dimanche 12 décembre 2010

PARCOURS SOLITAIRES. Fyfe Dangerfield, James Blake, Yellow Ostrich, Llyod Cole

Hasard de la vie du web, me voilà en train d'établir ma petite sélection musicale du jour autour d'artistes solitaires au moment où l'ami Charlu a fait de même hier de son côté, voir ici.

Ouf ! sauvés, nous n'avons pas les mêmes artistes au menu, chez lui c'est plutôt les leaders de groupe en solo, mais cela me permet de le saluer, et au passage de vous inciter à fréquenter son blog fort recommandable.

La petite virée débute avec "Fly Yellow Moon", premier album solo de Fyfe Dangerfield, ex-futur-jeune espoir de la scène pop anglaise avec ses Guillemots.

D'ordinaire très client de l'écriture pop britannique, j'avoue avoir été peu convaincu à l'époque par ce groupe, malgré une presse dithyrambique autour de leur coup d'essai "Through The Windowpane".

Amateurs d'une pop lyrique et orchestrée, Dangerfield et sa bande ne manquaient pas de culot, mais plutôt d'avoir su rendre cohérente leur musique qui basculait trop souvent dans l'emphase et l'alambiqué, malgré de rares moments de grâce (les intimistes Little Bear et Redwings).

Depuis l'insuccès du second Guillemots, Dangerfield fait cavalier seul et nous revient avec un album déjà adoré par la presse et adoubé par Sir Paul McCartney himself voir les Inrocks et Télérama

Hélàs, rebelote - j'ai décidément du mal avec la critique - tout sémillant qu'il puisse paraître, Dangerfield ne m'emballe pas autant qu'on le voudrait.

Son album part dans trop de directions pour être fluide (rock mainstream, pop pompeuse sur Faster Than The Setting Sun) et on décèle même sur certains titres des similitudes troublantes : les accords de "Barricades" ressemblant pas mal à ceux du "Hallelujah" de Cohen, version John Cale-Jeff Buckley ou un "Don't Be Shy", trop Nick Drake.



Et un conseil, Fyfe, pas la peine d'étaler tes performances vocales, ta voix mesurée dans les ballades suffit amplement. D'ailleurs, le plus carré de l'ensemble ne serait-il pas "She's Always A Woman", reprise variété sans chichis d'un vieux standard de Billy Joel ?

Maigre consolation, on en conviendra, pour un artiste qui se voit peut-être remplacer Paddy McAloon de Prefab Sprout, mais peine perdue, c'est hors d'atteinte. À ce jeu, Conor O'Brien des Villagers est mieux placé que lui.

Fyfe Dangerfield. "Fly Yellow Moon" (Polydor/Wrasse Records) en écoute sur Spotify

Fyfe Dangerfield.com

Bon, côté musique, on est dans un autre monde avec celui qui suit, qui porte d'ailleurs un patronyme qui ne peut que me plaire. Vous en conviendrez, grand moment : Blake qui parle de ... James Blake (!).

Mais, en-dehors de son nom impeccable (pas d'accord ?), l'univers musical du dit Blake est loin d'être sans intérêt.

Collaborateur des Mount Kimbie, le jeune homme a développé en peu de temps sur une poignée de EP une électro instrumentale expérimentale, qualifiée de "postdubstep" chez les gens qui savent.

Un univers atmosphérique, où en vrai explorateur sonore, il joue des samples de voix vocodées restructurées, bâtissant des architectures subtiles et hypnotiques en jouant sur les silences, le tout étant très magnétique et accessible pour peu qu'on soit curieux.










Si le EP "CMYK" (à gauche) dessinait une soul R&B au groove étrange et décalé, "Klavierweke EP" (à droite) s'aventure encore plus vers le minimalisme abstrait et l'électronica rêveuse pour un voyage sonore en apesanteur garanti, la présence grandissante des claviers prouvant sa formation classique.





Et voilà aussi qu'il se met à chanter avec style pour la reprise fort élégante d'un titre de Feist, "Limit To Your Love", ce qui pourrait agrandir son auditoire à l'aube de la parution d'un album en 2011.

L'exemple même d'outsider musical qu'on n'attend pas, mais qui vous surprend par sa créativité. Bref, à surveiller fortement l'année prochaine. Un Blake ne saurait décevoir ma foi (allez, un peu d'auto-célébration indirecte ne fait pas de mal !)

James Blake. "CMYK EP" et "Klavierwerke EP" (R&S Records) ♥♥♥ en écoute sur Spotify

"Limit To Your Love" en écoute sur la Playlist Automne-Hiver

chroniques sur Des Oreilles dans Babylone et MagM3

Myspace de James Blake

Autre outsider difficile à cerner qui s'avance en la personne de Alex Schaaf, plus identifié sous le nom de Yellow Ostrich.

