vendredi 19 novembre 2010

SCÈNE FRANÇAISE ... en anglais. Yann Tiersen, Radiosofa, The Bewitched Hands

La sélection musicale de cette fin de semaine réactive par hasard un vieux serpent de mer : le rock français.

Force est d'avouer que la scène nationale bon an, mal an, produit toujours régulièrement du rock made in France, d'autant plus quand ceux-ci s'expriment parfois paradoxalement, en vue d'exportation ou non, ... en anglais ! Et, paradoxe encore, les artistes choisis ici s'avèrent être tous basés en région.

Premier régional de l'étape, le célèbre Yann Tiersen nous est revenu en octobre avec "Dust Lane", un nouvel opus qui risque de surprendre les retardataires scotchés à l'époque d"Amélie Poulain", mais pas les auditeurs des "Retrouvailles" qui le voyaient travailler en 2005 avec les stars indie Liz Fraser (Cocteau Twins) ou Stuart Staples (Tindersticks).

Personnalité depuis quelque temps en mutation, le breton prend le public à rebrousse-poil en publiant sur le légendaire label anglais Mute cette oeuvre qui confirme sa grande liberté artistique.

Libéré de tout carcan de format (chanson, musique de film) et trempant son inspiration dans une humeur assez sombre, le Brestois met sa virtuosité d'instrumentiste au service de longues pièces musicales - souvent sept minutes - atmosphériques et rock, mais façon rock progressif années 70, voire post-moderne.

Entouré d'une foule de collaborateurs discrets mais pointus (Laetitia Sheriff, Josh Pearson, Matt Elliott), "Dust Lane" semble souvent une musique de fin du monde, ombrageuse (Palestine), tourmentée et expérimentale (Dark Stuff au son seventies vintage), parfois bruitiste, mais traversée d'une énergie vitale presque lumineuse - les choeurs et le lyrisme des arrangements sur Ashes - et qui pourra parfois faire songer au lyrisme des Arcade Fire.

Un paradoxe surprenant pour une oeuvre souvent radicale mais maîtrisée, qui a emballé les spectateurs estivaux de la dernière Route du Rock, point d'orgue d'un parcours singulier qui devrait nous valoir de nouvelles surprises pour les années à venir.

Yann Tiersen. "Dust Lane" (Mute Records) ♥♥♥en écoute sur Deezer et Spotify

chronique sur Hop Blog et Les chroniques de Charlu




"Dust Lane" en live à la Route du Rock 2010 :



Yann Tiersen.fr

Le groupe qui suit surprendra beaucoup moins, tant il s'inscrit dans la lignée d'un rock français électrique et sombre, à la noirceur post-adolescente.

Une école déjà fort représentée de par chez nous - les anciens new wave des 80's Taxi Girl, Marquis de Sade, Gamine - ou les incontournables du genre, Noir Désir.

Rien de nouveau donc, souvent un air de déjà entendu, mais avouons que le disque et le groupe, une formation venue de Rouen - toujours des régionaux... - affichent une flamme qui emporte plutôt le projet.

Tendu et nourri d'une sèche énergie, leur deuxième album "Le Souffle Court" témoigne d'une vraie cohésion artistique (beau son de guitares).

Toutefois Radiosofa, avec à leur tête le chanteur Thomas Cramoisan, ne possède pas encore la valeur ajoutée qui leur permettrait de sortir du lot.
Ainsi, on pense dans les meilleurs moments au groupe Tanger, et aux outsiders solitaires Joseph d'Anvers ou l'excellent Arman Méliès, et dans les moins bons, au passable Da Silva, d'ailleurs présent avec eux sur "Les Portes" leur titre le plus faible, étrangement le premier single extrait de l'album.










