mercredi 9 juin 2010

PETIT ÉCRAN. Dans la mécanique d'Engrenages

Une fois n'étant - vraiment pas - coutume, voici un petit détour par la fiction policière française...
Non, pas celle audimatesque et grotesque de TF1, ou celle pépère et endormie de France Télévisions style P.J. ou Boulevard du Palais.
Celle d"Engrenages", série créée par Alexandra Clert et Guy-Patrick Sainderichin, un des fleurons les plus éclatants de Canal +, par parenthèse la seule chaine française vraiment créative en cette matière, à laquelle on doit les réussites récentes que sont Pigalle la nuit ou Carlos, ou les tentatives plus hasardeuses de Braquo ou Mafiosa.

"Engrenages", dont la troisième saison s'est achevée lundi soir dernier, explore depuis fin 2005 avec une âpreté rare pour une série télé les arcanes des systèmes judicaires et policiers français, en dressant un portrait hyper-réaliste sans concession.
À une excellente première saison de présentation lui avait succédé une deuxième plus conventionnelle, avec son côté poursuites et scènes d'action.

Bonne nouvelle pour sa nouvelle saison (dont l'entrée en matière, la découverte d'une femme assassinée emballée dans du plastique semble faire un clin d'oeil à la mort de Laura Palmer de Twin Peaks) : la série est revenue sur ses fondamentaux, enquête sur le terrain sur la piste meurtrière d'un mystérieux serial killer, et instruction judiciaire en terrain politique douteux, sans oublier l'exploration d'un Paris inhabituel, entre proxénétisme violent et pègre inquiétante.

Deux aspects incarnés par deux personnages emblématiques : la capitaine Laure Berthaud, pitbull policier d'une ôpiniatreté sans égal, impulsive et obsessionnelle, et de l'autre, le juge d'instruction François Roban, implacable et intransigeant, décidé à révéler une affaire de corruption que ses supérieurs aimeraient voir enterrée.

Deux personnages forts et complexes, incarnés par de formidables comédiens, respectivement l'énergique Caroline Proust et le remarquable Philippe Duclos, impressionnant en juge inflexible et solitaire dont l'exceptionnelle intégrité inquiète son entourage et le met à l'écart.
C'est peut-être LE point fort de cette série : la complexité des personnages principaux et la conséquence de leurs actions dans leur vie privée, aspect aussi intéressant que les intrigues.

Intrigues qui ne manquent pourtant pas de sel, qu'il s'agisse des embûches que rencontre la procédure judiciaire, de l'identité du redoutable tueur "le Boucher de La Villette", inspiré par un fait divers réel, de la rivalité dommageable entre services de police, ou les manoeuvres délictueuses de pénalistes douteux, en la personne de Joséphine Karlsson, à laquelle l'actrice Audrey Fleurot confère son magnétisme glacial.

Le reste de la distribution ausssi est à citer : notamment l'impeccable Thierry Godard qui joue Gilou, l'adjoint buté de la capitaine, sans compter l'inquiétant Daniel Duval en avocat ripou, et aussi la subtile Anne Alvaro, émouvant amour de jeunesse du juge Roban.

Deux, trois défauts cependant : la description caricaturale du monde politique, réduit à quelques politicards véreux et menteurs. Vision un brin simpliste qui n'incitera certes pas l'électeur potentiel à se rendre dans les urnes... Et l'accumulation de manipulations qui régissent les personnages entre eux, un brin excessive à la longue.

Ceci dit, "Engrenages" excelle à concilier une construction scénaristique efficace, pleine de rebondissements - on est vraiment happé dans la mécanique dès le premier épisode - et un aspect humain fort et attachant.

Ce qui atténue un peu la noirceur systématique et sans espoir des milieux décrits - le troisième défaut - accentuée par une réalisation réaliste avec caméra à l'épaule qui n'engendre pas la gaieté et l'optimisme, loin de là.

C'est une série visuellement gris bleu, nocturne, inconfortable, une plongée en apnée dans un monde impitoyable où fleurissent le meurtre sauvage, la violence, la corruption et la perte généralisée de tout repère moral.

Serait-ce notre monde, à peine déformé ? ...

Engrenages, saison 3 : 12 épisodes de 50 mn diffusés du 3 mai au 7 juin 2010 sur Canal +.

La bande-annonce des premiers épisodes :

Vous l'avez raté ? En guise de session de rattrapage, le coffret DVD paraît dès le 15 juin qui arrive. C'est votre lecteur DVD qui va être content...

et le site d'Engrenages sur canal +.fr

Autre point de vue - moins favorable - sur Hop Blog

2 commentaires:

  1. Je n'ai pas osé regarder la saison 3 n'ayant pas vu les saisons précédentes... ce qui semble avoir été une erreur ! Il ne me reste plus qu'à profiter du DVD.

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  2. Oui, la série se regarde sans problème, même sans avoir vu les précédentes saisons. Et le coffret DVD est très abordable : pas plus de 20 € pour 12 épisodes haletants. Bon, voilà que je me transforme en vendeur de la FNAC maintenant, on aura tout vu ...

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