mercredi 22 juin 2011

JOHN MAUS et SCOTT MATTHEW, outsiders en liberté

Grâce soit rendue au net qui vous fait découvrir si vite l'existence d'artistes dont il y a quelques semaines à peine vous ne soupçonniez même pas l'existence.
L'occasion de jeter un oeil (une oreille, plutôt) sur le parcours de créateurs oeuvrant en solo dans une relative confidentialité, laquelle ne devrait pas durer longtemps.

Prenez d'abord le cas du dit John Maus. Déjà le troisième album pour cet olibrius et néanmoins docteur en philosophie et sciences politiques.
Un parcours atypique pour un oiseau rare ayant déjà commis deux LP et collaboré avec son ami proche, l'ostrogoth Ariel Pink. Et qui accouche d'un disque énigmatique qui mêle dans le même mouvement, comme un situationniste moderne, radicalisme des idées ("Let's kill the cops tonight" sur Cop Killer) et radicalisme musical.

En revisitant à coup de claviers glacés et voix réverbérée toute la new wave minimaliste et clinquante des années 80, John Maus semble prendre un malin plaisir à balader son auditoire, lequel risque de le ranger à tort dans l'habituel revival eighties pratiqué par une certaine indie pop.



Si cette épopée néo vintage, trop courte, ne peut que satisfaire l'éternel accro des années 80 qui dort (?) en moi, cette galette à la fausse distanciation révèle un original prêt à se confronter au fantôme glacé de Joy Division, la new wave synthétique de Human League ou les moulinettes robotiques des ancêtres Kraftwerk.












Le tout évoquant les folies post-punk et pré-électro d'originaux comme Suicide ou Fad Gadget et recouvert à l'occasion d'un vernis d'italian disco pour une synth pop bien minimaliste balancée par de bonnes vieilles boîtes à rythme.



Une bizarrerie oscillant entre revival distancié et folie d'artiste, mais qui repose sur la qualité brute des compositions et la rigueur de son auteur (fantastiques Believer et Quantum Leap).
Un album qui démontre toutes ses facettes changeantes au fur et à mesure des écoutes pour se révéler, bien que trop succint dans sa durée, un plaisir rétro-futuriste diablement addictif, comme récemment dans des registres différents mais voisins, Twin Shadow ou Destroyer.

Ballade non exempte d'un romantisme noir, d'un activisme politique et d'une simple foi dans la musique pop, fut-elle déguisée en réhabilitation des codes et sonorités d'une époque révolue, l'aventure révèle un personnage en dehors des normes que je surveillerai désormais de près.

John Maus - "Keep Pushing On"

Tracklist :
1. Streetlight
2. Quantum Leap
3. ... And The Rain
4. Hey Moon
5. Keep Pushing On
6. The Crucifix
7. Head For The Country
8. Cop Killer
9. Matter Of Fact
10. We Can Break Through
11. Believer

John Maus. "We Must Become The Pitiless Censors Of Ourselves" (Upset The Rhythm) ♥♥♥♥
à écouter sur spotify
à lire
sur La Musique à Papa et article sur Magic

John Maus

Autre découverte personnelle de saison, le dénommé Scott Matthew déambule lui aussi en solo sur la scène musicale.
Arpentant des terrains plus fréquentés, entre crooner indie et songwriter solitaire, cet australien à la sensibilité et la voix proches d'un Antony Hegarty s'adonne lui aussi au plaisir de succomber à la muse mélancolie.

"Gallantry's Favorites Son", ensemble de ballades recueillies conçues comme des confessions de blessures intimes et aux arrangements précieux est surtout, dans mon cas, la découverte d'une voix qui ne peut que rappeler la trace d'illustres aînés, crooners undergrounds et stars atypiques.



Impossible à l'écoute de cette élocution stylée et ce timbre androgyne de ne pas songer à la grandeur dramatique de Scott Walker ou la flamboyance vocale de David Bowie lui-même. Saines influences auxquelles on peut rajouter le vibrato émotionnel d'un Terry Callier ou le timbre élégant d'un Perry Blake (oui, oui, Blake...).























Car on ne peut nier la distinction et le charme de cet album qui ne révolutionnera pas le genre mais qui alterne avec harmonie plages de mélancolie désolée (Buried Alive, True Sting) et titres d'humeur plus légère, presque easy listening (Felicity, No Place Called Hell). Mais d'inspiration et de tonalité élégantes, genre pop sixties, entre choeurs spectoriens, influences gospel et ambiance Burt Bacharach. "The Wonder Of Falling In Love", perle du disque, en est le parfait exemple :



Pourtant à la longue, le timbre plaintif et affecté de Matthew et la couleur sombre, voire désespérée de son spleen parfois complaisant peuvent finir par lasser (à l'instar de Antony & The Johnsons) et on aurait aimé que le disque soit toujours aussi fluide que ce morceau ou intense comme certaines torch songs épurées (Duet).

Restrictions relevées qui n'empêchent pourtant pas le plaisir de ce détour australien plus que fréquentable en compagnie d'un de ces outsiders préférant les chemins de traverse. De ceux qui ont souvent parsemé l'histoire du rock et de la pop, toujours pour notre bonheur.



Tracklist :
1. Black Bird
2. True Sting
3. Felicity
4. Duet
5. Buried Alive
6. Devil's Only Child
7. Sinking
8. The Wonder Of Falling In Love
9. Seedling
10. Sweet Kiss In The Afterlife
11. No Place Called Hell

Scott Matthew. "Gallantry's Favorite Son" (Glitterhouse Records) ♥♥
sorti le
14 juin
en écoute sur spotify et "The Wonder Of Falling In Love" sur la Playlist Pop
article sur les inrocks
Scott Matthew

6 commentaires:

  1. Je découvre ce blog avec beaucoup de plaisir et fais le plein pour mes oreilles. Merci pour les conseils.

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  2. Bienvenue ici et ravi si l'endroit vous plaît :-)
    Une petite question rapide : comment avez-vous atterri ici ? Si vous pouvez apaiser ma curiosité sur ce point, merci...

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  3. Via In Cold Blog (et, si vous le voulez, on peut se dire "tu"!).

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  4. "Tu" es le bienvenu alors ! Et un bon blog livres dans ma liste de blogs... il n'y en a pas tant que ça, merci ;-)

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  5. Il est sacrément culotté le John, pour mélanger philosophie et musique... Perso, cela me rebute un peu (je ne vais rien comprendre aux propos du bonhomme), mais bon cela m'intrigue un peu... :)

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  6. oui, le disque de Scott Matthew est vraiment bien. pour une fois, le journal "Magic Revue Pop Moderne" me sert à quelque chose. chaque fois que j'écoute un des groupes recommandé, c'est la désillusion, comme Idaho. S.M. me fait penser à Bon Iver que je viens de découvrir également

    alain_°

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