mercredi 31 août 2011

LE CINÉ DE L'ÉTÉ (8 et fin). 10 films fétiches

Nous voici donc arrivés fin août à la fin de cette semaine "Ciné de l'Eté". Pour finir, un choix de 10 films fétiches tirés de mon panthéon privé en guise de conclusion.

10 films fétiches :

Le Cave se Rebiffe de Gilles Grangier (France, 1961)

Le cinéma français de papa avait du bon, n'en déplaise à la nouvelle vague. Témoin celui de Gilles Grangier, réalisateur le plus fidèle à l'irremplaçable Jean Gabin. Parmi leur douzaine de films en commun, "Le Cave se Rebiffe" est un régal de loufoquerie sixties, joyeux délire policier préfigurant celui des "Tontons Flingueurs". J'avoue même une préférence pour ce "cave", avec son Gabin impérial en parrain escroc, son Bernard Blier tordant de lâcheté envieuse, et ses dialogues aux petits oignons mitonnés par un Michel Audiard déchaîné :
- "Ça rapporterait net combien à chacun, cette affaire ?
- Vingt ans de placard. Les bénéfices ça se divise, la réclusion ça s'additionne !
ou
- Ça court les rues, les grands cons !
- Ouais, mais celui-là c'est un gabarit exceptionnel. Si la connerie se mesurait, il servirait de mètre étalon !" Irrésistible.

Diamants sur Canapé de Blake Edwards (États-Unis, 1961)

Difficile de piocher dans la filmographie impeccable d'Audrey Hepburn, mais "Diamants sur Canapé" (Breakfast At Tiffany's)", la comédie sentimentale drôle et triste qu'elle tourna avec un Blake Edwards inspiré sera mon choix définitif. Son adaptation du court roman de Truman Capote est l'un des plus beaux écrins de la grâce intemporelle de la divine Audrey, un festival de glamour burlesque et de mélancolie désenchantée mêlées. Extravertie et frivole, déboussolée et fleur bleue, on rêverait tous d'avoir comme voisine cette Holly Golighty, farfelue romantique susurrant avec grâce "Moon River" à sa fenêtre.

Elephant Man de David Lynch (États-Unis, 1980)

Un des premiers chocs mémorables dus au grand écran : découvrir autour de treize ans l'odyssée de John Merrick ne s'oublie pas. Premier grand succès public de David Lynch, ces images taillées dans un noir et blanc de cinéma expressionniste sont de celles qui imprégnèrent à jamais ma rétine. "Elephant Man" est la porte d'entrée la plus accessible du cinéma vertigineux de Lynch, fils caché de Tod Browning et des surréalistes, mais quelle porte ! Film-univers, humaniste, onirique et inoubliable, une date-clé pour tout cinéphile. Maintenant, une question : quand nous reviens-tu au ciné, David ?

Du Silence et des Ombres de Robert Mulligan (États-Unis, 1962)

J'aime le cinéma secret du trop méconnu Robert Mulligan, son amour du Sud des États-Unis, sa modestie d'artisan, son regard tendre sur l'enfance. J'aurais pu choisir "Un Été en Louisiane" ou le très troublant "L'Autre", mais "Du Silence et des Ombres", adaptation du livre culte de Harper Lee "To Kill A Mockingbird" est un petit bijou de cinéma classique, une des plus justes évocations de l'enfance au cinéma, pas si loin de "La Nuit du Chasseur". Autant plaidoyer antiraciste que film sur la perte de l'innocence, la ballade faussement douce de Scout et Jem, avec un Gregory Peck exemplaire, est devenue avec le temps un des films favoris de ma cinémathèque intime.

Les Choses de la Vie de Claude Sautet (France, 1970)

Claude Sautet, c'est toute mon enfance, ses films rediffusés à la télé, ses quarantenaires aux prises avec la vie, fumant comme des pompiers, doutant, aimant... "Les Choses de la vie" c'est le coeur de son cinéma à hauteur d'homme. J'en gardais des images de bonheur et pourtant c'est un film sur le désamour qui guette et la mort brutale qui surgit. L'accident au temps suspendu, une virée en mer, le sourire triste de Romy Schneider, la voix de Piccoli qui faiblit : "Les Choses de la Vie", c'est la fin des choses. Et la voix de Romy sur "La Chanson d'Hélène", absente du film mais présente sur la B.O. de Philippe Sarde, n'en finit pas de bouleverser.

Les Innocents de Jack Clayton (Grande-Bretagne, 1961)

Pas besoin d'effets spéciaux pour faire peur, l'anglais Jack Clayton l'a compris : c'est ce qu'on ne voit pas à l'écran qui terrifie. Un manoir isolé, une gouvernante aux prises avec deux enfants possédés (?) par des fantômes. Conte gothique cachant sous son académisme de façade une réflexion sur l'ineffable et la contagion du mal, "Les Innocents" est une adaptation parfaite par Truman Capote du "Tour d'Écrou" de Henry James. Mais surtout un modèle d'ambiguïté narrative et d'interprétation si l'on ne voit soudain pas le film par les yeux d'une Deborah Kerr effrayée (et effrayante) et qu'on se prend à douter de la réalité de ses "fantômes". Vénéneux, troublant et envoûtant : "Les Autres" d'Amenabar n'existerait pas sans ce film subtil.

