mercredi 29 juin 2011

Memory Of The 80's (18). COCTEAU TWINS, la musique des anges

Retour surprise d'une disparue, la rubrique "Memory Of The 80's" qui, à la faveur des grandes vacances qui s'avancent, refait surface (merci à Charlu en passant).
Manière de saluer enfin la figure d'un groupe unique alors que l'ami Bernard Lenoir rediffusait lundi 27 juin dernier une ancienne de ses Black Sessions avec eux, la dernière du genre annonce-t-il. Fin d'une aventure - les concerts de rock indépendant en direct à Radio France - mais pas de la carrière de notre John Peel français, on le souhaite en tout cas.

Lenoir, le rock indépendant et la musique d'un groupe fondamental dans mon parcours personnel, cet insaisissable trio venu de Glasgow : une sainte trinité qui a bercé ma post-adolescence, forgé mon apprentissage musical et dont je ne peux décidément pas me défaire.

Vraie bulle de mystère et d'évidence mêlées, la chanson-titre de cet album, aux contours bleus et froids et aux guitares supersoniques, distille tout l'art de ces faux jumeaux, fer de lance new wave au son unique détenant en leur sein le trésor de la voix magique comme tombée du ciel de la divine Liz Fraser.

Aujourd'hui comme hier (1988), comment résister à la beauté de "Blue Bell Knoll" des Cocteau Twins ?
 


Même si déjà entraperçus à l'époque de "Treasure", "Blue Bell Knoll", leur opus publié en 1988 fut pour moi, à une époque encore très indécise, la porte d'entrée véritable du monde envoûtant et fraternel des irremplaçables Cocteau Twins. Dix titres d'un onirisme évanescent, au son aquatique traversé par des guitares d'anthologie en lévitation emblématique d'une new wave en apesanteur.
 

Un des plus beaux albums de l'histoire de la pop : un vrai univers, une galaxie aux contours flous et mouvants, mais dispensant une puissante lumière depuis la décennie 80 qu'ils marquèrent de leur discrète mais tenace empreinte.

Tout adorateur de musique ayant grandi (ou pas) dans cette décennie sait ce qu'il doit aux Cocteau qui furent la plus belle figure de proue du label 4AD, LE label new wave le plus influent des années 80 fondé par le providentiel Ivo Watts-Russell (This Mortal Coil, Dead Can Dance, Modern English, Pixies, Throwing Muses) en lire plus ici et n'apprendra sans doute rien de plus ici à leur sujet.

Mais, avoir été touché par la flèche des Cocteau Twins et du couple Liz Fraser-Robin Guthrie, c'est reconnaître une dette éternelle envers cet authentique groupe culte démarré comme un obscur combo cold wave en 1981 et ayant bâti ses propres règles, entre new wave ésotérique, expérimentations soniques et méditations ambient planantes.

C'est reconnaître les forces de l'instinct et de la sensibilité sur le carriérisme forcené et les froids calculs qui président trop souvent au destin des groupes rock.

C'est préférer le mystère de paroles en langue inventée par la secrète Elizabeth Fraser, du son tissé par les arpèges de guitares hypnotiques de Robin Guthrie et de la basse d'une infinie rondeur de Simon Raymonde, propices au rêve et à la fascination face aux rengaines pré-mâchées des FM d'époque.

C'est rester étonné de la fausse simplicité de ces chansons aux faux airs de comptines ou de berceuses et demeurer transpercé, près de vingt-cinq ans après, par les accents incroyables des vocalises insensées de Liz, soprano jonglant entre les graves et les aigus avec l'aisance insolente d'un rossignol new wave :



C'est se replonger avec un bonheur inchangé dans la grâce souveraine de ces classiques fondateurs d'une indie pop musardant entre joie profonde et spleen abyssal avec l'évidence d'artistes pratiquant leur art comme des enfants insouciants créent des merveilles avec trois fois rien.

Car derrière les titres de chansons les plus étranges et hermétiques de toute la musique pop, la singularité d'un groupe sculptant son image mystérieuse par son silence et l'imagerie onirique du label 4AD - due au génial designer Vaughan Oliver - disséminée sur 10 albums et d'innombrables maxi 45 tours et EP, se cache la pureté d'un ange, diaphane et fragile : Elizabeth Fraser et sa voix inouïe qui donne le frisson. LA plus belle voix du monde ?

"Voice of God" (voix de Dieu) ou pas, entre Kate Bush jouant avec The Cure ou un ensemble de geishas improvisant avec Joy Division, le fascinant mystère spirituel de la voix dédoublée de Liz Fraser.
Le groupe new wave le plus typique de son époque, boîte à rythmes, claviers et guitares en avant, semblait ainsi renouer avec la vocation presque mystique de la musique.

Chanter de manière pop mais quasi sacrée les états d'âmes, joies et espérances de l'être humain comme en prise directe sur nos émotions premières.
Innocence et génie des origines où les plaintes et trilles éthérées de Liz semblent comme les voix qui peuplent nos rêves et notre conscience.
Grande pureté d'une musique
qui semble rentrer en écho avec nos émotions les plus indicibles :



Groupe au parcours lumineux, le pilier fondateur de la dream pop et du rock shoegaze est bien l'un des "trésors" - comme le titre de leur classique de 1984 - de la musique et une influence chaque jour grandissante pour ses cadets actuels (demandez donc aux Beach House, School Of Seven Bells ou Warpaint). Une aventure poursuivie en 1990 avec le lumineux "Heaven Or Las Vegas", leur dernière livraison pour 4AD et refermée en 1997 après deux albums chez le label grand public Mercury.

























