jeudi 24 juin 2010

MES POCHE SOUS LES YEUX. Le Mystère de la Chambre Jaune de Gaston Leroux

Troisième chapitre de ma rubrique consacrée à tous ces livres de poche qui jalonnent nos souvenirs de lecteur. Aujourd'hui, retour arrière, avec un livre lu pendant l'enfance, ou la pré-adolescence, entre 12 et 13 ans, ce qui ne rajeunit personne, surtout pas moi !

Classique du roman policier national, "Le Mystère de la Chambre Jaune", fut inscrit au programme de mon année de cinquième par notre professeur de français, appellons-le donc Monsieur Nicolas...

Bien lui en a pris à ce brave homme, car grâce à lui, j'ai découvert cette merveille de la littérature policière - ce qui a confirmé mon attirance pour ce genre, Sherlock Holmes n'allait pas tarder à devenir mon héros préféré-à-moi-tout-seul - et fait de Gaston Leroux un des auteurs dits populaires pour lesquels j'ai le plus d'affection.

Tout le monde connaît, j'imagine, l'argument du "Mystère de la Chambre Jaune", roman publié en 1907 ? Le résumé le plus simple que j'ai pu trouver est le suivant :
"Le petit reporter Joseph Rouletabille se lance aux trousses du meurtrier qui a tenté d'assassiner Mathilde, la fille du célèbre professeur Stangerson. Il se rend dans la "chambre jaune" du château du Glandier pour mener son enquête, différente de celle menée par le célèbre inspecteur Larsan de la sûreté. Qui est donc l'agresseur ? Et quel est son mobile ? "

Ça, cher amis lecteurs, vous le saurez au bout des quatre cent-cinquante pages les plus riches en énigmes insolubles, indices inexplicables, rebondissements imprévus, et révélations stupéfiantes qu'un roman puisse contenir...

Le maître-étalon du roman dit "en chambre close" qui allait faire des émules dans la littérature anglaise des décennies suivantes (Agatha Christie et surtout John Dickson Carr, maître incontesté du genre), dû à l'imagination fertile et inventive de Leroux, chroniqueur judiciaire et grand reporter au journal "Le Matin."

Connu mondialement pour son célèbre conte quasi-gothique "Le Fantôme de l'Opéra", Leroux mit dans ses livres toutes ses expériences de journaliste et son goût pour les enquêtes policières, avec une prédisposition pour la mise en scène et l'excès (son passé d'ancien avocat ?).

D'où certainement l'atmosphère sans égal
- mélange de théâtralité exagérée et atmosphère dramatique feuilletonnesque - qui émane de ces oeuvres, une profonde poésie, naïve et magique bien loin des rigueurs logiques du récit policier anglo-saxon. Leroux est le créateur d'une oeuvre au climat surnaturel, qui a séduit en son temps de nombreux artistes, dont les Surréalistes qui ne s'y sont pas trompés...

Grande demeure entourée d'un parc mystérieux, agression impossible d'une belle jeune femme romantique, lourds secrets qui pèsent sur les personnages, enquête complexe "défiant les lois de la physique"...

Une oeuvre baignant dans l'inexplicable et le quasi fantastique
. Et rendue inoubliable par un style vigoureux, rempli d'interjections théâtrales, de points d'exclamation et surtout de formules en italique comme "le cri de la bête du Bon Dieu", "la galerie inexplicable, "le cadavre incroyable"...

Et la plus célèbre d'entre elles : "Le presbytère n'a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat", une formule qui faisait le bonheur des poètes surréalistes, qui se la passaient entre eux comme un sésame... Et ces plans détaillés des lieux pour mieux expliquer l'action (!) qui font encore ma joie :

Rien de plus envoûtant pour enflammer l'imagination des lecteurs, surtout des plus jeunes, qui trouvent avec le personnage de Rouletabille un double idéal, l'incarnation même de l'intelligence juvénile et de la malice.

Un Rouletabille qu'on peut voir comme un Gavroche moderne, cousin du journaliste Fandor qui combat Fantômas, et surtout d'Isidore Beautrelet, jeune insolent qui faillit mettre en échec Arsène Lupin dans "L'Aiguille Creuse" de Maurice Leblanc, qui s'inspira pas mal de Leroux dans son roman publié vers 1909.

Une figure de l'imaginaire de l'époque, l'adolescent génial et détective amateur, qui formera peut-être (?) le modèle de futures stars de la BD comme Spirou ou ...Tintin.

Mais surtout, un personnage entouré d'un passé intime et familial fort mystérieux qui ne sera dévoilé que dans sa suite "Le Parfum de la Dame en Noir", les deux livres formant un dyptique littéraire qui marquera fortement les imaginations.

Ils seront souvent adaptés au cinéma dès 1913, jusqu'à nos jours (ne parlons pas des calamiteux films récents des frères Podalydès), les meilleurs étant ceux des années 30/40 (Marcel L'Herbier ou Henri Aisner, photo).

Mais, bien que grand admirateur du 7ème art, rien ne vaut de se plonger dans la (re) lecture de ce chef-d'oeuvre - oui, oui, osons le mot - décidément indémodable, où même lorsqu'on connaît la résolution finale, plane toujours la même atmosphère d'intrigue, de mystère somnambulique et de rêve éveillé si bien évoquée dans une célèbre préface par Cocteau, prestigieux fan de Leroux :

"Il n'existe pas d'arts mineurs."
Ce n'est pas chez cette famille d'artistes, l'intrigue ni les épisodes "à suspens" qui comptent, mais une pénombre de rêve, un malaise qui singularise les demeures où vivent leurs héros, un orchestre nocturne acccompagnant l'histoire qu'ils nous racontent sans la moindre morgue (...).
Que les lecteurs qui m'approuvent se mettent à l'étude d'un règne où Leroux fut prince (...) et soudain, enchantés par un monde qu'ils crurent un demi-monde, ils iront à la découverte des maîtres, en tête de qui Gaston Leroux triomphe de l'indifférence dans laquelle tant d'auteurs "sérieux" firent naufrage."

Je ne saurais vraiment mieux dire que l'illustre Jean.

Si, un détail : pour terminer, si je me souviens si bien de cette année de cinquième où l'on a lu "Le Mystère de la Chambre Jaune", c'est aussi parce que le professeur de français qui nous l'avait proposé - appelons-le toujours Monsieur Nicolas -, ce bon enseignant classique style ancienne école, est mort de maladie brutalement avant la fin de l'année scolaire.
Et je n'ai aucun souvenir de son remplaçant et de ce qu'il a pu nous faire lire...


première photo du livre : Blake.

2 commentaires:

  1. Etant fan de romans policiers, j'ai évidemment lu "le mystère de la chambre jaune" (dans mon adolescence également) et j'ai cherché à comprendre comment cette énigme pouvait se résoudre jusqu'à avoir le dénouement.

    Depuis quelques années, je m'attaque à l'auteur suédois Henning Mankell après avoir finir de lire tous les Agatha Christie et autre Conan Doyle...

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  2. - Ah, Conan Doyle, modèle indépassable du roman policier classique. Et ce bon Sherlock... Henning Mankell, c'est une autre approche, contemporaine que je n'ai pas encore explorée, j'avoue... Mais why not ?

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