dimanche 24 avril 2011

MUSIQUE. Le cas Connan Mockasin

Voilà un disque et un personnage autour desquels j'ai longtemps tournés sans savoir si j'allais jamais l'évoquer ici. Découvert avec surprise, écouté plusieurs fois, apprécié, rejeté ensuite, puis récupéré, remis de côté, etc... La complexité de son cas mérite finalement que je lui accorde un petit billet.

En bref, l'énergumène Connan Mockasin a-t-il pondu un grand disque malade avec son "Forever Dolphin Love" ou un phénomène de buzz momentané ?
Ou les deux, allez savoir. En tout cas, difficile de nier la singularité de ce disque semblant venir d'ailleurs, en fait de Nouvelle-Zélande dont le dit Connan, autrefois Connan & The Mockasins, est un fier représentant :
 


Et un bizarre représentant parce que son album, sorti l'année dernière sous le nom de "Please Turn Me Me Into The Snat" et ressorti de nos jours (augmenté de versions lives) n'est vraiment pas un recueil pop ordinaire. Plutôt le journal de bord d'une étrange créature d'une autre dimension, entre lutin, enfant et poupée à la voix détraquée.

C'est d'ailleurs sous forme de pantin que se présente l'énergumène qui signe aussi la pochette, à la voix suraigüe asexuée, première particularité de cet album improbable.
Un LP à l'atmosphère flottante, entre surréalisme sub-aquatique, jazz-pop expérimental et néo-psychédelisme barré
. Du nanan pour qui veut entendre des sons et un climat sortant de l'ordinaire, la musique de ce blondinet tricotant une indie pop déviante devrait pas mal les satisfaire :
 


Cependant, cependant, loin de moi l'idée de rafraîchir les ardeurs, mais passée la découverte et les évidentes références brassées par le garçon, on oscille entre une fascination pour l'originalité de la démarche (avec d'indéniables perles pop : It's Choade My Dear, Faking Jazz Together, Megumi The Mikyway Above) et un certain détachement de défense, surtout avec cette voix glaçante, plus naturelle en live.
La faute au côté appliqué de l'étrangeté, l'atmosphère générale brumeuse l'emportant souvent sur la réelle force de compositions un peu noyées, comme le morceau-titre, long de plus de 10 minutes !
 

Oui, Connan Mockasin nous emporte ailleurs, mais de façon volontaire, sans réelle innocence, voire une volonté maligne de sonner bizarre à tout prix.
Et puis, après de nouvelles écoutes, malgré tout, on y revient encore. Est-ce parce que ce disque obscur et lumineux à la fois, pop zarbie volontiers inquiétante mais accueillante, cultive en nous une fleur maladive et cette "envie d'ailleurs" dont parle l'ami Charlu, un ailleurs qui serait aussi notre moi intime ?

Ou parce que les fantômes rock convoqués dans cet étrange carnaval sont parmi les plus estimés de mon panthéon perso : "Forever Dolphin Love", c'est un peu "Syd Barrett meets Xavier Cugat meets Robert Wyatt meets Cocteau Twins" : les arrangements barrés du Floyd sous LSD, la mambo-pop désuète années 50 de Cugat, l'évanescence évaporée d'un Wyatt angélique, les nappes de guitare planantes de nos Twins new wave préférés. Une vraie rencontre indie pop au sommet.
 










Et cette marionnette qui semble être le double de Mockasin avec cette voix menaçante de pantin renvoient à la fois au clown blanc inquiétant incarné par Bowie-le-magnifique de "Ashes To Ashes", à la voix de Johnny Rotten des Sex Pistols et aux poupées de ventriloques des films fantastiques .... surtout l'effrayante poupée Chucky, la voix déréglée du néo-zélandais ressemblant parfois à celle de la sanglante poupée meurtrière. Brrr, malsain !












Sans doute vais-je trop au cinéma, me direz-vous, mais l'imaginaire déployé est frappant, renvoyant aux démons et merveilles du monde de l'enfance. Sans doute la raison de la fascination exercée par cet album et artiste dont je n'arrive toujours pas à décider si son disque est un indispensable du moment ou non*. Et vous ?

