mercredi 22 septembre 2010

CHANSON. Katerine vs Bertrand Belin

















J'ai pris goût au principe... Profitant du hasard qui a vu paraître ce lundi 20 septembre les nouveaux albums de deux artistes de la scène française, voici donc encore un petit match : à ma gauche, le trublion absurde Philippe Katerine ; à ma droite, le discret et mystérieux Bertrand Belin.

On se réjouissait de retrouver la fantaisie et l'imagination du plus imprévisible des chanteurs français, Katerine le dandy farfelu, d'autant que sa dernière livraison "Robots après tout", qui contre toute attente l'avait propulsé "vedette décalée", remontait déjà à cinq ans.

Précédé au printemps de "Bla Bla Bla" et surtout du déjà culte et discrètement subversif "La Banane", ce nouvel opus se distingue, non seulement par sa pochette volontairement kitsch déjà détaillée ici, mais aussi par son concept de 24 chansons-vignettes, aux textes courts en forme de slogans.

Autant de mini-tableaux, parfois acides, épinglant l'absurdité de nos vies quotidiennes ("il parle dans la rue avec un Té-lé-phone") bâtissant une chanson sur une célèbre Musique d'ordinateur, tombant amoureux d'un accord musical (La Musique) ou réécrivant à sa façon la devise nationale (Liberté).

Démarche pas inintéressante, cher Monsieur Blanchard... Seulement, une fois accoutumé à ces iconoclastes pochades de non-sens, dont certaines vraiment hilarantes (Comment tu t'appelles ? Philippe !!!) force est de reconnaître que leur impact s'évente rapidement et qu'elles s'évaporent presque de suite.

La raison principale est surtout le gros manque musical ressenti, peu d'arrangements, ainsi que des tics vocaux assez lassants. Au moins, dans le disque précédent, il y avait une atmosphère (électro-dadaïste) et de vraies chansons, dont la très belle "78-2008".

Ici, se limitant à des formules-slogans se voulant parfois paradoxalement trop porteuses de sens (les "signifiants" Bien Mal ou Juifs Arabes) ou du bâclé pas mémorable (J'aime tes fesses, À toi-À toi, assez irritantes) notre ami situationniste fan de l'Oulipo livre une sorte de pétard un peu mouillé, certes éminemment sympathique, mais trop volatile car vite digéré.


Plus touchant quand il brode sur des détails qu'on devine intimes (Parivélib', Sac en plastique ou Vieille chaîne), on en arriverait à préférer le Katerine qui s'éclate musicalement dans son exercice de reprises hebdomadaires auxquel il s'adonne depuis janvier dernier, disponible en cliquant ici.

Excusez du peu : des "classiques" inscrits dans la mémoire collective comme Capri c'est fini, C'est la ouate, Maman a tort, Papayou, C'est lundi, etc... repris avec des potes musiciens méchamment barrés. Anecdotique sans doute, mais finalement plus vivant et plus jouissif.
 
Allez, sans rancune, Philippe. À vérifier sur scène, peut-être plus propice à un joyeux délire festif...
 
Katerine. "Philippe Katerine" (Universal Music) ♥
à découvrir en digital sur Deezer et sortie de l'album le 27 septembre
chroniqué sur Hop Blog et Des Oreilles dans Babylone




Autant vous le dire : difficile de faire plus différent que Katerine avec le disque de l'outsider Bertrand Belin.

Guitariste doué ayant collaboré avec des artistes comme Néry, Nosfell et même ... Bénabar (mais il y a prescription), le discret Bertrand nous invite à un étrange voyage musical sur son nouvel album "Hypernuit".

Étrange car feutré, et comme détaché des contingences terrestres, le musicien nous convie en des terres qui semblent de prime abord arides et désolées, accompagnement musical dépouillé oblige.

Sur le magnifique "Hypernuit" morceau qui donne son nom à l'album, le titre ne ment pas : le climat est bien à la nuit tombée, du style voyageur égaré en rase campagne.
Texte évocateur d'une vengeance à venir, mystérieux et elliptique, accords folk de guitare obsédants et surtout voix profonde de Belin, grave et détachée, au phrasé déstabilisant découpant curieusement les syllabes, seule afféterie qui risque d'agacer certains.
Certains citent déjà Bashung pour quelques similitudes musicales et vocales, mais cela me rappelle aussi le climat entre chien et loup des albums de Rodolphe Burger, sans compter la voix.

Expérience envoûtante, le disque ne se laisse pourtant pas apprivoiser si vite. Il faut y revenir car son apparente monotonie pourrait laisser croire qu'il n'est pas vraiment habité par son auteur.
 