Un drôle d'oiseau
(autruche, vraiment?) ou plutôt un déroutant homme-orchestre, d'une productivité abondante (il a publié foule de EP et inédits téléchargeables sur son site) et qui semble ne vouloir s'inscrire dans aucune case musicale précise.

Ou plutôt si, celle du nouveau "petit génie excentrique de l'indie rock américain", dans la lignée d'un Sufjan Stevens, diront les mauvaises langues, qui divise la blogosphère avec "The Age of Adz", sa nouvelle livraison ?

Disons plutôt que la musique de Yellow Ostrich est principalement basée autour de sa voix agile (dédoublée, démultipliée, polyphonisée), qui le fait parfois concurrencer tout seul les harmonies vocales des Fleet Foxes à lui tout seul.

Un travail hyper maîtrisé qui le voit dérouler sur le "Morgan Freeman EP" (inspiré par la page Wikipédia de l'acteur!) une électro pop alternative dans l'esprit de ses aînés Grandaddy ou Eels. Ou surtout envoyer planer l'auditeur sur le fort réussi "Fade Cave EP", six titres uniquement habillés de sa voix accompagnée d'une discrète drum machine. Planant et harmonieux voyage.




Le seul revers de son travail brillant étant que parfois, on ne voit plus que la virtuosité : ainsi sur "The Mistress", nouveau LP sorti en octobre, enregistré exceptionnellement avec d'autres musiciens (guitariste, bassiste, batteur) pour un résultat indie rock de bonne tenue, genre Local Natives (I'll Run, Campaign).

Mais moins emballant à mon goût sur ce projet, car plus bruyant et un peu en déficit d'émotion. Du coup, je reste partagé à son sujet. Un peu le même sentiment éprouvé que sur l'album folk de Timber Timbre.

Un travers de jeunesse peut-être, car l'individu semble d'abord avide de tout explorer avec la curiosité de son jeune âge. Gageons qu'il saura plus tard investir autant le fond que la forme et comme il fourmille d'idées, qu'un de ces prochains projets saura me convaincre définitivement.

Yellow Ostrich. "The Mistress" (Afternoon Records) ♥♥ en écoute sur Spotify & Deezer

chroniques chez Muziksetcultures, Mlle Edie et en live sur la Blogothèque

le Myspace Yellow Ostrich et surtout son site avec un choix de EP à télécharger


On rentre tout doucement au garage en croisant la route d'un revenant, ce bon vieux bougon écossais de Llyod Cole, perdu de vue depuis un bail.

Faut dire que l'homme ne nous avait pas facilité la tâche ces dernières années avec des albums impersonnels dont je n'ai pas gardé trace, loin de ses brillants débuts avec ses Commotions.

... Souvenirs émus du classique "Rattlesnakes", son standard de 1984, (remember le magique "Forest Fire") ou ses premiers albums en solo, dont l'éponyme "Llyod Cole" il y a 20 ans :










Avec "Broken Record", il n'a certes pas encore retrouvé la brillance folk-pop de sa jeunesse, mais on aurait tort de négliger la bonne tenue de ce nouveau cru country-folk ; où le Lloyd renoue avec une certaine grâce mélodique et fluidité de production perdue de vue depuis belle lurette, sans oublier sa voix inchangée.

Rien de transcendant, mais l'allégresse de "Oh Genevieve", la délicatesse d"If I Were A Song" et la douceur d'un "Why In The World?" ou de "Like A Broken Record" réconfortent, en prouvant qu'à près de 50 ans et une carrière inégale mais digne, un artiste en son temps orfèvre en matière de song writing n'est pas encore bon à jeter aux chiens.*

Le premier single en images :

* n'en déplaisent les critiques hâtives de certaines gazettes "magico-parisiennes" à lire ici.

Bon, allez, c'est dit, je me calme avec les critiques. Je vous laisse plutôt finir le week-end, ou commencer la semaine, comme on veut, avec le classicisme pépère mais rassurant d'un Llyod Cole retrouvé.

