Deuxième étape de ma rubrique sur les livres lus les étés passés. Un souvenir fort de lecture avec le meilleur roman, à mes yeux, d'un des plus brillants auteurs contemporains, l'Irlandais Colum McCann.
"Les Saisons de la Nuit" de Colum McCann, publié en 1998, est le deuxième grand roman de Colum McCann, l'auteur de "Danseur", un écrivain de la race des "raconteurs d'histoire", formule qu'il se plaît souvent à raconter en entretien, mais rigoureusement exacte.
Un auteur qui a le goût des histoires humaines fortes portées par une prose inspirée, parfois âpre, mais d'un souffle romanesque constant.
Ainsi, "Les Saisons de la Nuit" est le portrait, du début du XXème siècle jusqu'à nos jours, d'une famille ouvriers américains. C'est surtout un roman explorant avec une force rare l'époque des terrassiers oeuvrant à l'édification des tunnels du métro sous l'East River...
... et dans sa partie contemporaine, un récit qui plonge dans la (sur)vie au jour le jour de sans-abri terrés au fonds de ces mêmes tunnels de Riverside Park.
Deux parties distinctes, symbolisée pour l'une par Nathan Walker, jeune manoeuvre de 19 ans en butte au racisme ordinaire des années 20, et pour l'autre, par un mystérieux SDF surnommé Treefrog.
"Seigneur, j’ai pas vu un coucher de soleil depuis que j’suis descendu là. J’suis tellement au fond du trou, quand je lève les yeux, je vois que le fond..."
"Seigneur, j’ai pas vu un coucher de soleil depuis que j’suis descendu là. J’suis tellement au fond du trou, quand je lève les yeux, je vois que le fond..."
Deux parties distinctes, mais parallèles et complémentaires qui révèlent au grand jour l'ingratitude d'une Amérique envers ceux qui oeuvrèrent à la bâtir.
Un grand livre sur la marginalité urbaine et la solitude, un voyage sombre et parfois éprouvant, mais toujours illuminé par une écriture inspirée, poétique et vibrante.
Extrait :
"Rhubarbe Vannucci et Sean Power installent une cage à pigeons sur le toit de l’immeuble de Vannucci dans le Lower East Side. Il y a eu des vols, récemment, alors Vannucci a plongé ses pigeons dans des bacs de teinture éclatante qu’il s’est procuré dans une fabrique de vêtements.
Il les a trempés entièrement, sauf la tête. Même le dessous des ailes a absorbé la couleur. Ils s’ébattent dans le ciel avec leur plumage d’un orangé violent. Ainsi, n’importe qui dans le quartier peut immédiatement reconnaître un pigeon Vannucci. On dirait des pelures d’orange fendant les cieux de Manhattan..."
"Rhubarbe Vannucci et Sean Power installent une cage à pigeons sur le toit de l’immeuble de Vannucci dans le Lower East Side. Il y a eu des vols, récemment, alors Vannucci a plongé ses pigeons dans des bacs de teinture éclatante qu’il s’est procuré dans une fabrique de vêtements.
Il les a trempés entièrement, sauf la tête. Même le dessous des ailes a absorbé la couleur. Ils s’ébattent dans le ciel avec leur plumage d’un orangé violent. Ainsi, n’importe qui dans le quartier peut immédiatement reconnaître un pigeon Vannucci. On dirait des pelures d’orange fendant les cieux de Manhattan..."
Une oeuvre forte qui témoigne du regard fraternel constant de McCann et de son goût pour les existences autres, hors des conventions, déclassés, exilés, bourlingueurs, artistes (Danseur, sa bio romancée de Rudolf Noureev, gros succès de librairie)...
Un grand talent qui sait restituer tout le poids des existences vécues.
Un grand talent qui sait restituer tout le poids des existences vécues.
Avouons cependant que McCann prenait dernièrement comme des "trucs d'écrivain" et que ses deux derniers romans (Zoli et Que le vaste monde poursuive sa course folle), quoique toujours beaux, m'ont paru trop ambitieux et trop construits, moins spontanés.
Mais son talent était évident dès "Le Chant du Coyote", son premier roman qui met en scène les relations pudiques et gênées d'un père, routard irlandais instable, et de son fils, deux individus comme empêchés par leur liens personnels et l'histoire famililale.
Un beau roman d'atmosphère qui témoigne surtout que Colum McCann était déjà un écrivain possédant une voix, la singularité d'un regard solidaire mêlée à celle d'un styliste et narrateur inspirés. Une voix à découvrir, si ce n'est déjà fait, sans tarder... Les Saisons de la Nuit, Belfond, 1998, réédité en 2007 et en 10/18, 322 pages, 7 €
Le Chant du Coyote, Belfond 1995, et en 10/18, 290 pages, 6 € 60
Le Chant du Coyote, Belfond 1995, et en 10/18, 290 pages, 6 € 60
Pour ma part, Colum McCann sera pour moi "Une voix à découvrir" car je n'ai jamais lu ces livres, je ne connais hélas pas son travail !!
RépondreSupprimerCe que tu as écris pour "Les Saisons de la Nuit" donne très envie de se plonger au cœur de cet univers.
"....un écrivain de la race des raconteurs d'histoire...". Un auteur qui possède un grand art de la narration, comme je le dis souvent à propos de l'excellent Paul Auster, mon écrivain contemporain préféré !!!
A + +
Si ça te dit, n'hésite pas à te lancer, c'est vraiment bien... J'y reviendrai plus tard, ce week-end je vais être un peu pris. À +++ !
RépondreSupprimerSalut Blake, très bien écrite ta critique et elle donne envie de découvrir Colum McCann. Le sujet est super intéressant. Je me le note dans mon listing de bouquins à lire
RépondreSupprimerDante7
@Francky01 :
RépondreSupprimerMerci, merci, j'espère que sa lecture future éventuelle ne te décevra pas. Parfois, ce qui plaît aux uns peut ne pas emballer les autres...
Concernant Auster, c'est un écrivain singulier que j'ai beaucoup aimé à une période (la trilogie New Yorkaise, Moon Palace). J'avoue être moins convaincu par ses livres ultérieurs que je trouve un peu théoriques ou abstraits. Mais je suis loin d'avoir tout épluché de sa production récente. Faudrait que j'y aille voir de nouveau peut-être…
@Dante7 :
là aussi, que de compliments (merci, au passage) et de responsabilités !
Ravi de susciter l'envie et te rendre curieux de cet auteur, suite à mon p'tit avis.
C'est la plus belle récompense pour moi. Au moins, je n'aurai pas ouvert ce blog pour rien :-)
cher blake,
RépondreSupprimerheureux de revenir ici et d'avoir de tes nouvelles chez moi
idem et comme Francky01 je n'ai rien lu de colum McCann, mais cette belle chronique m'invite à le faire très vite... moi j'ai savouré le dernier Kenzuo Ishiguro (Noctures), 5 sublimes nouvelles aux ambiances musicales... j'ai vu aussi que le dernier Ethan Canin était sorti et j'en suis ravi, enfin j'ai adoré en juillet lire le beau et prenant Des hommes de Laurent Mauvignier... un must
vite échangeons nos découvertes et parlons en...
amitiés cher ami
christo