mardi 25 janvier 2011

CINÉMA. Rattrapage 2010. "Dans ses yeux" et "L'Illusionniste"

Si l'actualité cinéma ne m'inspire guère ces temps-ci, la semaine du mini-festival Télérama est du coup tombée à pic. Du 19 au 25 janvier on pouvait en effet (re)voir une sélection de films projetés dans les salles de ciné partenaires de l'hebdo culturel sur tout le territoire. De par chez moi, je suis donc allé découvrir deux films qui m'avaient échappé en 2010...


D'abord "Dans ses yeux", film-surprise de l'argentin Juan José Campanella qui fut l'un des mieux accueillis l'an dernier par le public et la critique - à part Les Cahiers du cinéma, mais qui se soucie de leur avis ? - également récompensé de l'Oscar 2010 du film étranger. À juste titre, car c'est un beau moment de cinéma que ce film constamment passionnant et chaleureux.

L'acteur Ricardo Darin (déjà apprécié dans Les Neuf Reines) y est Benjamin Esposito, un enquêteur judiciaire à la retraite qu'une ancienne affaire, le meurtre atroce d'une jeune femme, hante depuis 1974 et qui s'efforce d'exorciser le passé sous la forme d'un roman qu'il tente difficilement d'écrire.
Un peu comme le journaliste obsessionnel du "Zodiac" de David Fincher, Benjamin s'accroche à son enquête autant pour l'élucider que pour tenter de réécrire sa vie.

"Dans ses yeux"est un film à la construction sophistiquée, entre passé et présent, dans lequel pourtant jamais on ne se perd qui est autant un film dit "policier" qu'un mélo inspiré et une pertinente interrogation sur ce qu'on fait de sa vie...

La valse/hésitation de Ricardo/Benjamin et de sa supérieure Irene, jeune juge campée par la superbe Soledad Villamil forme un magnifique duo, couple balloté par l'Histoire et la justice, le temps et les regrets, coeur battant au frémissement touchant de ce film mêlant subtilement les genres.

Des dialogues vifs et un humour ironique régulier font de ce film caractérisé par une constante humanité une belle réussite peuplée de personnages attachants - savoureux Guillermo Francella en greffier ivrogne attachant - renforcé d'un arrière-plan politique éclairant sans équivoque sur la dictature argentine de l'époque.

En somme, un vrai morceau de cinéma de belle tenue qui confirme bien qu'Hollywood n'a plus depuis longtemps le monopole du grand cinéma romanesque de qualité.

Mon second film rattrapé est un film d'animation, français de surcroît, "L'illusionniste" que l'on doit à Sylvain Chomet déjà responsable des "Triplettes de Belleville" d'heureuse mémoire.
Avec ce nouveau long métrage, il rend hommage au grand Jacques (Tati) en adaptant un scénario inédit écrit à la fin des anées 50 mais jamais tourné par ce dernier.
Hommage affectueux qui prouve l'attachement profond que témoigne ce réalisateur à l'auteur de "Mon Oncle", "L'Illusionniste" est un film d'artisan ouvragé avec patience (sept ans de travail) et délicatesse.
Avec comme personnage principal Tatischeff, un artiste de musical-hall à la silhouette bien connue, qui ne remplit plus les salles avec ses lapins blancs et décide de tenter sa chance à Londres puis en Écosse, "L"Illusionniste" est certainement un des films d'animation les plus mélancoliques jamais réalisés.
Hommage aux artistes anonymes du music-hall auxquels le public moderne a tourné le dos, c'est une fable douce-amère, quasiment muette où l'enchantement du graphisme, des décors et des couleurs pastels atténue la profonde tristesse du propos.
Regard tendre de Chomet qui recrée avec amour une Écosse de lacs et de petites routes perdues dans les montagnes et une ville d'Edimburgh plus vraie que nature, biscornue, chatoyante, intemporelle. Un vrai travail d'orfèvre.
C'est dans ce cocon faussement douillet que vont se nicher notre artiste flanquée d'une naïve jeune fille qui s'est entichée de ce qu'elle prend pour un vrai magicien. Le retour sur terre sera rude et la fin du film assez émouvante.
Fable tendre plutôt contemplative, le film souffre peut-être d'un scénario assez minimal mais compense cet écueil avec l'extrême délicatesse de son atmosphère, son humour tendre souvent bouffon (un certain lapin!) sans omettre son hommage évident au "Feux de la Rampe" de Chaplin, tourné à la même période où Tati écrivit son histoire.
Les inconditionnels du grand Jacques y prendront un plaisir évident mais ce petit bijou subtil ravira ceux pour qui le cinéma d'animation peut aussi être du vrai cinéma et pas juste un divertissement pour les têtes blondes...


Merci au Festival Télérama pour ces séances de rattrapage ciné bien appréciables

2 commentaires:

  1. superbe dessin animé en effet, drôle, beau, rêveur, poétique
    l'arrivée dans l'ile sur la barque avec l'écossais en kilt m'a bcp fait penser à "L'île Noire" (cf photo au dessus)

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  2. Exact ! "L"Ile Noîre" : je vois là un tintinologue émerite :-) Je l'ai revu tout récemment lors de sa rediffusion sur canal et c'est encore tout aussi charmant. Un très joli film, Mr Chomet...

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