jeudi 18 novembre 2010

DVD-CINÉ. Fly me to "Moon"

On s'est quittés avec la musique du père, on se retrouve avec le film du fils...

Après une trop longue semaine d'interruption dû à un très long week-end post 11 novembre, cette nouvelle séance DVD reste dans la famille Bowie, plus exactement Jones : en effet, Duncan Jones, le réalisateur de "Moon" est bel est bien le fils de l'ex-Ziggy. *

Le jeune "Zowie", surnom donné autrefois au petit Duncan par son fantasque paternel, a bien grandi et a fait ses premiers pas de réalisateur l'an dernier avec un film de science-fiction très réussi, étrangement jamais sorti en salles malgré des prix glanés au Sundance Film Festival et les Prix du jury et Prix du public à Gérardmer début 2010, amplement mérités.

*Bowie avait d'ailleurs salué la naissance de son fils avec la chanson "Kooks" sur "Hunky Dory" en 1971

Futur proche : Sam Bell vit depuis trois ans dans la station lunaire de Selene, où il gère l'extraction d'une nouvelle énergie, l'hélium 3, pour le compte de l'entreprise Lunar, seule solution à la crise de l'énergie sur Terre. Souffrant de son isolement et de la distance le séparant de sa femme et de sa fille, il passe son temps à imaginer leurs retrouvailles.
Mais quelques semaines avant la fin de son contrat, Sam se met à avoir des visions étranges. Que se passe-t-il donc sur Selene ? ...
De fait, "Moon" est un singlier film qui renoue avec le ton unique de la S.F. des années 70, avant que le fracas des space-operas ou des films de monstres spatiaux n'engloutissent quelque peu le genre. D'ailleurs, au vu des premières images de la station lunaire, reviennent en écho des souvenirs lointains de la série "Cosmos 1999" et de ses astronautes isolés dans l'espace qui firent la joie des enfants des années 70.

Rassurez-vous, pour modeste qu'ait été le budget de Jones pour un film de ce genre - moins de 5 M de $ - il ne tombe pas du tout dans le kitsch, soignant l'aspect visuel et l'atmosphère envoûtante de ce récit captivant, plus voyage intérieur troublant que virée intersidérale pour ados. Mais il est difficile d'en dire plus, sous peine de déflorer le coeur même de l'intrigue.












Le film est d'abord l'occasion de révéler à tous le talent de l'excellent quoique trop méconnu Sam Rockwell (vu dans Confessions d'un homme dangereux ou L'Assassinat de Jesse James...), quasiment de tous les plans de ce huis-clos spatial schizophrénique.
Il porte toute la solitude et la confusion de cet homme seul, plus anonyme employé spatial et élément interchangeable que valeureux astronaute conquérant.
Sous les atours d'un film de science-fiction, "Moon" développe une pertinente réflexion sur l'assujettissement de l'être humain à la recherche du profit financier et, de façon plus métaphysique, remet en question les bases même de l'identité humaine : l'unicité meancée et la fragilité de l'individu, par définition un être isolé dans l'univers... Et nous prévoit un avenir assez funeste, à faire froid dans le dos.
On n'oubliera pas de sitôt la figure de l'attachant Sam, esseulé et isolé, avec comme unique compagnon l'ordinateur Gerty, auquel Kevin Spacey prête sa voix suave, contre toute attente seul soutien fidèle de l'élément humain dans cette épreuve existentielle.


Un homme tout seul - quoique ? - dans l'espace avec un ordinateur, ça me rappelle un "petit" film de 1968 d'un certain Kubrick.

De fait, pour original que soit "Moon", il est assez aisé de reconnaître les évidentes références auxquelles il peut renvoyer pour l'amateur de S.F. : "2001 l'Odyssée de l'Espace", bien sûr, mais également des oeuvres des 70's comme le méconnu "Silent Running" de Douglas Trumbull (1972) réflexion prémonitoire sur l'écologie, ou le magnifique et poétique "Solaris" (version Tartovski ou Sodderbergh, qu'importe).






















Sans oublier le questionnement sur l'identité, lointain écho du thème principal du célèbre "Blade Runner" de Ridley Scott d'après le génial Philip K. Dick.
Et la dernière référence aura finalement un écho très personnel et familial : en fait, "Moon" ne serait pas, mais de façon inversée, pour Duncan Jones, un hommage au classique interstellaire qui rendit son père célèbre ?

En effet, la chanson "Space Oddity" du papa racontait le choix d'un astronaute préférant rester dans l'espace plutôt que de revenir sur Terre parmi les hommes, alors que le "Moon" du fiston nous fait partager les efforts désespérés d'un autre astronaute pour quitter le vide des étoiles et rejoindre, croit-il, la communauté humaine.
Autre époque, autre vision.

Mais on ne saurait renier l'héritage famililal, n'est-ce pas ?
À signaler : l'excellente musique du compositeur Clint Mansell, collaborateur habituel de Darren Aronofsky (Requiem For A Dream, The Fountain) qui contribue grandement à l'atmosphère envoûtante du film.

"Moon" (Grande-Bretagne, 2009). Réalisation : Duncan Jones. Scénario : Duncan Jones et Nathan Parker. Chef-opérateur : Gary Shaw. Musique : Clint Mansell. Production : Xingu Films. Durée : 90 mn.
Avec : Sam Rockwell (Sam Bell) ; Robin Chalk (Sam) ; Matt Berry (Overmeyers) ; Kaya Scodelario (Eve Bell) ; Malcom Stewart (le technicien) ; Benedict Wong (Thompson).

Excellentes chroniques sur
La Tête à Toto et De l'autre côté, perché avec le blanc lapin

DVD disponible depuis juin dernier chez France Télévisions

La bande-annonce originale du film :

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