Nouvelle et avant-dernière étape de mes chroniques livres lus les étés passés. En l'occurrence, un de mes meilleurs souvenirs de lecture, dû à l'écrivain Joseph Boyden :
Impossible d'oublier ce roman à la force d'évocation rare, périple âpre et inspiré sur la guerre de 14/18 vécue aux côtés d'Amérindiens engagés dans l'armée canadienne partis sur les sentiers de la gloire et happés dans la folie meurtrière que fut ce premier conflit mondial.
"Un roman brillant et sombre à la fois. Il vous fera peut-être souffrir, mais ça en vaut véritablement la peine. Irrésistible."
C'est le grand auteur américain Jim Harrison, qui a salué ainsi les premiers pas de son jeune confrère...
"Un roman brillant et sombre à la fois. Il vous fera peut-être souffrir, mais ça en vaut véritablement la peine. Irrésistible."
C'est le grand auteur américain Jim Harrison, qui a salué ainsi les premiers pas de son jeune confrère...
Étonnant qu'un roman si maîtrisé, d'un souffle épique constant soit en fait le premier ouvrage de ce jeune auteur, par ailleurs aux origines multiples (écossaise, irlandaise et amérindienne, de la tribu des Cree).
Un livre à la construction originale alternant deux récits croisés : d'un côté, le plongeon dans les horreurs de la guerre de Xavier et Elijah, chasseurs indiens mués en tireurs d'élite de leur section ; de l'autre, durant le voyage qui les ramène chez eux, le récit de l'histoire familiale par Niska, vieille indienne venu accueillir celui qu'elle croyait être Elijah, en fait son propre neveu Xavier porté disparu, malade et détruit par la guerre.
Au fil de l'eau de cette lente traversée en canoé prend vie un somptueux hommage à la mémoire de ces combattants oubliés, rayés de la mémoire de la Grande Guerre et de l'histoire du Canada.
Et surtout, un des plus puissants romans ressuscitant au plus vif l'enfer des tranchées, la routine terrible des tueries quotidiennes successives, le cauchemar des champs de bataille, surtout l'effroyable bataille de Vimy en 1917.
Extrait :
"Je dirais aux anciens les choses étranges que j'ai vues (...) les patrouilles, la nuit, quand on se faufile comme un renard pour aller réparer des fils de fer et nettoyer les cratères ennemis, et les obus, qui arrivent en sifflant de nulle part, un beau matin, pour arracher les bras, la tête, les jambes de l'homme auquel vous parliez la veille."
Extrait :
"Je dirais aux anciens les choses étranges que j'ai vues (...) les patrouilles, la nuit, quand on se faufile comme un renard pour aller réparer des fils de fer et nettoyer les cratères ennemis, et les obus, qui arrivent en sifflant de nulle part, un beau matin, pour arracher les bras, la tête, les jambes de l'homme auquel vous parliez la veille."
Plus encore que la violence des combats, Boyden décrit dans un style ample et incarné la logique guerrière qui fait disparaître un peu plus chaque jour l'humanité des combattants, le goût du sang qui s'empare d'eux, le basculement dans la folie meurtrière que vit le farouche Elijah, comme passé de l'autre côté de l'humanité :
"Alors McCaan s’emploie à bander la plaie, mais nous savons tous que ça ne sert à rien. Je me penche sur le visage de Sean Patrick et je plonge mes yeux dans les siens : il me répond par un regard de pure terreur.
Moi, je souris pour le rassurer, lui faire comprendre que bientôt il sera sur le long chemin où il ne connaîtra plus la peur ni la douleur, le froid ni la pluie. Je vois que sa terreur recule un peu, en même temps que la lumière s’éteint dans ses yeux".
Un vrai "Voyage au bout de l'Enfer" littéraire, éprouvant mais magnifique, qui devrait vous hanter durablement.
Voici un futur classique, réquisitoire magistral contre la déshumanisation engendrée par la guerre et vibrant hommage d'un auteur à son peuple, inspiré par l'expérience passée de son grand-père.
Sitôt refermé ce "Chemin des Âmes" - à lire toutes affaires cessantes, S.V.P. - sachez que son auteur a aussi publié un très beau recueil de nouvelles "Là-haut vers le Nord", dépeignant le quotidien des Amérindiens, vivant dans leurs réserves entre débrouilles, désoeuvrement et espoir malgré tout.
Sans oublier de mentionner un deuxième roman "La Saison de la solitude" en 2009 que je n'ai pas encore lu, mais ça ne saurait tarder. Car Joseph Boyden est un talent à surveiller de très près désormais...
Le Chemin des Âmes, Albin Michel, 2006 et Livre de Poche, 2008, 480 pages, 6, 95 €
À lire également : Là-haut vers le Nord, Albin Michel, 2007 et Livre de Poche, 2010, 320 pages, 6, 50 €
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