
La venue d'Alain Cavalier à La Coursive, l'excellente scène culturelle rochelaise m'a enfin permis de voir en projection unique son dernier film "Pater", qui fit la joie de la Croisette en mai dernier.

Sorte de méta-cinéma et work in progress permanent, "Pater" interroge autant les limites entre réalité et conventions fictionnelles que les rapports quasi filiaux instaurés au fur et à mesure du tournage entre l'auteur et son ami acteur. Cavalier ne cache rien, son film portant autant sur sa propre fabrication en live que sur le canevas politique qu'il se permet d'improviser.
Sur le papier, un concept qui peut tourner à la pose intellectuelle ; à l'écran, un stimulant jeu de piste, suite surprenante de séances de travail qui font revenir le cinéma à son aspect ludique de base, deux enfants qui jouent : "Je dirais que je suis Président de la République et toi, Vincent, mon Premier Ministre"

Si la presse a beaucoup insisté sur l'aspect "politique" du film, qui singe en effet les moeurs de nos élus - presque toujours filmés à table - Alain Cavalier semble surtout prendre en dérision tout esprit de sérieux, la fausseté de toute position sociale, la duperie permanente de nous tous adultes qui avons oublié que nous n'étions que de vieux enfants.
Humour délicieux d'un vieux cabotin tout fier de porter un costume qu'il ne porte JAMAIS dans la vie, de filmer d'un oeil amusé Vincent Lindon (constamment attachant) qui lui conseille des cravates ou de capter une des célèbres colères de l'acteur.
Mais les frontières se brouillent et le doute s'installe : cette colère de Lindon est-elle une vraie, vécue par l'acteur ou répétée pour le film ? Le programme politique et social énoncé (l'instauration d'un salaire maximal) semble tenir à coeur autant au faux président qu'au réalisateur, mais celui-ci nous avoua ensuite que l'appartement filmé dans "Pater" n'est pas le sien, ni non plus le chat qu'il cajole durant tout le film.

Déconcertante mise en abyme d'un film en complète liberté, prototype unique dont les séquences parfois moins abouties n'arrivent pourtant pas à entamer le charme et la limpide joie d'être et de filmer.
Chaleureuse relation entre un auteur et son acteur, manifestement père et fils de substitution, contents de s'être trouvés et d'inspirer l'autre.
Étonnante inventivité d'un film dont le journaliste Jean-Michel Frodon, animateur de la soirée, précisait qu'il était aussi unique sur un point : c'est le seul de l'histoire du cinéma où un metteur en scène tend soudain la caméra à son acteur pour qu'il le filme.
Ne rien prendre au sérieux, surtout pas le cinéma. Malicieux Alain Cavalier.

♥♥♥♥
Avec : Alain Cavalier (lui-même/le Président) ; Vincent Lindon (lui-même/Le Premier Ministre) ; Bernard Bureau ; Jonathan Duong ; Jean-Pierre Lindon.
autres critiques sur le blog de Nicolinux et benzine
on va bientot l'avoir chez nous, j'ai hâte ! Dis donc, ça devient un vrai blog ciné en ce moment chez toi ;)
RépondreSupprimerOui depuis août, j'ai un peu mis les bouchées doubles côté cinoche, pas faux :-)
RépondreSupprimerMais l'idée c'est juste d'en parler plus régulièrement dans les semaines à suivre. À équilibrer mieux avec le reste... et pourquoi pas aussi un peu de livres, tiens ? ;-)