mercredi 24 mars 2010

CINÉMA. Shutter Writer ou The Ghost Island ?

Sortis à une semaine d'intervalle, les nouveaux opus des deux grands cinéastes que sont Martin Scorsese et Roman Polanski, autrement dit, "Shutter Island" et "The Ghost Writer" semblaient se répondre comme deux oeuvres sinon jumelles, du moins complémentaires : deux films de genre, adaptés de romans à succès (respectivement de Dennis Lehane et Robert Harris).

Thriller psychanalytique pour Scorsese, et suspense politique chez Polanski, se déroulant tous deux sur une île isolée, avec héros pris au piège et révélation surprise finale.

Pour similaires qu'ils puissent paraître, les deux films se distinguent par un élément essentiel : leur mise en scène.
Si "Shutter Island" est du genre exercice de style, hommage au film noir années 50, avec mise en scène baroque et coups de théâtre, "The Ghost Writer" est un film plus sec, parfois tendu, au suspense réaliste, servi par une mise en scène millimétrée.

Qui sort gagnant de ce duel de cinéastes ? Sinon match nul, disons plutôt : match... neutre.

Le Scorsese s'avère assez décevant, malgré un bon début, avec un Leo Dicaprio tourmenté (trop?), Ben Kinsgley en docteur ambigü, l'impeccable Mark Ruffalo très sous-employé en faire-valoir, et un décor gothique spectaculaire...

Mais les scènes trop bavardes, le manque de rythme et la mise en scène bien ampoulée, voire emphatique, handicapent le film. Et les visions insistantes des camps de la mort, la scène finale du lac s'avèrent complaisantes, même inutiles.
Le plus inquiétant étant cette narration laborieuse, qui étonne de la part d'un des (ex?) meilleurs raconteurs d'histoires du cinéma. Du coup, le spectateur s'ennuie en attendant un final point trop surprenant, et ne sauvant pas le film à mes yeux pour autant...

Le cas "Ghost Writer" est autre : se reposant sur la précision de son scénario, Polanski nous embarque aux côtés d'un Ewan McGregor, naïf nègre d'un premier ministre anglais douteux, embarqué dans une enquête opaque à la recherche de la vérité.
Ce que le film réussit le mieux, c'est l'exploration d'un univers clos : l'île elle-même, la maison-bunker où les personnages se côtoient comme des insectes emprisonnés, la sensation d'emprisonnement gagnant aussi le spectateur.

Mais, malgré sa fine observation des coulisses du pouvoir, sa critique des États-Unis, et son humour ironique, le film se révèle décevant dans sa conclusion (tout ça pour ça ?) et dépourvu de réel enjeu. Une horlogerie un petit peu artificielle, au bout du compte.

Résultat des courses : j'avoue une préférence pour le Polanski, mais vraiment sans conviction... Je suggère à ces cinéastes doués de mettre leur talent au service de sujets plus impliquants, et pas uniquement de vouloir nous distraire avec des mécaniques scénaristiques un peu vaines.

Shutter Island (U.S.A., 2010). Réalisation : Martin Scorsese. Scénario : Laeta Kalogridis d'après Dennis Lehane. Chef-Opérateur : Robert Richardson. Musique : Robbie Robertson. Production : Martin Scorsese/Paramount Pictures. Durée : 137 mn.

Avec Leonardo DiCaprio, Mark Ruffalo, Ben Kingsley, Max Von Sydow.

La bande-annonce du film :

The Ghost Writer (G.B./All/Fr, 2010). Réalisation : Roman Polanski. Scénario : Roman Polanski et Robert Harris, d'après ce dernier. Musique : Alexandre Desplat. Production : Robert Benmussa et Alain Sarde. Durée : 128 mn.

Avec Ewan McGregor, Pierce Brosnan, Olivia Williams, Kim Catrall, Eli Wallach.

La bande-annonce du film :

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