Deux disques mésestimés par les fans car plus accessibles, mais où la maîtrise musicale du trio est à son apogée : "Four-Calendar Café" en 1993 et, en particulier, le somptueux "Milk & Kisses" de 1996, dont le "Seekers Who Are Lovers" final est sans nul doute, avec "Song To The Siren" pour This Mortal Coil, un des titres les plus émouvants chantés par Liz :



Preuve que leur trace est plus vivace que jamais : si Liz Fraser semble retombée dans le silence après avoir collaboré avec Massive Attack sur "Mezzanine" ou aux projets de Peter Gabriel et Yann Tiersen, si Robin Guthrie publie discrètement ses albums instrumentaux (le dernier s'appelle Emeralds, ici), l'ami Simon Raymonde perpétue l'inaltérable esprit chercheur des Cocteau à la tête de l'indispensable label pop indépendant Bella Union qui fait notre bonheur toute l'année.

De quoi tempérer notre inévitable déception devant l'impossible reformation d'un groupe dont on est sûr que le couple central séparé ne se réunira... jamais.

Mais, qu'importe, quand on sait que le bonheur est à portée de main, dans chaque sillon de chaque album des ces éternels enfants touchés par les ailes de la grâce et qui figurent en bonne place au panthéon personnel de mes groupes préférés de tous les temps. La place d'honneur : celle du coeur.


Cocteau Twins. "Blue Bell Knoll", 1988 (4AD/Virgin)
♥♥♥♥♥
sur spotify et deezer 

découvrir les Cocteau Twins sur spotify et deezer ♥♥♥♥♥
lire l'analyse de l'album sur XSilence.net
écouter les Cocteau Twins sur la Mini Playlist 80's

(pochette alternative de "Blue Bell Knoll")

Tracklist :

1. Blue Bell Knoll
2. Athol-Brose
3. Carolyn's Fingers
4. For Phoebe Still A Baby
5. The Itchy Glowbo Blow
6. Cico Buff
7. Suckling The Mender
8. Spooning Good Singum Gum
9. A Kissed Out Red Floatboat
10. Ella Megalast Burls Forever

Discographie :

Garlands (1982)
Head Over Heels (1983)
Treasure (1984)
Pink Opaque compilation singles et EP (1985)
Victorialand (1986)
The Moon And The Melodies en collaboration avec Harold Budd (1986)
Blue Bell Knoll (1988)
Heaven Or Las Vegas (1990)
Four Calendar-Café (1993)
Milk & Kisses (1996)
Stars And Topsoil compilation (2000)
Lullabies To Violaine intégrale des singles & b-sides, coffret 4 volumes (2005)

cocteau Twins
4AD 
Bella UnionLien
elizabeth Fraser
robin Guthrie

6 commentaires:

  1. Pour te dire mon côté buse en 80's, j'apprends ici que Frazer et Guthrie que je connais étaient Cocteau Twins... l'envergure de tes billets est une petite bible du routard pour que je puisse me frayer un chemin là où ça cloche chez moi.
    Perso je pense qu'ils font partis de ton paysage sonore. Tellement cohérent avec tes nouveautés présentées. Un must, une signature....comme Francky et ses pochettes.
    Je m'emballe, aussi, je t'attendais Blake, je vais imrpimer ces qq phrases très complètes et aller à la pèche au cocteau. En plus s'il s'agit decontours flous, d'expérimentation soniques !!!!

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  2. @charlu : soniques ou alors sonores, à voir... À relire vite fait mon post, c'est plus une déclaration d'amour qu'un hommage objectif.
    Peut-être tout le monde ne partage pas ce lien indéfectible avec la musique maintenant classique des Cocteau, mais comme tu dis, il font partie intégrante de mon paysage sonore et carrément de mon ADN musical.
    Merci de tes bons mots :-)

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  3. Ah, les Cocteau Twins, merci Blake de les rappeler à notre mémoire. Un grand groupe de dream pop gothique.
    C'est marrant mais pendant longtemps, le seul album que j'avais d'eux était........."Blue Bell Knoll" !! Très bon d'ailleurs. J'aime bien aussi "Treasure". Et avec ce groupe, c'est aussi l'excellentissime label 4AD que tu mets en lumière, superbement bien écris de plus !!!

    A + justement....

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  4. Merci beaucoup Francky de tes toujours bons mots, et c'est marrant cette coïncidence de la connaissance mutuelle du Blue Bell Knoll des Cocteau, joli point commun. Un de plus, je dirais...
    À bientôt ;-)

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  5. cher blake,

    comme tu sais je suis fan des Cocteau Twins, , Liz, Simon... je ne dirais qu'une chose très belle chronique qui donne envie de replonger dans le tout sans modération... bravo et merci l'ami

    amitiés

    christo

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  6. @christo : que te dire, à part que vous êtes tous trop bons avec moi :-)
    Merci, les Cocteau et moi c'est une longue histoire, je me devais de les saluer. Si l'affection que je leur porte passe dans la chronique, je suis le premier content.

    À bientôt, l'ami christo ;-)

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