mercredi 29 septembre 2010

CINÉMA. Le ciné a la foi. Des Hommes et des Dieux & Un Poison Violent

Hasard du récent calendrier des sorties, le cinéma français semble avoir retrouvé le chemin de la foi, pas encore vraiment la foi en son avenir, mais en tout cas celui de la foi religieuse comme thème principal.
Ainsi, "Un Poison Violent", première oeuvre de la jeune Katell Quilleveré et le très médiatisé cinquième film de Xavier Beauvois, "Des Hommes et des Dieux".

Sorti en plein été, mais visible uniquement en septembre de par chez moi (!), "Un Poison Violent" (Prix Jean Vigo 2010) est une chronique du passage à l'adolescence typique des premiers films des jeunes auteurs.
En ce sens, Katell Quilleveré s'inscrit sans originalité dans une certaine tradition du cinéma français, avec sa description d'une famille bretonne catholique.

Et surtout de sa benjamine Anna, 14 ans, à l'aube de sa confirmation solennelle et s'éveillant chaque jour de plus en plus au désir.

Anna, jeune fille apparemment sage dont le film conte la détermination à s'affranchir d'une éducation religieuse étouffante au milieu d'une cellule familiale éclatée : grand-père mourant (Michel Galabru) à l'anticonformisme plus vivace que la mère pieuse et malheureuse (Lio) depuis le départ du père volage (Thierry Neuvic).

Le film doit d'ailleurs beaucoup à ses jeunes acteurs, d'abord Clara Augarde, d'une justesse permanente, entre fraîcheur et résistance inquiète, ainsi que le jeune Youen Leboulanger-Gourvil en jeune Pierre très conscient d'éveiller les sens de la jeune fille.

Très jolis moments entre eux, élégamment négociés par une réalisation pudique : qu'elle accepte généreusement de lui montrer sa poitrine, ou que lui joue les tombeurs angélique en lui chantant sa flamme d'une voix de crooner ingénu.

Si le récit d'apprentissage sensuel se révéle d'une pertinence constante, ainsi que la description des rapports tendres et même troublants qui unissent l'enfant à son grand-père - un Galabru gouleyant en jouisseur athée - le film semble parfois prendre des détours de mélancolie languide appuyée du côté des adultes.

Ainsi, la mère bigote dépressive qui en pincerait pour le jeune et beau prêtre, parfois défaillant dans sa foi (Stefano Cassetti), façon "Léon Morin, prêtre" et tout paraît parfois se dérouler à une époque révolue avec sa description d'une province étriquée et datée.

Curieux film en fait, qui balance entre sage chronique ou charge sévère des effets dévastateurs d'une société aliénée par la religion (le discours culpabilisant du prêtre pendant la scène de la communion).
Alors, ce "poison violent", est-ce la religion ou l'amour ? Question soulevée par ce petit film qui, malgré certains creux et sa modestie, ne manque pas de grâce à l'image de son générique de fin, où retentit une version a cappella du célèbre "Creep" de Radiohead.

Mélange harmonieux du profane et du sacré : un bon résumé de ce premier jet d'une cinéaste à suivre.



"Un poison violent" (France, 2010). Réalisation : Katell Quilleveré. Scénario : Katell Quilleveré et Mariette Désert. Chef-Opérateur : Tom Harari. Production : Les Films du Bélier. Distribution : Sophie Dulac Distribution. Durée : 92 mn.

Avec : Clara Augarde (Anna), Lio (Jeanne, la mère) ; Michel Galabru (le grand-père) ; Stefano Cassetti (le père François) ; Youen Leboulanger-Gourvil (Pierre) ; Thierry Neuvic (Paul, le père).
sorti le 4 août 2010.

chronique sur Tadah ! Blog

J'imagine qu'il n'est nul besoin de vous présenter le sujet de "Des Hommes et des Dieux" (Grand Prix du Jury à Cannes), tant les médias ont salué à juste titre en détail la sortie de ce nouveau film de Xavier Beauvois.

Un sujet d'ailleurs assez surprenant de la part du metteur en scène habituellement urbain et réaliste de "Nord" ou du "Petit Lieutenant".

Mais cette tragique affaire de l'enlèvement puis de l'assassinat des moines de Tibhirine appartient de fait à tous et s'avère être un de ses meilleurs films, et surtout une oeuvre d'une constante dignité.

Refusant de faire un quelconque film-dossier qui expliciterait les circonstances de leur disparition et évitant toute volence racoleuse, Beauvois s'attache surtout à cette communauté d'hommes modestes exilé en Algérie, leur enracinement profond dans une population négligée pour laquelle, quoi qu'étant moines, ils sont devenus repères vitaux.

Et par là-même, il touche ainsi aux racines de leur foi, se traduisant par un engagement complet, une fraternité de fait réellement vécue, dénuée de toute vanité mystique et d'une constante humilité.

Existences simples, faites de tâches, rituels et devoirs qu'une mise en scène à hauteur d'homme filme comme un livre des Travaux et des Jours. Constamment perçus comme naturellement intégrés à cette rude région de l'Atlas - splendide photo de Caroline Champetier faisant écho discrètement à certaine tradition picturale, Le Caravage ou Claude Le Lorrain - Xavier Beauvois nous fait ressentir, face à la menace terroriste grandissante, le caractère crucial du choix de quitter ou pas le monastère, exposé par Frère Luc, arbitre de leur contradictions (Lambert Wilson).

Car, touchant non seulement aux fondamentaux de leur foi parfois vacillante devant l'adversité, mais aussi révélant tous les tourments qui les assaillent, les débats qui les animent et qui ne pourront conduire qu'à leur sacrifice, restituent à ces hommes d'église toute leur fragile humanité, susceptible de soulever chez le spectateur un questionnement sur ses propres choix personnels dans l'existence.

On comprendra d'autant moins certaine critique parisienne grincheuse, lue ici et surtout , qui, se laissant prendre au piège de l'aspect quotidien dépeint de leur existence, reprocherait au film son "manque de spiritualité ou de grâce" ? Vraiment, no comment.
Évitant tout illustration saint-sulpicienne, ce film épuré mais jamais austère, s'appuie de plus sur une interprétation au diapason, sans "performance" gênante, juste inspirée et habitée.

On retiendra, en toute subjectivité : Jacques Herlin, très touchant dans le rôle du doyen frère Amédée, le royal et malicieux frère Luc, médecin incarné par un toujours génial Michael Lonsdale, ou Philippe Laudenbach, sensible et tourmenté frère Célestin.

Après la (déjà célèbre scène) de leur repas final au son de Tchaïkovsky, le film se permet de conclure sur un blanc infini. Celui d'un tourbillon de neige qui ravit ces hommes à nos yeux, mais qui les inscrira pour longtemps dans notre mémoire.


"Des hommes et des dieux" (France, 2010). Réalisation et scénario : Xavier Beauvois. Chef-Opérateur : Caroline Champetier. Production : Why Not Productions. Distribution : Mars Distribution. Durée : 120 mn.

Avec : Lambert Wilson (Christian) ; Michael Lonsdale (Luc) ; Olivier Rabourdin (Bruno) ; Jacques Herlin (Amédée) ; Philippe Laudenbach (Célestin) ; Loïc Pichon (Jean-Pierre) ; Xavier Maly (Michel) ; Jean-Marie Frin (Paul) ; Sabrina Ouazani (Rabbia) ; Abdelhafid Metalsi (Nouredine).
sorti le 8 septembre 2010.

chroniques sur Hop Blog et De l'autre côté, perché avec le blanc lapin

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