mardi 31 août 2010

ADIEU. Corneau le passionné

Pour ce dernier billet du mois d'août, j'aurais vraiment préféré vous parler de tout autre chose. Mais je m'en voudrais de ne pas saluer la mort brutale hier à 67 ans d'Alain Corneau.

On aimerait que cette longue liste de morts, dûes au cancer, qui affecte le monde du cinéma prenne vite fin, (Dennis Hopper, Bernard Giraudeau, Satoshi Kon, sans oublier Laurent Terzieff ou Bruno Cremer) car elle nous prive d'artistes de talents, et aussi, du coup, ce blog a une fâcheuse tendance à prendre des airs de pages d'avis de décès...

Dans ces années 70 où il apparut dans le contexte d'un cinéma français un peu flou, une fois la Nouvelle Vague retombée, Corneau fait partie des cinéastes - avec Sautet, Tavernier, Claude Miller ou encore André Téchiné - qui réussirent à concilier exigences personnelles d'auteur et succès publique.
Leur point commun à tous ? Un amour immodéré du cinéma et des acteurs.
Alain Corneau pensait, respirait, vivait, par, et pour, le cinéma.... Un esprit ouvert et enthousiaste, à la curiosité insatiable, grand lecteur, fou de ciné et de jazz - son film "Le Nouveau Monde" retrace ses années d'ado découvrant l'Amérique et sa culture - à l'énergie et à la passion communicatives.

Hommage de son quasi-frère de cinéma Bertand Tavernier :
"Un ami, un cinéphile pointu, curieux de tout. Il était profondément aimé, par ses acteurs, par ses producteurs et je crois par le public. Il nous laisse des films uniques et extrêmement personnels même si sa grande pudeur le conduisait à se cacher souvent derrière le cinéma de genre."

Et du genre polar, noir de chez noir, tendu, sans concessions... C'est ainsi que Corneau a d'abord imprimé sa marque avec les remarquables "Police Python 357", "Le Choix des Armes" et surtout "Série Noire" qui renouvelaient le policier à la française avec une constante exigence artistique, une âpreté et une rigueur dignes de JP Melville et une direction de (grands) acteurs de grande classe.










Qu'on se souvienne des prestations de Montand-Signoret (Police Python) ou celle, d'anthologie, d'un Patrick Dewaere désespéré et impérial dans "Série Noire", certainement son chef-d'oeuvre.

Témoignage de Corneau à la fin des années 80 sur Patrick Dewaere :



Si l'homme adorait les polars - il disait en visionner quasiment un chaque soir ! - il eût aussi le courage de ne pas s'y limiter dans les années 80/90, se risquant d'une fresque coloniale classique (Fort Saganne) à un austère film à costumes sur la musique baroque (Tous les matins du monde, triomphe en salles, 7 Césars en 1992) en passant par un film introspectif sur la perte d'identité (Nocturne Indien, sorte d'auto-portrait déguisé).











Un parcours singulier, non exempt d'échecs artistiques et publics (la comédie Le Prince du Pacifique ou son remake inutile du Deuxième Souffle de Melville) et de films en demi-teinte (Le Môme, Le Cousin, polars atypiques).
Les années 2000 auront été de fait plus erratiques pour lui, peinant à retrouver sa maîtrise passée, hormis "Stupeurs et Tremblements" avec la pétulante Sylvie Testud.

Mais si Alain Corneau me touchait vraiment, c'était aussi pour l'exceptionnelle qualité humaine d'un homme dont tout le monde s'accorde à dire qu'il était d'une simplicité et d'une chaleur rares dans ce métier.

Témoignage audio de Jacques Dutronc :


On se consolera - bien difficilement - en reparcourant sa filmographie ou plus simplement en allant voir son tout dernier film à l'affiche, sorti le 18 août dernier, "Crime d'Amour" avec Ludivine Sagnier et Kristin Scott-Thomas :



Mais j'avoue que voir partir si vite un artiste qui aurait dû encore longtemps nous offrir de nouveaux films ressemble tout de même à un beau gâchis.
Bon, maintenant, si on arrêtait les dégâts, SVP ?

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