Aspect trompeur : les très abordables "Avant les forêts" ou "La chaleur" ourlés d'une jolie voix féminine séduisent de suite, mais une longue pièce comme "Tout a changé" ou le sombre "Ne sois plus mon frère" intriguent encore plus, par l'hermétisme des textes peut-être - Belin dit avoir créé et chanté les textes directement sur les musiques - mais aussi par le caractère d'intensité distante, un peu inquiétante, mais toujours élégante.
Avec ce troisième album, après Bertrand Belin (2005) et La Perdue (2007), Belin s'inscrit dans le renouveau d'artistes comme Arman Méliès, Bastien Lallemand, Florent Marchet ou Arnaud Fleurent-Didier, jeunes chanteurs développant chacun à leur façon une chanson d'auteur, étoffant année après année leur univers.

En dépouillant sa musique et son inspiration, l'insaisissable Belin pose ici le jalon d'une carrière à venir qui devrait s'avérer plus que prometteuse...
 
Bertrand Belin. "Hypernuit" (Wagram Music/Cinq 7) ♥♥♥

Résultat : victoire finale de la rigueur Belinesque sur la fantaisie Katerinesque

7 commentaires:

  1. salut Blake, toujours aussi sympa tes critiques. Celle de "oncle boonmmee" est très construite, je suis jaloux ;-)) moi qui suis vraiment passé à trois galaxies du film...
    Dis moi, les 52 reprises de Katerine, j'adore certaines d'entre elles mais elles sont introuvables en téléchargement, pas achetables...c'est cela ou j'ai mal cherché ? je suis vert car j'aimerais m'en passer certaines sur l'i-phone ...
    a+ et merci pour tes messages sur "de l'autre, côté, perché avec le blanc lapin..."
    dante.7

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  2. hello,

    découvert hier sur deezer et en écoute approfondie ce matin, le dernier Katerine se révèle à moi et j'avoue l'adorer... c'est comme des haïku surréalistes, décalées, à l'essence minimale et poétique...

    pour l'instant Des bisous, Parivélib, Vieille chaîne, Moustache... sont mes adorés

    ... et souvent au fil des chansons des clins d'oeils à des airs et samples si connus mais discrets de notre grenier musical... une histoire de souvenirs partagées... si on a envie de se laisser guider par le fantasque et disjoncté Katerine... moi je dis un grand OUI...
    bon samedi l'ami et les autres

    amitiés

    christo

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  3. Bonjour,

    J'ai bien aimé cette critique qui pouvait surprendre au premier abord vu la différence d'ambiance des 2 disques... Pour ma part, çà fait quelques jours que le Belin tourne en boucle sur mes platines, avec simplement une interruption hier pour réécouter Katerine, histoire de changer d'ambiance !

    Le disque de Katerine est sympa en tant qu'ovni... mais quand on réécoute les anciens opus du bonhonne, c'est vrai que çà ne soutient pas la comparaison, ne serait-ce qu'au niveau musical.

    Belin, à l'inverse de Katerine, il faut faire l'effort de l'écouter pour bien rentrer dedans, perso plus je l'écoute plus je suis accro.
    Quand on lit les textes des paroles seules, çà n'a certes rien d'exceptionnel - mais c'est justement une des qualités de cette oeuvre, à savoir que paroles et musique forment vraiment un tout.

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  4. Merci pour l'appréciation, ça fait toujours plaisir...
    Je vois que le Belin exerce sa petite fascination hypnotique et que du coup, Katernine remplit bien son rôle de bouffon distrayant...

    Bienvenue ici en tout cas et à bientôt, peut-être ;-)

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  5. d'abord, un grand merci à tous pour votre fidélité et votre soutien réguliers

    @christo : bonjour, ravi que le Katerine t'enchante à ce point. J'aime beaucoup le personnage et son humour, mais justement, "Qui aime bien châtie bien". Sa démarche de simplification est très réjouissante et porteuse de bons moments, mais sur la longueur m'a laissé sur ma faim, surtout musicalement, d'où ma certaine sévérité. Je ne peux pas juger de la postérité de son album mais l'écoutera-t-on vraiment très longtemps ? En plus, Katerine, a tendance à s'enfermer dans l'habit de l'hurluberlu de service, j'ai peur que ça lasse vite son monde. Wait and see... En tout cas, à bientôt

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  6. Salut Blake,
    Bel article sur deux excellents artistes même si chez l'uluberlu Katerine je préfère les albums de ses débuts (notamment Huitième Ciel avec ce superbe morceau http://www.youtube.com/watch?v=YAKFGdnXdwE)

    Chez Belin c'est l'inverse il semble se bonifier avec le temps, dépouillant toujours plus sa création. Et Hypernuit semble être, à ce jour son meilleur opus.
    De passage à Bordeaux j'ai eu la chance de pouvoir le rencontrer pour une interview radio dispo ici :
    http://boomboomerang.blogspot.com/2010/12/interview-bertrand-belin.html

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  7. merci pour l'appréciation, ça fait tjrs plaisir ... suis d'accord, "Huitième ciel" est un bel opus katerinien (sur l'album j'aime bien "Des étoiles") ... et je vais écouter cette interview dès que j'ai un moment de libre ;-)

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