On continue cette ballade cinéma, une petite escale danoise avec "Melancholia" sorti le 10 août :





Cachée sous l’argument hollywoodien d’un film-catastrophe - la Terre condamnée suite à sa collision imminente avec une planète fatale - "Melancholia" est une oeuvre bipolaire, bluffant de maîtrise, résultant de la dépression qui secoua son auteur : deux parties distinctes, détaillant chacune un personnage (les deux sœurs Kirsten Dunst/ Charlotte Gainsbourg lors du mariage de la première) pour deux styles de cinéma différents.
Si la première s’inscrit dans la lignée du Dogme (caméra à l’épaule et tons ocres suffocants rappelant la tension familiale de Festen) la deuxième affiche un classicisme formel épuré, et suit la montée de l’angoisse face à l’arrivée de la planète mortelle.
Ces deux parties divisent à leur sujet et comptent chacune des pourfendeurs et défenseurs. En fait l’appréhension de ce film singulier ne peut se faire que par l’addition de ces deux segments, qui donne ainsi sa drôle d’unité à ce film somptueux empruntant son titre au graveur Dürer.

Un récit acide et virtuose d’un gâchis annoncé, où l’on reconnaît le von Trier habituel, sarcastique et détaché, tout en regrettant qu’il se contente pas mal de recycler ses trucs déjà vus de cinéaste malin.
Acte II : couvée par sa sœur Claire/Charlotte, une Justine apaisée voit sans émotion les signes du désastre se confirmer et l’angoisse changeant de camp, c’est autour d’une Charlotte Gainsbourg (sidérante elle aussi) qu’anime l’énergie du désespoir que le danois organise sa nouvelle mise en scène, toute de suspense et d’effroi grandissants.

La confirmation de l’apocalypse annoncée qui justifie le désespoir fondamental ressenti par Kirsten Dunst, double évident du cinéaste, semble révéler la force de tous les mélancoliques dans l'âme, esprits trop lucides que pour oublier l’issue fatale.

Mais pour la première fois chez lui, ce constat amer touche et interpelle tandis que le dernier plan du film emporte dans un grondement sourd le destin de ses personnages et clôt de manière saisissante cette fable allégorique d’une noirceur somptueuse, opéra crépusculaire puissant aux résonances intimes qu’on ne s’attendait pas forcément à éprouver.

♥♥♥♥
Réalisation et scénario: Lars von Trier. Directeur de la photo : Manuel Alberto Claro. Effets Spéciaux : Hummer Høimark. Production : Zentropa Productions. Distribution : Les Films du Losange. Durée : 138 mn. Sorti le 10 août
Avec : Kirsten Dunst (Justine) ; Charlotte Gainsbourg (Claire) ; Kiefer Sutherland (John) ; John Hurt (Dexter) ; Charlotte Rampling (Gaby) ; Stellan Skårsgard (Jack).
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