lundi 6 février 2012

AIR à la conquête de la lune

Février n'est pas que le mois de la vague de froid et de neige que nous supportons tant bien que mal, mais c'est aussi le mois qui nous a nous réservé le retour du groupe Air.
On serait même tenté de dire un retour aux affaires, tant les derniers opus de la paire JB Dunckel-Nicolas Godin avaient été loin d'être concluants. Malgré l'indulgence qu'on peut avoir envers leur production, pour peu qu'on soit sensible à leur électro pop easy listening volontiers naïve, voilà longtemps qu'ils s'étaient installés dans un vernis pop aussi moelleux que plutôt sclérosant artistiquement (Talkie Walkie, 2004). Isolés dans leur bulle, les deux dandys versaillais alignaient des productions agréables, mais anecdotiques et manquant en fait ... d'air.


Mais rien ne vaut l'exercice obligé venant de l'extérieur, car sollicités par le passionné Serge Bromberg, déjà auteur de la résurrection de L'Enfer de Clouzot, pour rhabiller la bande-son du classique du précurseur Georges Méliès, Le Voyage dans la Lune restauré et recolorisé par Lobster Films et l'aide de la Fondation Gan pour le cinéma, ce petit voyage spatial leur refait une modeste mais salutaire santé musicale.

Confirmant leur vocation pour le rétro-futurisme, leur bande-son rétro-moderne, à l'exemple de Giorgio Moroder pour Metropolis en 1984, habille de couleurs seventies, synthés antiques et pulsations rock vintage les rêveries ludiques colorées du père historique du cinéma de l'imaginaire et des effets spéciaux : 



Sans jamais trahir la fraîcheur de ses visions de 1902, leur B.O. en restitue l'aspect ludique (Sonic Armada), aérien (Moon Fever) ou carrément psychédélique (Cosmic Trip).
Mieux : si la nouvelle version du film (à voir sans tarder et disponible en DVD le 23 avril) supporte fort bien leurs inventions, Le Voyage dans la Lune L'Album s'apprécie tout autant - voire même plus - tout seul accroissant son pouvoir d'évocation et de suggestion spatiale à coups de synthétiseurs Moog, sons de mellotron et claviers analogiques. Le tout lorgnant autant du côté des ancêtres du krautrock allemand (Kraftwerk, Neu) que des b.o. du cinéma italien, aux embardées gentiment expérimentales :



On peut même trouver la durée du voyage un peu courte bien qu'allongée de quinze minutes par rapport au film. Mais voilà un disque cohérent qui ne changera certes pas leur statut mais qui confirme l'aisance du groupe dans la composition instrumentale (souvenez-vous de leur chef-d'oeuvre Virgin Suicides).

Oserait-on même dire que l'objet épaulé des chanteuses d'Au Revoir  Simone et Beach House pour les passages pop démontre qu'une des faiblesses récurrentes d'Air était de s'obstiner à (mal) assurer le chant ? Allez, les petits maîtres versaillais, votre amie people Sofia Coppola avait au moins senti ça : laissez tomber la lounge music sans ressort, vous êtes fait pour habiller le cinéma de vos délicieuses volutes rétro-temporelles.

Et souriez-donc aussi sur vos photos. Ce n'est quand même pas demander la lune.

Air. Le Voyage dans la Lune - A Trip To The Moon (Aircheology/Emi Music) paru le 6 février

3 commentaires:

  1. pas indispensable mais très sympa et plein de bonnes idée cet album.

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  2. Très bon article en tout cas !

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  3. Cette restauration hors du commun fruit d'un travail collectif, mené par trois spécialistes de la restauration de films : Lobster Films mais aussi deux entités à but non lucratif agissant mondialement dans le domaine du patrimoine du cinéma, la Fondation Groupama Gan pour le Cinéma et la Fondation Technicolor pour le Patrimoine du Cinéma.
    Comme sur tous leurs projets, les fondations ont participé directement à toutes les étapes (techniques, juridiques...) de ce projet pendant 18 mois, menant aussi d'importantes recherches dans toutes les archives du monde entier pour recueillir les informations nécessaires à une telle restauration (documents de travail de l'auteur, catalogues des films de l'époque, dessins, lettres, etc.).
    Souhaitant susciter l'intérêt d'un large public, qu'elles ont demandé au groupe AIR de composer une musique originale pour accompagner le film dans sa diffusion internationale. AIR a accepté de relever ce défi, bénévolement et avec un engagement remarquable.
    Séverine WEMAERE, Fondation Technicolor et Gilles DUVAL, Fondation Groupama Gan

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