jeudi 30 septembre 2010

Memory Of The 80's, eternally (9). DAVID SYLVIAN

Ce "Memory of the 80's" de la semaine triche un peu avec son intitulé. En effet, cela aurait tout aussi bien pu être un "Memory of the 90's", voire "70's et même "2010", tant son auteur possède un long parcours entrepris depuis plus de trente ans. Mais l'ayant découvert au coeur de mes années 80 pré-adolescentes, il est pour moi attaché à cette décennie. En l'occurrence, cette première chanson choisie est une authentique "chanson qui me trotte dans la tête", ce depuis bien longtemps.

Paru en 1991, on doit ce titre subtil et envoûtant à l'un des musiciens esthètes les plus haut de gamme de la pop et de la sphère musicale contemporaine. L'album "Rain Tree Crow" cachait en fait des retrouvailles uniques et non renouvelées depuis avec la formation originale avec laquelle il avait débuté en 1978.
Autrement dit, sur "Black Water", David Sylvian renouait avec ses ex-complices de Japan :


Japan, groupe new wave sophistiqué qui révéla la classe unique de Sylvian, comme un fils glam-pop héritier du charisme de David Bowie et du dandysme vocal de Bryan Ferry. Cinq albums entre 1978 et 1982, quatre ans d'étincelles pop dans les charts et puis s'en vont.
Pour que l'artiste, sous l'égide du maître Ryuichi Sakamoto, qui révéla à tous les vertus de sa voix grave et douloureuse de chamane sans âge sur la chanson "Forbidden Colours" du film culte "Furyo", aille durant sa carrière solo débutant dans les 80's défricher des paysages sonores inexplorés :



Je ne peux mieux comparer le travail de Sylvian qu'à celui d'un peintre, alternant les styles et les périodes, les harmonies et les ambiances musicales, à l'image d'un artiste-plasticien disposant les formes et les couleurs sur ses toiles.
Ainsi, dans son parcours exigeant, Sylvian sera tour à tour orientalisant, contemporain, post-moderne, abstrait ou pop-art au gré d'albums élaborés avec la crème de musiciens savants : Robert Fripp (King Crimson), Holger Czukay (Can), David Byrne (Talking Heads) ou le grand trompettiste Jon Hassell.













Le bien-nommé "Brilliant Trees", splendide premier opus de 1984 (j'ai toujours la K7 d'époque), montrait déjà la voie que Sylvian suivrait ensuite, en solitaire très entouré, entre ambient music, expérimentations jazz, rock progressif et perles pop zen. Ainsi que "Dead Bees On A Cake", son album ample et maîtrisé d'inspiration indienne de 1999, deux disques constituant les pierres angulaires de son oeuvre, résumée dans l'excellente compilation "Everything & Nothing."

Mais son album de coeur s'avère être pour moi son "Secrets Of The Beehive" de 1987 :

Disque atmosphérique, intimiste, méditatif et "coconneux", cet album au parfum automnal vivace comme une senteur retrouvée, renferme tout le savoir-faire d'artisan de luxe de Sylvian en matière de ballades languides et élégantes d'une douceur architecturée, aux silences évocateurs et à la mélancolie apaisante (Mother And Child, When Poets Dreamed of Angels, Waterfront).
Si ultérieurement, il se montrera à l'occasion parfois plus austère ou désincarné car plus expérimental, produit ici par Steve Nye il réussit la difficile harmonie de la rigueur orchestrale - admirables arrangements de guitare acoustique, cordes et  piano signés Sakamoto - et de l'émotivité vibrante.

En témoignent les deux bijoux du disque, le magnifique "The Boy With The Gun" :



et le somptueux "Orpheus" :


On n'écoute pas vraiment à la légère le spleen élaboré de David Sylvian - dont on retrouve à l'occasion l'empreinte dans la musique du trop discret Perry Blake - mais renouer de temps à autre avec son oeuvre rigoureuse nettoie les oreilles de certaines impuretés pop indésirables accumulées au fur et à mesure des années.

En ce début d'automne - saison "sylvianesque" par excellence - l'occasion est idéale de vous annoncer la sortie le 27 septembre d'un nouveau disque, "Sleepwalkers" chez Samadhisound, compilation de titres composés au gré de ses collaborations multiples (Sakamoto, Christian Fennesz, son frangin Steve Jansen), une spécialité de l'artiste à la curiosité musicale insatiable.

Par exemple, saviez-vous qu'il a enregistré un duo avec les new yorkais de Blonde Redhead ? *

Un avant-goût, avec ce "Wonderful World" délectable où vous reconnaîtrez la douce voix de la trop rare Stina Nordenstam :



Et quoi de mieux pour refermer (déjà) ce mois de septembre, que de se séparer au son du "September" qui ouvrait "Secrets Of The Beehive" ? La boucle Sylvian est ainsi bouclée.



