samedi 24 juillet 2010

CINÉMA. Inception, la machine à rêver de Christopher Nolan

À cette période de l'année où les sorties cinéma se réduisent comme peau de chagrin, pensez si la nouvelle de la sortie d"Inception," le nouveau Christopher Nolan (Memento, The Dark Knight) - un des plus brillants metteurs en scène hollywoodiens et un de mes réalisateurs actuels préférés, au passage - était TRÈS attendu par tous les cinéphiles.
Et accessoirement aussi LE blockbuster de l'été, avec Leonardo DiCaprio et Marion Cotillard au casting et un budget faramineux de 200 M de $.

Film d'action à grand spectacle, quel est est le point de départ d"Inception"
DiCaprio est un "extracteur," qui entre dans les rêves des autres à des fins d'espionnage industriel afin de leur soutirer des informations autrement hors d'atteinte. Ce statut lui a coûté sa famille et sa nationalité, mais une chance de retour lui est offerte s'il parvient avec son équipe d'experts à pratiquer une "inception" : autrement dit, implanter une idée dans le subconscient d'un sujet. Mais il y a l'éternel facteur humain...

Le subconscient de l'individu : sujet constant du cinéma cérébral et ludique de Christopher Nolan, qui va pendant plus de deux heures nous embarquer dans le plus spectaculaire des thrillers d'action et jouer de manière échevelée avec le spectateur.

Amateur de son cinéma qui concilie concept pur et divertissement hollywoodien, j'ai vu le film dès le jour de sa sortie et eu besoin de le "digérer" pendant quelque temps pour avoir un avis à froid.

Alors, verdict ?
Ambitieux, labyrinthique et "bigger than life", "Inception" est surtout un film qui démontre la croyance communicative qu'éprouve Nolan envers le pouvoir du cinéma.

Avec son scénario complexe raconté avec une maestria narrative complète, il semble vouloir tout embrasser quitte à rappeler au spectateur quelques références (fable à la Matrix, film de casse ou d'espionnage (l'équipe de DiCaprio effectue un "vol mental" et fonctionne comme dans Mission Impossible), thriller d'action à la Michael Mann et film de science-fiction (on songe à Existenz ou au trop méconnu Dark City).

Sans oublier une constante beauté plastique, des images de visionnaire, un constant souci des espaces - comme un architecte, la plus belle idée du film : celle de bâtir ses rêves comme on bâtit une cité - une mécanique diabolique et un goût très poussé de l'élaboration conceptuelle sublimée par une manipulation de prestidigitateur.

Et quelle grande trouvaille que cet emboîtement de rêves les uns dans les autres - des rêves gigognes - sans égarer pour autant le spectateur.

Une sorte d'apothéose de ses thèmes, aboutissement de ses préoccupations sur la perception de la réalité (Insomnia), la déconstruction de la mémoire (Memento), la manipulation du mental (Le Prestige, son chef-d'oeuvre méconnu).
Avouons tout de même que tenir le pari du grand écart entre blockbuster commercial et film d’auteur est difficile, car s'il est passionnant sur le thème et bluffant par sa mise en images, Nolan l'est un peu moins sur son déroulement. L'aspect jeu vidéo en est sa principale limite, cantonnant le récit à une série de paliers d'action remplis de courses-poursuite répétitives et de fusillades un peu lassantes à la longue.

Le dernier tiers du film piétine un peu et sa durée se fait alors sentir, menaçant parfois de le faire passer pour un illusionniste à la limite de l'esbroufe, sans oublier la lourde musique de Hans Zimmer.

Mais le sérieux imperturbable dont il fait preuve, la richesse de son concept et la jubilation de son film conçu comme une gigantesque pièce montée, effacent ces réserves et emportent in fine mon adhésion.
Peut-on ajouter que Leo DiCaprio y est en super-forme, dans un rôle jumeau de celui de "Shutter Island", mais plus sobre et dynamique à mon goût ?
La petite Ellen Page vue dans "Juno," et Marion Cotillard, figure féminine obsessionnelle, sorte de fantôme hitchcockien sorti de Vertigo, se partagent les deux rôles féminins principaux.














Nolan étant un réalisateur qui aime beaucoup les acteurs - même s'il n'est pas aisé d'exister pour des comédiens dans ce type de machine cinématographique - on n'oubliera pas le reste d'un solide casting, dont on citera le prometteur Joseph Gordon-Levitt en fidèle associé ou Cillian Murphy, celui qui doit être "incepté."