Llyod Cole. "Broken Record" (XII Bis Records) en écoute sur Spotify & Deezer

chronique émue sur Le sous-marin jaune

Llyod Cole.com

9 commentaires:

  1. Ah oui ce James Blake, ça fait un moment que je lui tourne autour, j'ai un peu de mal à l'apprivoiser, mais ça musique ne manque pas de personnalité. J'ai prévu d'écrire dessus avant le 31.
    Sinon un souhait pour 2011 mon cher Blake : 1 article par disque ou artiste s'il te plait, car j'ai parfois un peu de mal de m'y retrouver dans toutes ces chroniques d'hier et d'aujourd"hui. ;-)

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  2. Ah ! tu mets le doigt dessus le truc que je traînais depuis quelque temps : j'ai pris l'habitude de traiter +ieurs artistes en même temps, et ça a plu à certains...
    Mais à la longue, je me dis que 1 : ça me coupe de la matière pour d'autres posts, et 2 : c'est trop long à lire, je vois (et à écrire aussi d'ailleurs...)

    Donc, tu votes pour des chroniques format moins long avec 1 seul sujet, mais plus régulières ;-)

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  3. Bkake. Contrairement à Benoit, j'aime bientes posts avec plusieurs disques/artistes par rapport à une thématique, style, nationnalité commune !! Je trouve cela original et pertinent de mettre en parallèle des disques de style proche.

    Je suis content de voir que tu écoute Yellow Ostrich,nottament l'excellent "Fate Cave Ep" (qui va se trouvé en très bonne place de mon best of disques 2010). Perso, je dois avoir tout ces Ep et son LP "Wild Comfort" (2010) mais pas encore "The Mistress". Je l'ai découvert en début d'anné et depuis, je ne me lasse pas de son univers, "Fate Cave" en tête !

    A + + et merci du lien....

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  4. cher Blake,

    comme l'ami Francky01 je suis fan de tes belles et si documentées chroniques denses et croisées autour de plusieurs artistes aux univers proches ou des ponts sont possibles

    de plus, une sorte d'anti chronique à la christo (:)) très courtes et sur un seul sujet !!!

    pour moi ne change rien, c'est dense mais nécessaire et cela invite à de nombreuses découvertes, tiens, merci pour l'annonce du nouveau Lloyd Cole que je découvre en direct (et qui me plait bien), fyfe danderfields que j'apprécie aussi (j'adorais les Guillemots)...

    quand aux autres inconnues de ma maison mais la curiosité est bien là...

    merci encore et vive les chroniques multifaces...

    amitiés

    christo

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  5. Je prends bien acte, cher christo de votre goût, francky et toi, pour mes "chroniques à rallonge" (merci de toutes vos bonnes paroles).
    Je vais faire à l'instinct, car la remarque de Benoît je me l'étais un peu faite tout seul, et à moins d'écourter (mais je me connais, j'ai tendance à noircir l'écran) choisir moins de sujets peut être un bon commencement... On va voir à l'usage en fait...

    Amitiés ;-)

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  6. l'argument de la thématique marche bien pour les choses anciennes, par contre pour les nouveautés je pense que c'est mieux et plus clair avec un post par disque... de plus pour le référencement dans les moteurs de recherche, ce serait également plus profitable. Mais ce n'est que mon humble avis.

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  7. avis très valable, en effet Benoît... en plus, ça me permettrait d'être + synthétique, j'ai tendance à vouloir trop en dire, non ?
    En fait à la revoyure, ça va encore avec 2 sujets (genre Belin vs Katerine), ça devient pt-être + confus au-delà...
    la fin d'année + calme devrait être l'occasion de recadrer tout ça en douceur pour 2011 ;-)

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  8. Bonsoir tout le monde, je pense que vous avez dû vous apercevoir que Blake a légèrement soufflé sur moi la thématique. Il y a un paquet de disques dont je ne sais quoi faire, quoi dire, ou en tout cas qui ne méritent pas une chronique à eux seuls... les regrouper, et en trouver d'autres du coup m'ont un poil excité. Du coup j'alterne et ça me permet de fouiller encore plus mes étagères musique.
    Prolixe ou bavard, moi j'adore..pas de charte d'écriture, pas de règle.
    Par contre je n'avais pas pensé au moteur de recherche.
    Autant j'admire la régularité concise de Benoit, autant les chroniques de Blake sont terriblement excitantes et complètes, perso, diverses et pleines de littérature.
    "faire à l'instinct"..je crois que c'est le mot qu'il faut retenir.

    Merci Blake pour la piqure de rappel.
    Amitiés.
    Charlu

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  9. Comme dit Charlu : "pas de charte d'écriture, pas de règle....."faire à l'instinct"..je crois que c'est le mot qu'il faut retenir."

    Tu as 100% raison Charlu, c'est la base de l'écriture rock : développer son style, avoir du style, une belle plume et surtout ne pas se fixer de rècles sinon on tmbe dans sa propre "caricature".

    A + +

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