Le Salon du Livre de Paris vient d'ouvrir ses portes jusqu'au 31 Mars, en appâtant l'amateur avec ses milliers d'ouvrages qui lui tendent les bras sans souvent savoir lesquels choisir. Pour couper court à ce dilemme, machine arrière, toute !
Je pars dénicher avec un brin de nostalgie ces bons vieux livres de poche qui traînent dans les tiroirs, sur les armoires ou sur les tablettes poussiéreuses d'une table de nuit.
Premier à ouvrir la liste : un de mes livres de chevet, je n'ai pas eu à chercher bien loin pour le retrouver : "L'Attrape-Coeurs", le livre-culte de JD Salinger, récemment disparu à 91 ans, le 28 janvier dernier. Le roman d'un adolescent en crise, Holden Caulfield, renvoyé de son école et le récit de sa fugue durant trois jours dans un New York hivernal, d'une écriture dialoguée inventive pour l'époque.
Ah, ce bon "Vieux Holden", grand enfant perdu dans New York, désabusé, déboussolé, mais si lucide. Sa colère devant l'hypocrisie du monde adulte, ses questions sur ce que deviennent les canards de Central Park en hiver, ses dialogues nocturnes touchants avec sa petite soeur Phoébé.
Ah, ce bon "Vieux Holden", grand enfant perdu dans New York, désabusé, déboussolé, mais si lucide. Sa colère devant l'hypocrisie du monde adulte, ses questions sur ce que deviennent les canards de Central Park en hiver, ses dialogues nocturnes touchants avec sa petite soeur Phoébé.
À un moment délicat de ma vie de jeune adulte, ce livre, lu quasi par hasard – mais le hasard existe-il ? - m’a consolé, m’a aidé à grandir, à mûrir, à accepter l’amertume de l'âge adulte. Pour tous ses lecteurs, pour parodier ce que chantait un certain : "on a tous quelque chose en nous de Holden".
Comme si, avant Salinger, aucun auteur n’avait vraiment cerné ce qu’est ce basculement de l’adolescence, ce vertige mêlé d’excitation et de dégoût pour l’âge adulte. Peut-être même a-t-il créé LA figure de l’adolescent en crise ? D’où la difficulté peut-être pour Salinger lui-même de vivre une vie d’adulte intégré par la suite.
Car du jour au lendemain, dès la sortie du livre en 1951, il devint, contre son gré, un écrivain-star.
Un auteur-culte, malgré une oeuvre fort brève : hormis "L'Attrape-Coeurs" (The Catcher In The Rye), Jerome David (réduit à JD) Salinger publia seulement deux recueils de nouvelles, dont un recueil célèbre de "Nouvelles" (1953) et un roman, "Franny & Zooey" (1961), explorant la vie de la famille Glass, clan de surdoués excentriques.
Et malgré ou à cause de ce succès envahissant (un des romans capitaux du XXème siècle, qui fait partie des 25 plus grands best-sellers de la littérature américaine), il se réfugia dès 1965 dans un silence complet, qui le transforma en mythe littéraire définitif. De fait, les médias, toujours simplistes, l’ont vite réduit à la figure de "l’écrivain-ermite-reclus". No comment.
Lui qui refusait toujours de jouer les gourous, et qui avait si magistralement posé le problème : "comment rester pur et intègre en ce monde ?" sans y apporter la moindre réponse. Un écrivain vite contraint au silence créatif, impasse artistique assez tragique, mais dont l'oeuvre nous parle toujours autant.
Et si j’ai une certaine estime pour Frédéric Beigbeder, c’est surtout pour l’attachement éperdu qu’il éprouve pour la figure de Salinger. Gageons qu'à sa mort, nous n'avons pas été les seuls à nous sentir presque orphelins.
Dernière chose : j'ai eu la chance de lire ce livre unique dans la traduction de 1953, celle de Jean-Baptiste Rossi, autre nom de l'écrivain Sébastien Japrisot, l'auteur de "L'Été Meurtrier". Tous les fanas français de "L'Attrape-Coeurs" vous diront qu'elle est bien meilleure que toute celles parues depuis.
Seule option qui s'offre à vous : courir sans tarder chez les bouquinistes.
Photo du livre : Blake.
Après avoir lu votre article, j'ai couru vers ma bibliothèque pour vérifier quelle traduction je possède. Et bien c'est raté! J'ai une traduction d'Annie Saumon (bien connue par ailleurs pour ses nouvelles hexagonales). Il ne me reste donc plus qu'à courir les bouquinistes comme vous le conseillez judicieusement, à moins qu'une bonne âme me prête la version de JB Rossi ;-)...
RépondreSupprimerAu contraire de vous j'ai lu l'Attrape-coeurs à l'âge adulte, à un moment délicat de ma vie, ce livre nécessaire à mon sens m'a alors replongé dans tous les questionnements adolescents qui finalement ne nous quittent jamais vraiment, et a été pour moi salutaire.
J'ai à présent très envie de lire Franny et Zooey...
En fait je l'ai lu vers 21/22ans, à l'âge où l'on est plus un adulte, mais pas encore un adulte... À moins que ce n'ait été une crise d'adolescence tardive ! À tout âge, en tout cas, relire Salinger est capital. J'envie ceux qui n'ont pas lu le livre et ne connaisent pas encore ce "Vieux Holden"...
RépondreSupprimerÉvidemment, je voulais dire ..."à l'âge où l'on n'est plus UN ENFANT. Sinon, ça n'a pas de sens ! Quoique...
RépondreSupprimerComme Lolabebop, je me suis aperçue que je possédais la traduction d'Annie Saumont et j'ai donc très envie de me procurer celle de Jean-Baptiste Rossi ! Je l'ai lu il y a un peu plus d'un mois, j'avais 22 puis 23 ans. Je suis heureuse de l'avoir lu maintenant car je sais qu'il aurait eu moins de sens pour moi si je l'avais lu plus tôt... Mais de toute façon, pour moi, L'attrape-coeurs touche vraiment à l'humain, pas seulement à l'adolescence. =)
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