitaine d'un Destroyer qui n'en fait qu'à sa tête, est donc un des gagnants surprises de cette année et le sommet actuel de sa discographie hétéroclite où l'oiseau a fait preuve de la plus totale liberté (glam, rock, folk ou obsession perso pour Bowie, on est deux alors).

Ici à la tête d'une soft pop seventies élaborée à la Steely Dan avec le son glacé et soyeux de claviers tout droits sortis des eighties, c'est à un singulier voyage, entre easy listening, pop FM années 80 sophistiquée et pop funkysante enluminée de volutes de saxo désuets, qu'il nous a convié :




Bizarre et risqué saut spatio-temporel où le capitaine Bejar, malgré le séduisant régressif retour dans le temps qu'il procure aux trentenaires et quarantenaires en leur offrant le son de leur jeunesse, prend le risque de flirter avec la muzak, avec ces choeurs féminins sensuels ET too much et surtout ce saxo moelleux omniprésent à la David Sanborn.

Ainsi, comme un funambule en équilibre instable entre modernité indie pop et rétro-kitsch, passé et présent, standards pop et expérimentation conceptuelle, Destroyer réussit au bout du compte à nous embarquer à son bord.
Le projet est, c'est vrai, immédiatement séduisant (comme les splendides "Savage Night At The Opera" ou "Suicide Demo For Kara Walker" avec son gimmick kitsch à la flûte) mais l'entreprise peut se lire aussi d'une autre manière :





Vu l'esprit de l'hurluberlu et la teneur sombre de ses paroles lancées d'un ton railleur (critique des urbains mondains et du monde de la musique sur le morceau-titre ("Wasting your days / Chasing cocaine to the back rooms of the world all night / Sounds, smash hits, melody maker N.M.E. / All sound like a dream to me"), Dan Bejar fait penser à un receleur qui aurait soigné l'habillage clinquant de sa marchandise pour mieux en dissimuler la noirceur et l'amertume.

Sous le vernis de pop songs glacées renvoyant au eighties voyantes (Avalon de Roxy Music, la pop funky d'ABC, les années yuppie de Bowie) "Kaput" opère un insidieux et rieur travail de sape, comme la production immaculée de Prefab Sprout révélait en fait la profonde introspection et mélancolie des chansons de Paddy McAloon.


Une des références évidentes de cette madeleine sonore atypique qui a pourtant embarqué pas mal des passagers que les lubies de ce drôle de navigateur n'ont pas effrayé, mais au contraire bien réjoui. Tant mieux ! Vive les outsiders, au final.


 Tracklist :
1. Chinatown
2. Blue Eyes
3. Savage Night At The Opera
4. Suicide Demo For Kara Walker
5. Poor In Love
6. Kaputt
7. Downtown
8. Song For America
9. Bay Of Pigs (detail)


Destroyer. "Kaputt"(Merge/Differ-ant) sorti le 25 janvier 2011 
♥♥♥♥
en écoute sur spotify & deezer
3 titres sur la Playlist Replay 2011
à lire sur muffin man, little reviews, SWOMMB et les inrocks

myspace destroyer

Bientôt les tops de l'année 2011

3 commentaires:

  1. Tu finis ton replay en beauté, un véritable feu d'artifice ! Ce disque est une merveille. Ce que j'aime Chez Dan Bejar c'est cette liberté musicale.

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  2. J'ai été étonné de trouver cet album dans tous ces tops alors qu'il me semblait ne pas en avoir beaucoup entendu parler à sa sortie. Et surtout dès que j'en parle autours de moi, personne ne semble connaître.
    Cela étant, excellent choix.

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  3. @muffin man : un feu d'artifice musical, alors ! Merci à toi, l'ami :)

    @victor : personne semble connaître dans ton entourage, dommage. Dis-leur d'y jeter une oreille alors, l'oiseau Bejar le mérite. Et merci pour tes bons mots :)

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