* Perso, j'ai toujours un faible pour le "Summer Echoes" de l'islandais Sin Fang, mais ça n'engage que moi.

Forever Dolphin Love : excellente version électro par Erol Alkan (Remix Radio Edit)
 


BONUS : La voix de Mockasin plus tordue que jamais avec les rappeurs de BPA :



Tracklist :
1. Megumi The Milkyway Above
2. It's Choade My Dear
3. Faking Jazz Together
4. Quadropuss Island
5. Forever Dolphin Love
6. Muss
7. Egon Hosford
8. Unicorn In Uniform
9. Grampa Moff
10. Please Turn Me Into The Snat
+ 7 titres live

Connan Mockasin. "Forever Dolphin Love" (Phantasy/Because Music)
♥♥♥ sorti le 23 mars 2011
en écoute sur deezer et spotify
interview chez magic et 3 titres sur la Playlist Pop


Connan Mockasin affole un peu la blogosphère : Hop Blog, Le Noise, SWOMMB, Little Reviews, Les Chroniques de Charlu, Nuage Noir

Le débat Mockasin est ouvert : et votre avis à vous ?

myspace Connan Mockasin

6 commentaires:

  1. Je n'ai fait qu'une écoute de ce disque pour le moment mais il en ressort pour ma part une richesse musicale avec une grosse technique instrumentale mais j'ai trouvé qu'il se dispersait un peu trop. Mais c'est tellement farfelu que cela évoque forcément la curiosité ! Ton billet me donne envie de réécouter.

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  2. Assez d'accord avec toi, Blake: il y a chez Connan une volonté de sonner coute que coute bizarre, et du coup j'ai eu du mal à entrer dans cet album.
    Pas très emballé pour le moment, mais je me réserve encore quelques écoutes pour en faire le tour :)

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  3. Blake mon ami, tes clins d'oeil me vont droit au coeur..d'autant plus que ta chronique coïncide tout en restant la tienne, ta touche pertinente et complète.
    Figure-toi que j'ai réécouté ce disque à une heure où j'aurai pas dû. Mais mieux qq heures après (avec moins de lumière). Mon billet fut écrit dans un moment d'écoute propice.
    C'est donc exactement un album à prendre à ses heures, et surtout à ses humeurs. C'est bon signe. Génie ?? ou coup de génie ?? on verra avec le recul, plus tard, en attendant c'est assez excitant.
    Dis donc, c'est quand même bath de retrouver tes pages.
    A++++

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  4. @ muffin man et Le Yéti : tout à fait raison, il faut persévérer, l'ami Mockasin rentre dans un coin du cerveau et y fait son trou, si, si :-)

    @ charlu : un disque d'humeurs, c'est un peu ça, très bien vu... En tout cas, content que tu le sois (content), toujours si enthousiaste, merci.
    See you (very) soon ;-)

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  5. Je l'ai vu en live à Nantes tandis que je passais à la soirée d'inauguration du festival Scopitone. J'ai été complètement scotché. Ne sachant quoi en penser, je suis resté sur ma fin. Hier en repassant dans la salle, j'ai retrouvé le titre du groupe... Et me voilà.
    Je vais écouter tout cela dans mon salon mais je voulais surtout évoquer l'aspect fascinant de sa prestation sur scène : Je ne pense pas que le Monsieur surf sur une image ou autre truc pour le buzz... Il a clairement l'air perché pour mon plus grand plaisir.. De là à ce que l'album soit bon... Je pense que ce genre de "personnage" n'a pas lieu d'être écouté indépendamment d'être vu... Mais peut-être que mon écoute saura me contredire.

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  6. @Rico : en effet, pour avoir vu des extraits de Mockasin en scène et avoir écouté les titres live de l'album, l'animal est plutôt convaincant, un électron libre étonnant.
    Mon billet datant de plus de 6 mois, si je devais aborder le bonhomme, nul doute que mes réserves soient moins prononcées, d'autant que l'album s'apprivoise bien avec le temps. À vérifier à l'heure des bilans...

    Bienvenue ici en tout cas :)

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