samedi 27 août 2011

LE CINÉ DE L'ÉTÉ (4). La Piel que Habito

Après cette nouvelle dont on se serait bien passé, suite du "Ciné de l'Été", voici un petit crochet en Espagne avec "La Piel que Habito" sorti le 17 août :

Soyons clair : l’auteur de ces lignes est loin d’être "Almodóvarien" pur jus, juste un curieux parfois de son cinéma. Et ce n’est pas ce dernier opus qui va clarifier les choses, juste le rendre de nouveau perplexe.

Difficile en effet d’aborder "La Piel que Habito" (La peau que j'habite), nouveau film du cinéaste-star, en le résumant uniquement à son genre, un thriller fantastique adapté du roman "Mygale" de Thierry Jonquet, variation policière autour d’un chirurgien esthétique incarné par Antonio Banderas menant d'étranges recherches.

Un récit volontairement horrifique aux implications complexes (qui est cette jeune Véra - la nouvelle venue Elena Alaya - dans la villa ultra-sécurisée du docteur : patiente ou captive ?) permettant une fois de plus à Almodóvar d’aborder ses thèmes favoris : transgression morale, obsession du corps, identité sexuelle.

Parfait, alors ? C’est vite dit : ce serait omettre le caractère volontiers distant des derniers films d'Almodóvar (remarquez qu’il a fait disparaître son prénom des génériques) devenues froides machines cinématographiques d’une complexité narrative voulue et d’une obsession plastique constante.

Comme si l’ex-cinéaste de la Movida avait conservé ses penchants feuilletonesques remplis de rebondissements improbables pour ses histoires et stylisé sa mise en scène en épure glacée jusqu’à la distanciation.

Ainsi, "La Piel que Habito" se veut une histoire de fous, succession d’actes monstrueux filmée de la manière la plus froide et détachée. Le "maestro" Pedro y pousse encore à l’extrême ses procédés habituels au risque de lasser.
Il évoque encore la mémoire de films célèbres, son goût pour le méta-cinéma systématique chez lui (hier Douglas Sirk ou Mankiewicz, aujourd’hui le Franju des "Yeux sans Visage" pour l’ambiance, le Hitchcock de "Vertigo" pour la recréation d’un amour perdu, le Buñuel de "Tristana" pour l’érotisme malsain).
Il renforce l’aspect grand-guignol de son récit horrifique digne d’un giallo italen du Dario Argento années 70, avec grande demeure isolée, seconds rôles ambivalents et chirurgie terrifiante. Et radicalise son utilisation des récits alambiqués (flash-back très explicatif et "révélation" centrale).












Pour le dire plus vite, le cinéaste madrilène a pas mal chargé sa barque, l’ensemble tournant à l’exercice de style sur-référencé aux ambitions virtuoses confirmant du coup un aspect qui m’a souvent gêné dans son cinéma, parfois surestimé.
Un cinéma brillant mais voyant, exhibant ses origines, étalant ses références, montrant ses "coutures" (allusion facile pour ceux qui verront le film) et n’ayant pas peur de paraître fabriqué, comme le monstre de Frankenstein et comme la Vera que couve un Antonio Banderas bien transparent, quasiment un corps de synthèse.

Qu’Almodóvar pratique également un cinéma de synthèse n’aurait rien de dommageable si celui-ci, trop corseté dans son délire distancié - comment avaler tant de péripéties n’ayant pas peur du grotesque, voire du ridicule ? - empêchait de vraiment ressentir et d’éprouver un trouble durable au risque de produire le sentiment d’être peu concerné. Son cinéma préoccupé par la chair et ses pulsions, ne me semble pas ici si "incarné" que le mériteraient ses préoccupations sur la nature humaine et ses tourments.

Pour autant, le film impressionne souvent et, d’une noirceur viscérale confinant à la misanthropie, pose de bonnes questions sur le fantasme, la perversité masculine, la folie de la vengeance, la "chosification" galopante du corps dans une époque en perte de repères moraux. Sur la construction et l’identité foncière des êtres surtout, sujet présent depuis toujours chez lui.

Mais, si peu défenseur des tocades foldingues de son cinéma post-Movida d’antan, il me semble que les mêmes questions passaient pourtant mieux dans les péripéties baroques chaleureuses de "Tout sur ma mère" ou "Volver" que dans cette sombre machine, se voulant glacée comme le cinéma conceptuel d’un Michael Haneke.
Si les "almodóvariens" sont déjà la noce avec ce nouveau film, ce n'est pas encore pour cette fois d’être complètement convaincu ou de me rallier enfin aveuglément à leur cause. Donc à vous d’essayer, maintenant, qui sait ?

"La Piel que Habito" (Espagne, 2011).

Réalisation : Pedro Almodóvar. Scénario : Pedro et Agustín Almodóvar d'après Thierry Jonquet. Décors : Carlos Bodelón. Montage : José Salcedo. Production : El Deseo. Directeur de la photo : José Luis Alcaine. Distribution France : Pathé Distribution. Durée : 117 mn.
Sorti le 17 août

Avec : Antonio Banderas (Robert Ledgard) ; Elana Anaya (Vera) ; Marisa Paredes (Marilia) ; Roberto Alamo (Zeca) ; Blanca Suárez (Norma) ; Eduard Fernàndez (Fulgencio) ; Jan Cornet (Vicente).



l'avis de Hop Blog

à suivre

2 commentaires:

  1. Nous ne sommes apparemment pas toujours absolument d'accord (j'ai beaucoup aimé cet Almodovar et pas du tout apprécié "Melancholia"), mais j'ajoute de ce pas ton blog aux liens affichés sur le mien, car j'aime bien ta prose ! (et puis on se rejoint sur pas mal de classiques, Mankiewicz tout ça, donc ça va :D).

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  2. Si l'essentiel est là, ça va ! Blague à part, c'est des petites différences qu'on se nourrit surtout si sur l'essentiel (les classiques anciens ou modernes) on est d'accord !
    Et merci pour le liein dans ta blogroll. Je vais essayer de parler plus régulièrement de cinéma désormais ... et il faut que je termine et mette en ligne le film n°6 pas encore fini, quelle honte :)

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