On sera aussi moins fou des paroles très scolaires, qui recyclent l'ordinaire des figures imposées du "rock à volonté poétique". Mais, bien que d'ordinaire peu sensible, voire agacé par le genre, sur des titres comme "10 000 Brasses" ou "Comme un rêve" passe une belle fougue nerveuse.
Et le seul titre en anglais, "Fuzzy" - une reprise folk-rock de Grant Lee Buffalo, vous vous rappelez ? - m'encline à penser qu'il devraient publier un album en anglais.

L'album se clôt sur la calme ballade "Les Voyages Immobiles" où l'on retrouve ... Arman Méliès. Qui se ressemble s'assemble. Au final, un groupe à surveiller pour peu qu'il mûrisse musicalement.

Radiosofa. "Le Souffle Court" (Opposite Prod.) ♥ en écoute sur Deezer et Spotify



Radiosofa.net

Changement de décor avec les chiens fous de The Bewitched Hands, jeune groupe venu de Reims et qui affole quelque peu le Landernau indé français en ce moment.
Et force est de reconnaître qu'il est difficile de résister à la fougue et l'enthousiasme de cette bande folk-rock qui montre un appétit féroce.

Rendez-vous compte, les voilà en train de faire se télescoper sur leur premier album "Birds & Drums", la pop radieuse des sixties (Beatles & co) et le rock indie 90 (style Boo Radleys, Pixies..).

Ou carrément refaire - sur l'épique "Hard to Cry" - les harmonies vocales des Fleet Foxes avec leur collectif digne des farfelus suédois de I'm From Barcelona et le lyrisme musical (côté foutraque pataud inclus) de Arcade Fire, encore eux.

L'ensemble, toujours sympathique et dynamique - les chansons durent en moyenne deux/trois minutes - s'avère toutefois encore un peu vert et trop peu cadré, avouons-le, comme leur accent frenchie très prononcé (!).

Mais leur joie y est doucement contagieuse, et l'énergie de ces "mains ensorcelées" devrait combler en live un public qui n'attend que ça. Et peut-être embraser une scène rock française souvent trop sage.

The Bewitched Hands. "Birds & Drums" (Jive Epic) ♥♥ en écoute sur Deezer et Spotify

chronique sur La musique à papa

La vidéo de "Sea" :


The Bewitched Hands en live :

le myspace de The Bewitched Hands

À venir : "scène française épisode 2", rayon nouveaux chanteurs

4 commentaires:

  1. Haïeee grillé, je suis en train de rédiger un truc sur DUST LANE.. je m'imprègne et je suis lent.
    Bah du coup j'ai la pression, elle est bat ta chronique Blake.

    Charlu

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  2. Hello Blake.

    Tout d'abord, très beau papier que tu as écris là ! Et le fait de chroniquer en parallèle 3 disques (français pour point commun) est très pertinent.

    Yann Tiersen : Je l'ai beaucoup écouté à ses débuts, périodes pré-Amélie Poulain mais j'ai lâché depuis quelques disques. Déjà, sur l'album "les retrouvailles" (que j'avais un peu écouté), le (post)rock "sombre" guettais à l'affut. Pour cette tournée là d'ailleurs, il avait embarqué le bassiste Jean-Paul Roy (alias Noir Desir).
    Il va falloir que je jette un œil (ou plutôt une oreille) dessus car tu n'es pas le premier à dire du bien de ce nouvel album !!!

    Radiosofa : Je ne connais pas.

    The Bewitched Hands : Grosse "hype" française du moment, tout le monde en parle !
    Il faut reconnaitre que leur musique est plutôt bien foutue, terriblement efficace et inspirée. Harmonies vocales, mélange de pop lyrique 60' avec du rock indé très 90', bonne formule musicale...A suivre !!!

    A + +

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  3. Radiosofa j'ai jamais trouvé ça terrible.

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  4. Ah, mais j'ai jamais dit que c'était "terrible", c'est juste honnête et efficace.. et puis j'aime bien leur single "Comme un rêve" et leur reprise de "Fuzzy"...

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