Plus une exploration du mental humain qu'un film onirique - ce qui semble décevoir une partie des critiques, les benêts - "Inception" est un super-film d'auteur conceptuel déguisé en film d'action grand public.

Une sorte de grande roue (ou une ...toupie) dans laquelle il faut accepter de monter pour mieux s'y laisser griser, malgré quelques concessions au box-office.
C'est surtout un film réglé comme une super-partie d'échecs ou de poker, concu dans l'euphorie par un réalisateur tout-puissant, dont le tour de force principal est de démontrer la toute-puissance d'une idée une fois ancrée dans un cerveau humain.

Mais qu'a-t-il fait d'autre, à son tour, le roublard, pendant deux heures trente, que de nous "incepter" nous-même ? Un réalisateur décidément fascinant...

Allez donc voir "Inception", j'attends vos avis pour ouvrir le débat.


La bande-annonce :



Inception (U.S.A., 2010).
♥♥♥♥
Réalisation et scénario
: Christopher Nolan. Chef-Opérateur : Wally Pfister. Musique : Hans Zimmer. Production : Warner Bros. Durée : 145 mn.
Avec : Leonardo DiCaprio (Dom Cobb), Marion Cotillard (Mall), Ellen Page (Ariane), Joseph Gordon-Levitt (Arthur), Ken Watanabe (Saito), Cillian Murphy (Fischer), Michael Caine (Miles), Tom Hardy (Eames), Tom Berenger (Browning).
sortie française le 21 juillet 2010.



critiques emballées sur chronic'Art, les inrocks et négative (m'aurait étonné !) sur télérama

4 commentaires:

  1. Hello.
    Je viens de voir le film hier soir et ouah ! Le pur shoot ciné !!
    Je reviendrais t'en parler, entretenir le débat quand je l'aurais digérer (et compte bien, comme "The dark night", en écrire la critique), et quand surtout, je ne serais plus..................."INCEPTER" !!!!

    "The Dark Night" : http://muziksetcultures.over-blog.fr/article-52495082.html
    A + +

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  2. salut Blake merci pour ton post sur mon blog. Oui je suis d'accord avec toi, le mélange des genres de films la parabole autour du pouvoir de l'illusion du cinéma. J'ai lu une interview de Nolan dans les inrocks, il parle beaucoup de Kubrick...peut être rêve t'il d'accéder à ce qu'a réussi le grand Stanley, un mixte d'équilibriste entre film d'auteur et spectacle grand public. Mais je te rejoins, l'aspect jeu vidéo de la seconde partie, le trop plein d'action fait perdre du fond qu'il y avait dans d'autres de ses films. Mais moi ça ne m'a pas gêné, il assume assez bien l'aspect blockbuster du tout. Et je préfère ceci à des théories fumeuses à la matrix 2 et 3... La concession de Nolan à l'action passe grâce à son idée géniale de poupées gigognes et à la beauté de l'écrin. Je m'étonne qu'on ne cite nul part Philipp K Dick car dans le twist final, ça peut y faire penser aussi. Mais tu as mis le doigt sur ce qui fera certainement que le film ne sera pas un chef d'œuvre, un peu moins de frénésie et un peu plus de réflexion aurait eu du sens. Nous sommes vraiment des chieurs ! J'aime bien ta définition du style Nolan, de la "prestidigitation" ! Oui, c'est juste. Le Prestige est aussi mon chouchou dans sa filmo.
    A+ de l'autre côté ou ici...

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  3. j'avais prévu d'y aller cet après-midi, mais la foule devant le ciné m'a fait reculer.

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  4. @dante7 : Merci pour ce commentaire généreux... Chieurs, nous sommes, vraiment ? Un peu, quand on aime vraiment le cinéma.
    Sur l'aspect Philip K.Dick, si si, c'est mentionné dans la critique de ... Télérama, mais qui n'a pas aimé du tout (laissons-donc là ces tristes sires).
    Nolan est définitivement un cinéaste emballant. La seule question : de quel budget aura-t-il besoin la prochaine fois (Batman 3) pour assouvir ces visions de cinéaste en expansion permanente? À + !

    @benoît : ça ne m’étonne pas : le jour de sa sortie, c’était bondé aussi, d’autant que le ciné s’était planté dans les horaires à cause de la longueur : + d'1 h de retard !
    Mais de toute façon, ça devrait tenir l’affiche longtemps, vu le manque de concurrence …

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