Tracklist :
1. September
2. The Boy With The Gun
3. Maria
4. Orpheus
5. The Devil's Own
6. When Poets Dreamed Of Angels
7. Mother And Child
8. Let The Happiness In
9. Waterfront
10. Promise (The Cult Of Eurydice)

David Sylvian. "Secrets Of The Beehive" 1987 (Virgin Records)
CHEF-D'OEUVRE ♥♥♥♥♥

Secrets Of The Beehive en écoute sur deezer ainsi que Brilliant Trees
Black Water, The Boy With The Gun et Orpheus en écoute sur la Mini Playlist 80's

* "Messenger" sur "The Secret Society Of Butterflies" EP de Blonde Redhead en 2005

8 commentaires:

  1. Salut Blake, frère de blog (spot).. superbe chronique sur Sylvian très complète...super blog aussi, (je te mets en lien).
    Je suis d'accord avec toi pour cet artiste, perso je suis très fan de la période Samadhisound / www.leschroniquesdecharlu.blogspot.com

    byeee
    charlu

    RépondreSupprimer
  2. Bienvenue Charlu

    Merci pour ton commentaire sympa, et j'ai bien aimé ton article sur "Sleepwalkers" et ton angle d'attaque. Il me semble, en plus, que tu connais encore mieux le parcours de Sylvian !

    Et bravo pour tes belles toiles qui dégagent d'ailleurs le même genre de climat suspendu que ses morceaux. Frère d'âme apparemment :-)

    À très bientôt...
    (ajouté dans les liens aussi)

    RépondreSupprimer
  3. Pour le parcours de Sylvian, je suis très très accroc à sa période Samadhisound, avant je n'ai que la compile avec le chien. C'est pour cela que j'ai beaucoup appris grace à ta chronique, et je pars à la chasse aux disques.
    Merci Blake pour ton commentaire sur les toiles.
    Nous avons pas mal de gouts musicaux en commun... comment fait on pour mettre une liste dans "post it" ?? voir le titre des chroniques est une super idée. Je vais fouiller.

    A+ merci pour ton ajout

    Charlu

    RépondreSupprimer
  4. Belle évocation du musicien complexe qu'est David Sylvian.
    Je regrette l'oublié "Gone to Earth" dans la chronique.
    Album magnifique traversé (entre autres) par les éclairs de génie de deux guitaristes : Robert Fripp et Bill Nelson.

    Jo Lejeune

    RépondreSupprimer
  5. D'abord, merci beaucoup, c'est gentil.
    Et c'est vrai que j'admets avoir omis le "Gone to Earth", mais comme je ne tenais pas à être vraiment exhaustif (déjà que je fais un peu long), j'ai opéré des choix très personnels, je l'avoue.
    À bientôt... :-)

    RépondreSupprimer
  6. Bonjour Blake,

    Je suis ravi de découvrir ton blog et ce sujet sur Sylvian, musicien que j'adule littéralement depuis 1984...
    C'est pour moi un des plus grands artistes que j'ai eu à découvrir, écouter, apprécier, adorer.
    Plus que sa voix profonde et chaleureuse, c'est sa démarche en tant que musicien intègre qui me touche terriblement.
    Cette démarche qui le pousse à expérimenter à chaque album tout en restant si émouvant...
    Je ne trouve pas d'autres artistes aussi intéressant mis à part Mark Hollis,mais qui, lui, est si peu productif.
    Cela m'a fait beaucoup de bien de lire ta chronique, vraiment.

    RépondreSupprimer
  7. merci de tous ces compliments Didier, ça fait chaud au coeur :-)
    Je comprends ta passion pour Sylvian, c'est vrai que c'est un artiste exigeant et rare, et pour peu qu'on ait craqué la 1ère fois, difficile de s'en défaire après.
    Mark Hollis est de la même trempe, mais je me demande s'il n'aurait pas abandonné la musique depuis le temps.

    J'avais éprouvé une certaine exaltation, croyant avoir trouvé un héritier à Sylvian, à l'écoute des premiers albums de l'irlandais Perry Blake (oui, Blake) (st,1998) et « Still Life » (1999), mais pas vraiment confirmée, sa musique ayant versé dans la banalité fade depuis.
    C'était d'ailleurs un grand fan de Sylvian et Japan, une pensée d'ailleurs au passage pour leur ex-bassiste Mick Karn très récemment disparu...

    Et tu reviens quand tu veux ici ;-)

    RépondreSupprimer
  8. En effet, j'ai moi aussi cru que Perry Blake aurait pu être de cette trempe d'artistes, mais le destin et surtout l'incapacité de celui ci à se remettre en question ont fait que sa musique est devenue d'une fadeur abyssal...
    Dommage car j'avais adoré le premier album éponyme et le second "Still Life...
    La suite est désastreuse et Françoise Hardy ne doit pas s'en être remise depuis...

    RépondreSupprimer