Donnie Darko de Richard Kelly (États-Unis, 2001)

Qu'importe que les films suivants de Richard Kelly n'aient pas tenu les promesses de son premier opus, le vertige procuré par celui-ci suffit. Un des rares films cultes récents qui méritent son statut, "Donnie Darko" est trop singulier pour être bêtement "pitché". Petit film fantastique barré ou étrange thriller S.F. ? Son auteur brouille les pistes et signe le plus singulier des films, teen movie azimuté et émouvant traversé par l'influence onirique de David Lynch et d"Une brève histoire du temps" du physicien Stephen Hawking. Au-delà d'une intrigue folle qui scotche encore ses spectateurs, c'est pour sa métaphore pertinente de l'adolescence qu'on s'attache à ce film, sa perception élégiaque de cette période capitale de l'existence, irriguée par le souvenir des années 80, entre exaltation et tristesse, c'est pour son charme fou. Assez unique.

L’Incompris de Luigi Comencini (Italie, 1967)

On sous-estime trop les mélos au cinéma et "L'Incompris" est un mélo, un vrai, mais aussi l'un des plus grands films sur l'enfance jamais tournés. Encore un souvenir glané dans les années 70 mais ineffaçable : couleurs flamboyantes, limpidité d'une mise en scène classique, le cinéma populaire à son meilleur. Impossible de rester de marbre face à la douleur du jeune Andrea confronté au monde sans amour des adultes, tant le regard de Luigi Comencini reste d'une pudeur exempte de toute complaisance. La solitude et le malheur d'Andrea, c'est un peu l'enfant triste qui dort au fond de chacun d'entre nous.

Le Prestige de Christopher Nolan (États-Unis/Grande-Bretagne, 2006)

On peut oeuvrer à Hollywood et pourtant rester un auteur. Christopher Nolan, un des réalisateurs les plus brillants du moment a réussi cet exploit, en équilibre entre divertissement et obsessions personnelles. Fils rouges de sa filmographie, la perception de la réalité et la manipulation mentale irriguent aussi "Le Prestige", un des rares films réussis sur la prestidigitation et les magiciens. Entre ludisme, beauté formelle et cérébralité conceptuelle, un scénario ébouriffant de virtuosité où éclate son génie d'illusionniste servi par un casting prestigieux et enflammé (Christian Bale, Hugh Jackman, Scarlett Johansson) dont un certain ... David Bowie en second rôle remarqué ! Rien que du plaisir.

Le Tombeau des Lucioles de Isao Takahata (Japon, 1988)

Encore un film triste sur l'enfance. Juste, mais en plus d'être bouleversant d'émotion, le film d'Isao Takahata est surtout une merveille de film d'animation. Difficile d'imaginer cette terrible chronique sur l'enfance dévastée par la guerre joué par de "vrais" petits acteurs. Mélange de poésie et de dureté implacable, "Le Tombeau des Lucioles" fait pleurer comme rarement au cinéma : larmes d'émotion, mais aussi larmes de joie devant une telle maturité émotionnelle et artistique. Si vous préférez l'émerveillement, on peut choisir "Le Voyage de Chihiro" de son génial ami Hayao Miyazaki, mais on avait dit dix films, donc pouce !


































































Le cinéma n'a pas dit son dernier mot et nous donne également rendez-vous bientôt parmi les nouveautés de la rentrée. See you in september!

(et toujours merci à Benoît de Hop Blog auquel j'ai "emprunté" l'idée)

6 commentaires:

  1. Quelle est ton interprétation pour Les Innocents ? :)

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  2. Alors, interprétation établie définitivement je dirais pas ça, tellement le livre d'Henry James et le film ne livrent pas toutes les clés.
    Mais le personnage de Deborah Kerr semble tellement puritain, obsédé par la pureté et frustré qu'on peut aussi douter de sa santé mentale. Ne serait-elle pas la première "possédée" par les fantômes, plus que les enfants ? Le film laisse à mon avis la porte ouverte, art de la suggestion aidant...

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  3. Y'a plein de films que je n'ai pas vus dans cette liste :
    Le Prestige de Christopher Nolan
    L’Incompris de Luigi Comencini
    Du Silence et des Ombres de Robert Mulligan
    Diamants sur Canapé de Blake Edward

    une bonne raison de passer à la médiathèque prochainement tiens !

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  4. Parfait ! Si cette petite liste t'ouvre des horizons et l'appétit, rien de mieux ! Après on pourra en débattre : oui, non, pour, contre, t'as tort, t'as raison...

    Ça fait partie intégrante du plaisir de la cinéphilie :-)

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  5. Je n'en ai vu que 5 sur les 10 (2, 3, 4, 8, 9), mais je partage ton enthousiasme pour Elephant Man et Le prestige. En revanche, je voulais tellement voir L'incompris que le résultat m'avait vraiment déçue.
    Le cinéma ne m'intéresse plus autant qu'avant, mais je vais piquer ton idée.

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  6. "Elephant Man", vu à treize ans aussi. J'ai pleuré et j'ai adoré. Deux ans plus tard, l'assistante d'anglais nous apprend qu'elle avait vu la pièce de théâtre. David Bowie jouait John Merrick sans maquillage. J'aurais aimé voir ça.
    http://www.youtube.com/watch?v=gHSQpdC_Y6E

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