jeudi 17 juin 2010

DVD-CINÉ. Les amours malheureuses de Two Lovers de James Gray

À la faveur d’une actualité cinéma peu inspirante ces temps-ci, en vue d’échapper à la coupe du monde de foot et varier les plaisirs en dehors des séries TV (Lost, Dr House et tutti quanti…) béni soit alors le lecteur DVD...
J'ai donc décidé de piocher dans la pile de DVD qui se cachent dans mon meuble de salon.
Bien m’en a pris : j’ai enfin vu très récemment "Two Lovers" le dernier film de James Gray que j’avais raté en salles en 2008.
Eh oui, tout cinéphile qu'on puisse se prétendre, on a parfois de ces lacunes...

New York : Leonard hésite entre suivre son destin et épouser Sandra, la femme que ses parents lui ont choisie, ou se rebeller et écouter ses sentiments pour sa nouvelle voisine, Michelle, belle et volage, dont il est tombé éperdument amoureux. Entre la raison et l'instinct, il va devoir faire le plus difficile des choix...

Ce résumé passe-partout ne précise pas que le dit Leonard est incarné par un Joaquin Phoenix inspiré, qui incarne le fils cabossé d’une famille juive modeste, protectrice et étouffante. Et que cette histoire, dont le fil pourrait être banal ou mélo, débouche sur un film d’une justesse âpre sur les tourments amoureux et les difficiles virages de l’existence.

Vaguement basé sur Nuits Blanches un roman de 1848 de Dostoeivski et quelques détails autobiographiques romancés, l’excellent James Gray délaisse les tragédies policières qui ont fait son succès (Little Odessa, La Nuit Nous Appartient) pour exposer au grand jour ce qui en constituait la toile de fond : la famille, nourricière, vitale, étouffante parfois.

En vieil ado instable et malheureux, on n’oubliera pas de sitôt le regard perdu de Leonard/Joaquin comme prisonnier du vieil appartement de ses parents - à déconseiller aux claustrophobes - sorte de prison étouffante sans âge, photographe amateur déçu et poussé dans les bras d’une jolie brune (Vinessa Shaw) juste pour les besoins des affaires familiales.

Filmant ce qu’il connaît le mieux, ces quartiers de briques mornes et tristes du Queen’s, James Gray décrit le terrible besoin d’amour et d’espoir d’un être peu fait pour la banalité de ce qui l’entoure.
Croisant le chemin d’une Grace Kelly de rencontre (prétexte à un clin d’œil cinéphile à "Fenêtre sur cour", avec l’immeuble avec vue sur cour et le héros photographe), Michelle, voisine paumée et inconséquente jouée par une Gwyneth Paltrow qui n’a jamais été aussi juste, Leonard s’y accroche de manière désespérée et excessive, pour ne pas "se sentir tout à fait mort."

Vous devinerez donc que ce film ne respire pas une joie de vivre évidente...

C’est un beau film triste, pour reprendre une image toute faite. Beau, car la réalisation impeccable de Gray est d’une beauté impeccable – par exemple un travelling magnifique en musique pour leur première sortie à New York.

Triste, car le portrait de cet homme immature qui peine à trouver son bonheur - "Es-tu heureux ?" lui demande fréquemment sa mère, campée par Isabella Rossellini - est, selon la volonté du réalisateur (merci les bonus DVD), destiné à résumer tout ce qui a pu, peut ou pourra nous interpeller dans notre propre cheminement, nous spectateurs anonymes. Dont certains pourront reprocher au film un certain manque de flamboyance ou de lyrisme.
Mais qui ne juge à aucun moment chacun de ses personnages et parsemé de détails touchants : ainsi, Leonard "écrivant" I Love You de son doigt sur le poignet de Michelle alors qu'elle s'endort...

Il est vrai aussi que "Two Lovers" n’est peut-être pas le plus beau film d’amour du monde, comme une partie de la critique voulait le faire entendre. Le somptueux "The Yards" restera pour moi le film de référence de Gray.

Évitant tout pathos lacrymal, James Gray a pu, c’est vrai, tomber dans une certaine distance. C’est, à mon avis, pour mieux mettre à jour la douleur de ce "cœur en hiver" (merci, Claude Sautet) qui ne demande qu’à se ranimer pour enfin se sentir exister. Quitte à se faire rappeler à l'ordre par la réalité.

Beau et triste, on vous le confirme...

Two Lovers (U.S.A, 2008). Réalisation : James Gray. Scénario : James Gray et Richard Menello. Chef-Opérateur : Joaquin Baca-Asay. Musique : Wojciech Kilar. Production : 2029 Productions & Wild Bunch. Durée : 105 mn.
Avec Joaquin Phoenix (Leonard) ; Gwyneth Paltrow (Michelle) ; Vinessa Shaw (Sandra) ; Isabella Rosselini (la mère) ; Moni Moshonov (le père) ; Elias Koteas (Ronald).

DVD disponible chez Wild Side Vidéo.


La bande-annonce du film :

2 commentaires:

  1. Je confirme : un film beau et triste !

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  2. Oui, il ne faut pas être trop déprimé pour le voir, sinon, moral bas bas bas pendant quelques jours :-)

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