mercredi 2 juin 2010

CINÉMA. La double peine de Copie conforme

Bon, ces temps-ci, est-ce moi qui choisit mal mes films ou bien l'actualité ciné ne nous gâte pas vraiment ?

En allant voir "Copie Conforme", premier film réalisé à l'étranger de l'Iranien Abbas Kiarostami (Au travers des Oliviers, Ten, Le Goût de la cerise), je savais aller voir un film d'auteur-réalisateur-artiste, chouchou des festivals internationaux, mais à l'humeur baladeuse, tourné en Toscane avec une star française (Juliette Binoche) et un inconnu anglais, (le chanteur lyrique anglais William Shimmel).

D'autant qu'une courte bande-annonce - Binoche se remaquillant fébrilement - attisait plutôt l'intérêt...
Mais autant l'avouer tout de suite, ce film ne m'a pas convaincu du tout.

Construit autour d'une réflexion sur la copie et l'original, il vous faudra d'abord avaler une première partie genre alibi culturel étouffe-chrétien sur l'Art, la copie et l'original, et l'Art qui imite la vie, et la vie plus forte que l'Art... Même pas allégés par de maladroits traits d'humour. Bavard et faussement intellectuel, tout ça.
Et qui contraste avec la situation très chabadabada sentimental d'une Binoche en galeriste mi séduite, mi-irritée après la rencontre d'un essayiste anglais en dédidace, embarquant l'auteur pour la visite d'un village proche, tout en voulant débattre de ses idées avec lui.

... Ah ! ces dialogues, et ces lieux communs existentiels se voulant profonds et sonnant surtout très faux, révélateurs d'un dispositif par trop théorique...

Même dans sa seconde partie, où Kiarostami redistribue les cartes en reconsidérant la situation : et si ces deux-là étaient mariés depuis quinze ans ? Si c'était, non pas un couple débutant, mais un mariage usé, au bord de la désunion ? La femme, en quête d'attention et de tendresse, veut y croire encore, lui semble avoir abandonné. Le doute ne sera pas levé, mais pour intrigant que soit le propos, ce "bug scénaristique" ne rattrape pas un film trop artificiel.

Desservi de plus par sa direction d'acteurs déséquilibrée : l'acteur débutant en retrait, trop absent, et surtout Juliette Binoche en sur-régime, semblant laissée livrée à elle-même, sur le registre de l'émotion souvent surjouée, et ce, de façon presque gênante.

Remarque : est-elle obligée de pleurer maintenant dans chacun de ses films, et à la ville aussi d'ailleurs ? On croirait presque voir Maria Schell, actrice allemande des années 50 spécialisée dans les larmes à l'écran.
Absurdité : on lui a attribué un prix d'interprétation (immérité ici) à Cannes pour ce rôle. Et pourtant, je l'aime bien, Binoche, dans ses bons films...

Ensuite, le film avoue enfin son héritage : c'est un fait une reprise de l'argument du "Voyage en Italie" de Rossellini en 1953, où le couple Ingrid Berman et George Sanders se déchirait sur fond de paysages italiens.

Paysages, dont on déplore que Kiarostami, grand filmeur de paysages dans son pays, ici, les filme si peu. Tout au plus verra-t-on quelques routes sinueuses ombragées de cyprès, lors du parcours en voiture, un joli plan-séquence, la marque de fabrique du cinéaste.

Si le couple Rossellinien s'apaisait pour retouver la sérénité, de nos jours, rien n'est résolu.
Et, après désaccords et coups d'éclats (une scène dans un restaurant et devinez quoi, Juliette pleure encore) nos deux oiseaux tentent de se retrouver. Et ils se taisent enfin, partageant la seule scène intime du film. Misère, c'est la fin du film !

Si vous êtes fâchés avec un certain cinéma d'auteur que la critique française encense souvent, - quoique celui-ci ne fasse pas l'unanimité - pas sûr que ce film décevant et souvent irritant par son côté artiste bobo - comme c'est chic, on y croise Jean-Claude Carrière ! - une sorte d'étude amoureuse mal exploitée, vous réconcilie avec ce pan du cinéma.
Quant à Juliette Binoche, dans le genre film d'auteur à volonté signifiante, je l'avais trouvé plus convaincante dans le pourtant inabouti, mais plus troublant "Caché" de Michael Haneke.

La bande-annonce du film :

Pour finir, "Copie Conforme", c'est d'abord le titre d'une vieille comédie française de Jean Dréville en 1946, où Louis Jouvet jouait deux rôles. Un super-numéro de cabotinage, mais mille fois plus vif et réjouissant. Rien à voir, d'accord, mais parfois, on prend son plaisir de cinéphile où l'on peut...

Copie conforme (The Certified Copy, France-Iran-Italie, 2010). Durée : 106 mn. Réalisation et scénario : Abbas Kiarostami. Production : Marin Karmitz, Charles Gillibert. Distribution : MK2 Cinéma (France). Avec : Juliette Binoche, William Shimell, Jean-Claude Carrière, Agathe Natanson.
Sorti le 19 mai 2010
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4 commentaires:

  1. Je ne sais pas ce que vaut le film (enfin un peu plus après t'avoir lu) et je n'irai vraisemblablement pas le voir mais j'aime beaucoup la bande-annonce...
    ( bon ce commentaire ressemble un peu à "je n'ai rien à dire mais je le dis quand même" lol)

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  2. ... Justement, très joli "teaser" que cette bande-annonce assez trompeuse. Ce film n'est pas une horreur, loin de là, mais avec un joli sujet et une actrice comme il avait, je m'attendais à moins d'artifices et d'ennui prétendûment "artistique". Même l'Italie y semble morne et limite tristouille, c'est dire... Et ton commentaire n'est pas du tout inutile, c'est ton ressenti, comme ma chronique subjective (et bien agaçée, à la relecture, en passant) est le mien !

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  3. Abbas Kiarostami est un cinéaste exigent, véritable auteur filmant souvent en de long plans séquences d'où en ressort la beauté si leurs lenteurs n'a pas fait fuir le spectateur. Je l'avais découvert après sa palme d'or 97 "Le goût de la cerise". Mais c'est avec "Le vent nous emportera" qu'il m'avait touché. Tant de beauté, de poésie et cette virtuosité du non-dit.

    Là, je pensais que ce film serait plus "accessible", moins arty ! Mais d'après l'excellente critique que tu en fait, à l'analyse très pertinente, je crois m'être trompé....A voir pour me faire mon avis !!!

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  4. Comme je disais dans la réponse précédente, je me suis un brin défoulé au sortir de la vision du film et n'ai pas été tendre, surtout avec Binoche, je l'avoue... Certain(e)s trouvent du charme à ce film, et en fait, j'ai été déçu, car l'idée était prometteuse, et surtout pas assez ému.. Maintenant, à chacun de voir et de juger ! À +...

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