mardi 6 avril 2010

CINÉMA. Afrique, ma douleur : White Material de Claire Denis

Rencontre de "trois femmes puissantes" au générique du film "White Material" : Isabelle Huppert sur l'écran, Marie Ndiaye prix Goncourt 2009 au scénario, et la cinéaste Claire Denis derrière la caméra. Trois femmes de caractère pour une immersion sans concession dans le chaos d'une Afrique intemporelle plongée dans la guerre civile.

On y suit les efforts de Marie (Isabelle Huppert) déterminée, envers et contre tout, à conserver sa plantation de café. On croise aussi sur son chemin son ex-mari hagard (le revenant Christophe Lambert), son fils déconnecté de la réalité (Nicolas Duvauchelle), "le boxeur", un chef rebelle blessé (Isaac de Bankolé), le grand-père cloîtré (Michel Subor), autant de personnages assez fantômatiques, au milieu d'Africains luttant pour leur survie.
Claire Denis (Chocolat, Beau Travail, 35 Rhums) - qui connaît bien le continent africain car elle a grandi au Cameroun - est adepte d'un cinéma physique, libéré de toute convention scénaristique, de dramaturgie conventionnelle, encore moins de toute psychologie. Sa caméra nous embarque aux côtés de Marie, qui s'agite au milieu de l'apathie générale, suivant au plus près ses déambulations quotidiennes.

D'où vient pour le spectateur le sentiment de rester extérieur à cette dérive longuette ? La chaleur de l'Afrique y est pourtant bien captée, ainsi que le sentiment de confusion et de perte de repères. Mais avouons qu'on se fatigue vite de suivre ces personnages énigmatiques, mûrés en eux-mêmes. On ose même avancer qu'Isabelle Huppert, ici, n'est pas toujours convaincante. Ou disons qu'on s'est lassé de la voir incarner un des ces énièmes personnages obsessionnels dont elle s'est trop fait la spécialité...

Même le basculement vers la sauvagerie et la violence (une des obsessions de Claire Denis) ne provoque pas le vertige qu'on aurait pu attendre : le fils perd rapidement la boule, jusqu'à se raser ... la boule... à zéro ! Un clin d'oeil à la prestation anthologique de Marlon Brando au crâne rasé dans Apocalypse Now ? Si oui, une référence écrasante et guère en faveur d'un film plutôt autiste qu'on regarde lointainement, comme vu derrière une vitre.
Les dommages collératéraux d'une démarche d'auteur respectable, mais il est vrai qu'on aurait aimé moins de pose et plus de souffle, plus de passion. Plus de vie tout simplement...

"White Material" (France, 2010). Réalisation : Claire Denis. Scénario : Claire Denis et Marie N'Diaye. Chef-Opérateur : Yves Cape. Musique : Stuart Staples (The Tindersticks). Production : Why Not Productions. Durée : 100 mn.
Avec Isabelle Huppert, Christophe Lambert, Nicolas Duvauchelle, William Nadylam, Isaac de Bankolé. Sorti depuis le 24 mars 2010.

La bande-annonce du film :

2 commentaires:

  1. C'est drôle, j'ai ressenti exactement la même chose en voyant le film .... un goût de pas assez, ou plutôt un goût de pour aller où ? C'est bien ça qui m'a manqué à la vision de "WHITE MATERIAL". J'avoue ne pas avoir bien saisi le message de Claire DENIS. Y'en avait-il un d'ailleurs ? Peut-être pas ! D'où cette impression de film hybride mi-documentaire, mi fiction. Dommage !

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  2. ...oui,je m'en doutais un peu, connaissant le cinéma "particulier" de Claire Denis. Sûr que ça aurait pu être beaucoup plus intense,vu la connaissance de Claire Denis de l'Afrique. Mais le résultat est vraiment trop flottant. On n'est pas toujours récompensé de ses efforts :-)

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