samedi 24 septembre 2011

LE CINÉ EN DOUCEUR. Restless ou l'art de la fugue

Retour vite fait au cinéma avec un joli moment de cette semaine ciné, "Restless" :

Avec son nouveau film, Gus Van Sant surprendra un peu son public en semblant musarder à la périphérie de son œuvre. Celle-ci semblait traditionnellement dévolue à, d’un côté, les films de commande grand public (Prête À Tout, Harvey Milk) et, de l’autre, les objets arty volontiers conceptuels (Gerry, Last Days).
Et ce, sans négliger la qualité de l’un ou l’autre de ses différents versants, le classicisme des uns équilibrant le radicalisme des autres, et inversement. "Restless" semble alors une discrète parenthèse dans sa filmographie, comme elle l'est surtout dans la vie de ses jeunes (anti) héros. À l’image du "Two of Us" des Beatles qu'on y entend, une modeste mais gracieuse bal(l)ade.
Avec son sujet "boy meets girl" typique - Enoch, jeune homme fragile rencontrant Annabel, jeune fille condamnée sans appel par le cancer, tous deux fascinés par la mort - le célèbre auteur d"Elephant" évite soigneusement le côté pur mélo de son sujet imposé en se tenant au centre même de ses éternelles préoccupations de cinéaste : filmer la jeunesse aux prises avec la mort.

Le tout, en optant résolument pour le mode mineur (Restless reste un film modeste qui jamais ne prétend à être autre chose) et une constante douceur : douceur de l’automne lumineux de sa ville natale Portland, douceur de l’image, élégante et soignée, douceur de l’idylle naissante entre les jeunes gens, douceur de leur physique d’angelots gracieux. Tous éléments au diapason de la petite musique qu’égrène sa jolie fable aux allures de rêve éveillé, mélancolie et douleurs secrètes y compris, pas seulement réservée au public des teen movies.


Si le début du film inspirera aux cinéphiles des souvenirs du classique "Harold et Maude" (le jeune Enoch hantant les enterrements de parfaits inconnus), si Annabel/Mia Wasikowska évoque une jeune Mia Farrow ou Enoch/Henry Hopper un jeune Dennis Hopper (normal c’est son fils et portrait craché du père!), pour peu qu’on accepte la fuite de la réalité aux allures de fugue empruntée par le couple, "Restless" est une charmante parenthèse désarmante de simplicité, filmant la jeunesse qui tente d’exorciser la mort à la manière de deux grands enfants.













Deux enfants excentriques, petits dandys en habits vintage refusant leur destin en dialoguant avec un ami fantôme imaginaire, s’émerveillant des chants d’oiseaux ou répétant avec ferveur la scène de leurs ultimes adieux.

Un goût pour une légèreté revendiquée qui, comme les jeux d’enfants, pourra se révéler confondante de naïveté désuète ou de joliesse un peu sage mais le plus souvent touchera par son mélange de gravité résignée et de douceur ouatée irréelle. Le tout distillant un charme voisin de celui de la comédie romantique "500 Jours Ensemble."

Petit film à la réalisation presque invisible (ça nous change chez l'américain, et plutôt en bien) qui touche l'air de rien aux choses graves de l’existence et évocation élégiaque de l’adolescence, ce micro-opus de Gus Van Sant aux airs de fugue distille une mineure mais radieuse morale : il n’est que temps que profiter du temps qui nous reste. Message reçu.

À signaler, toujours une impeccable bande-son pop chez l’ami américain : Elliott Smith, Bon Iver, Pink Martini, The Beatles, Nico et des compositions de Gus Vans Sant lui-même.



