jeudi 27 mai 2010

MUSIQUE. Broken hearts. Tracey Thorn, John Grant, Villagers

Aujourd'hui, encore un billet musique mais d'humeur moins festive que le précédent.

En 1984, rappelez-vous, sur son premier album désormais classique, Lloyd Cole chantait "Are you ready to be heartbroken ?" en VF : "Êtes-vous prêt à avoir le coeur brisé ?"
Le coeur brisé, manifestement, les trois artistes qui nous occupent, l'ont eu depuis longtemps jusqu'à devenir de vrais experts en matière de spleen musical.

On commence avec "Love and its opposite", paru le 17 mai, deuxième album solo d'une des plus belles voix de la pop britannique, Tracey Thorn, qui officia plus de vingt ans avec son complice Ben Watt au sein du légendaire Everything But The Girl.
Des retrouvailles qui font plaisir avec cette voix reconnaissable entre toutes, langoureuse et intimiste, au timbre chaud et aux inflexions jazz.

Un rappel avec leur standard électro-mélancolique inoxydable, "Missing" :


Depuis la séparation du duo il y a 10 ans, elle a publié en 2007 un décevant premier album solo "Out of the Woods", qui peinait à retrouver la formule inspirée de EBTG, folk, pop, influences bossa et arrangements électro.

La revoilà donc trois ans après sur Strange Feeling, le label de son compagnon Ben Watt, et si aucune révolution musicale n'est de mise, l'inspiration y est en bien meilleur forme.
Une sorte de retour aux sources, où Tracey distille son spleen sentimental - on ne se refait pas - au long de ballades disséquant les affres du divorce (la valse triste de Oh ! The Divorces et son piano-voix-cordes classiques) et les éternels tourments amoureux (You Are A Lover, Late In The Afternoon).

La dame et son arrangeur Ewan Pearson ont aussi l'intelligence de varier les ambiances, en conviant quelques jeunes invités, tels Léo Taylor de The Invisibles ou Al Doyle de Hot Chip sur quelques pop-songs limite sautillantes dispersées sur le disque (Hormones, Why Does The Wind ? et la perle ambient Swimming).
On y trouve même une reprise de Lee Hazlewood au climat planant inhabituel pour la maison (Come On Home To Me).

Un retour en grâce donc, pour un opus sans réelle surprise pour les habitués, mais réservant de jolis moments, et qui devrait bien vieillir avec le temps. Et puis, quelle voix, quand même.

Tracey Thorn. "Love And Its Opposite" (Strange Feeling Records) ♥♥♥ en écoute sur Deezer

Tracey interprétant "Oh ! The Divorces" en live à la BBC :


Le deuxième abonné à l'exploration de nos misères sentimentales m'est, lui, moins familier.

Signé par John Grant, "Queen of Denmark", paru le 26 avril dernier, semble sortir de nulle part, un objet non identifié et décalé.Leader de l'obscur groupe underground Czars qu'il a quittés pour incompatibilité de tempérament, le John Grant en question originaire de Denver, Colorado, est passé par beaucoup d'épreuves - sentimentales et personnelles - avant de trouver enfin un havre de paix dans les studios texans du groupe Midlake.

Manifestement vécu comme l'exorcisme de ses nombreux tourments existentiels, cet album est d'autant plus clair, simple et lumineux que son propos est auto-sarcastique et amer.
Alors qu'il s'y dépeint en inadapté amoureux et social, aux multiples dépendances, tourmenté par son homosexualité, les chansons de ce disque sont d'une clarté mélodique et instrumentale qui renvoie au meilleur du soft-rock californien des années 70.

Une musique puisée à la source de groupes comme America, The Carpenters et le très oublié, en tout cas par moi, groupe Bread, reconnu par Grant comme source d'inspiration.
Arrangements radieux (flûtes vespérales et cordes sur I Wanna Go To Marz, choeurs féminins sur TC and Honeybear, pianos glissants et synthés vintage sur Outer Space) et évocateurs d'échappées quasi intersidérales composent un disque attachant qui pourrait flirter par instants avec une variété-rock datée, mais la grâce de l'ensemble et l'évidence mélodique des compositions emportent la conviction.
Ce n’est pas si courant, de bonnes chansons bien chantées. D’autant que si des titres comme Where Dreams Go To Die, Caramel et le morceau-titre, Queen of Denmark s’avèrent émouvants, c'est que la voix de Grant y fait des merveilles.

L'album-surprise du moment et déjà un des plus beaux de l'année.
Le risque, après, c’est de ressortir vos vieux disques de Fletwood Mac ou de Supertramp...
John Grant. "Queen of Denmark" (Bella Union/Cooperative Music) Coup de coeur ♥♥♥♥
en écoute sur Spotify car indisponible chez Deezer
La vidéo zarbie de "I Wanna Go To Marz" :


On termine vite fait avec des petits nouveaux, Villagers, dont l'album "Becoming A Jackal" vient de paraître le 21 mai dernier.

Enfin, je devrais plutôt dire UN nouveau, car Villagers est un faux groupe derrière lequel se cache un seul homme, l'Irlandais Conor O’Brien, jeune troubadour folk-pop qui nous livre ici son premier album.
La seule écoute de l'excellent single qui porte le titre de l’album m’a de suite attiré l’oreille, tant on croirait revivre l'époque des pointures pop indépendantes des années 80 telles que Aztec Camera, The Pale Fountains ou surtout Prefab Sprout. D'autant que la similitude avec la voix de Paddy McAloon, le brillant orfèvre de cette formation pop autrefois tant aimée, est assez troublante.

Ce jeune compositeur ne manque d'ailleurs pas de talent dans le genre pop littéraire, avec ses étranges contes amoureux portées par des mélodies complexes et ouvragées comme sur les délicates complaintes que sont "Home", "Set The Tigers Free" ou "The Meaning of The Ritual".

Et en premier lieu, la chanson-titre "Becoming A Jackal" qui s'avère être une perle pop très addictive. Tout au plus pourra-t-on trouver l'album à la fois brillant et inégal, car manquant peut-être de diversité et de cohérence, surtout vers la fin qui retient un peu moins l'attention.

Mais, comme magnétisé, on y revient cependant sans coup férir. Et ce jeunôt hyper-doué et excellent chanteur à la voix si expressive est vraiment à surveiller de très près. Après, qu'il devienne vraiment un chacal ou pas, ça le regarde...

Villlagers. "Becoming A Jackal" (Domino/Pias) ♥♥♥
en écoute sur Deezer

La vidéo zarbie de "Becoming A Jackal" :



Bon, avec tout ça, n'allez pas me devenir trop morose quand même, ça serait dommage.

4 commentaires:

  1. Tiens, je connais pas The Villagers je vais aller écouter ça sur Deezer !

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  2. Ah, tiens, j'ai au moins trouvé UNE chose que tu ne connais pas ! :-) Blague à part, ça démarre bien son histoire à machin O'Brien, puis ça retombe pas mal. Très inégal, mais il y a un p'tit quelque chose qui m'accroche (la nostalgie pop indé années 80, peut-être)

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  3. cher Blake

    merci de ta venue sur mon blog, je découvre ainsi le tiens, et j'aime bien son univers... belle découverte ce Villager... j'adore tant The Prefab Sprout que cette voix familière en un régal

    merci pour la découverte
    amitiés
    christo

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  4. ... Merci à ton tour Christo pour ta venue ici et surtout pour ton appréciation positive ; mon blog ne comptant que 2 mois et des poussières d'existence, les encouragements c'est toujours remotivant,surtout venant d'un blogueur bien expérimenté... À bientôt !
    Blake

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