"Restless" (États-Unis, 2011). Sorti le 21 septembre 2011
♥♥♥♥
Réalisation : Gus Van Sant. Scénario : Jason Lew. Directeur de la photo : Harris Savides. Montage : Elliot Graham. Musique : Danny Elfman. Production : Imagine Entertainment & Columbia Pictures. Distribution : Sony Pictures France. Durée : 95 mn.
Avec : Henry Hopper (Enoch) ; Mia Wasikowska (Annabel) ; Ryo Kase (Hiroshi) ; Schuyler Fisk (Elizabeth Cotton). 

articles sur fluctuat.net et la houlette du hérisson

Bonus : le "Two of Us" des Beatles qui ouvre le film :

7 commentaires:

  1. on va l'avoir à Epinal, j'ai hâte de le voir. La référence à "500 Jours Ensemble" me plait bien. J'avais trouvé ce film charmant comme tout. Sinon as-tu vu Melancholia, je serais curieux d'avoir ton avis dessus.

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  2. Restless m'a plu, mais ne t'attends pas non plus à trop, juste un joli film attachant, plutôt sage pour un Gus Van Sant. Sinon, j'ai déjà parlé de Melancholia ici :

    http://leschroniquesdeblake.blogspot.com/search?updated-max=2011-08-26T21%3A15%3A00%2B02%3A00&max-results=7

    et ça m'avait plu (étonnamment car pas toujours fan de Lars Von Trier), pas vraiment tout de suite, mais le film gagne de l'épaisseur avec le temps. Enfin, c'est juste mon avis ...

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  3. Je trouve que ta critique résume assez bien l'ambiance de Restless, plutôt soft pour GVS mais très attachant.
    Peux-tu me dire quels sont les titres des chansons d'Elliott Smith et Bon Iver présentes dans le film ?
    Merci

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  4. Merci pour ton avis :-)
    Concernant la B.O., je n'ai pas noté les titres des artistes reconnus, juste bien remarqué leur nom au générique. Un peu idiot, d'autant que j'ai du mal à trouver la moindre "tracklist" de la B.O. qui n'a pas l'air de vouloir être éditée bientôt, dommage :(

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  5. MERCI à TOI, Blake ! Perso, j'hésitais à voir ce nouveau Gus Van Sant (pour cause de planning ciné déjà très chargé) jusqu'à ce que je découvre ton billet et l'allusion à "500 Jours ensemble". Cela a suffi à me persuader d'aller voir "Restless" aujourd'hui et ne le regrette pas ! Oui, la B.O. est très bien et outre les artistes cités, j'ai adoré les thèmes instrumentaux mélancoliques (apparemment composé par le réalisateur lui-même...)

    P.S. : Continue bien, STP tes billets ciné (si je commente rarement, je les lis tous !) Encore MERCI et @ bientôt.

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  6. C'est toi qu'il faut remercier, ami JP avec un commentaire si sympa, donc merci :-)
    Si mes bavardages donnent un peu envie d'aller y voir par soi-même, tant mieux !
    J'ai prévu de continuer mes billets ciné - je ne peux m'en passer - juste un p'tit retard cette semaine (au fait j'ai pas bien aimé l'Apollonide de Bonnello, j'en ai pas parlé, pourquoi pas en toucher un mot, à voir) mais ça devrait reprendre sous peu.

    Pour la B.O. originale il y a quand même Danny Elfmann derrière mais qui a fait quoi entre lui et Gus Van Sant lui-même, en l'absence de disque édité, mystère ... À bientôt :)

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  7. Ah tiens justement, j'ai vu aussi L'Apollonide cette semaine (convaincu cette fois par une chronique d'Elisabeth Quin sur Paris Première) et cela m'intéresserait de savoir pour quelles raisons tu n'as pas "bien aimé". Moi je suis sorti de la séance disons, assez mitigé : certains aspects de ce film d'auteur cérébral m'ont agacé, d'autres heureusement (l'incipit ambigu où rêve et réalité interfèrent, la gestion du temps -hormis l'épilogue trop démonstrative-) m'ont assez impressionné. Une plongée déstabilisante dans les coulisses glauques d'une maison close dont je suis sorti sonné (pour ma part, je n'ai rien vu de sensuel ou d'érotique dans ce film triste et mortifère...)

    P.S. : Je tâcherai de laisser davantage de commentaires à tes billets "ciné"... même si je n'ai pas grand chose à rajouter lorsque, comme toi, j'ai adoré ("Une Séparation") ou beaucoup aimé ("Habemus Papam") @ +

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