vendredi 30 septembre 2011

La parenthèse JONO McCLEERY

Alors que la rentrée musicale bat son plein et que les disques à écouter commencent à s'accumuler (Wilco, Zola Jesus et consorts) voilà que je prends déjà un chemin de traverse en allant écouter un peu ailleurs... Effet de la chaleur ou pas, mes oreilles en quête d'apaisement sont tombées par hasard sur "There Is", session de rattrapage impromptue pour un disque paru depuis le 5 septembre.

Déjà estampillé de l'encombrante étiquette de "nouveau James Blake", le dénommé Jono McCleery pourrait être abordé comme un suiveur de saison s'il n'affichait déjà un parcours de folk singer classique entamé avec le mini LP "Darkest Light."

Trêve de références, on écoute et l'aventure retient alors l'attention, mais avouons-le, pas tout de suite : les premiers morceaux, entre dubstep à la James Blake et intonations soul trop proches d'un Kezia Jones (!) agacent un peu et sa reprise de l'anecdotique succès années 80
de Black "Wonderful Life" ne s'impose pas. C'est en fait à partir de "Tomorrow", lent et fascinant quatrième titre, suspendu et atmosphérique, que le cas McCleery commence à intriguer, voire captiver.

"Tomorrow" (version courte) :


Très vite, l'analogie James Blake s'efface un peu, car l'espace esquissé par ce nouveau londonien dessine d'autres paysages, au son moins électro, aux paysages résolument moins novateurs et plus classiques mais pas moins flottants, se frottant au soft jazz et à l'acoustique, descendant du folk de John Martyn, frère pop du Blue Nile ou cousin des anglais Fink ou The Cinematic Orchestra.











Pour lâcher ces sempiternelles comparaisons, disons que la pop en apesanteur de McCleery, pour peu qu'on s'abandonne à sa voix superbe de soulman blanc et à son apprivoisement instrumental de l'espace, distille un calme contemplatif à l'atmosphère changeante, aux échos d'orages à la Radiohead (Garden), de soul music au groove recueilli (superbes Home et It's All) ou d'images bucoliques dignes du folk anglais (The Gymnopedist, moment de grâce voltigeuse).

Étrange album qu'on aurait tort de prendre pour un copié-collé opportuniste de James Blake puisqu'il cherche moins ouvertement les effets électro-dubstep ou à créer de nouveaux espaces sonores. D'une autre manière, il n'en est pas moins un disque libre, à la croisée entre folk et soul music, mutation de blues antique et pop futuriste se basant sur l'instrumentation jazz :



Album à la fois classique et contemporain, on ne peut encore présager de l'avenir sonore à long terme de cet opus. Mais qu'il soit prochainement détrôné par un nouveau prétendant importe peu, tant par l'intemporalité de son inspiration, il risque de faire la joie de ceux - à mon avis nombreux - sensibles au talent de vocalistes inspirés, au spleen de Nick Drake, au groove de Gil Scott-Heron ou à la sensibilité d'un Thom Yorke.
On attend d'ailleurs vos avis.

Tracklist :
1. Fears
2. Garden
3. Wonderful Life
4. Tomorrow
5. It's All
6. Stand Proud
7. Home
8. Only
9. Tie Me In
10. Raise Me
11. The Gymnopedist
12. She Moves

Jono McCleery. "There Is" (Counter Records)
♥♥♥
Paru le 5 septembre
en écoute sur deezer & spotify et 3 titres sur la Playlist Pop
avis sur les inrocks, musique-culture et bon pour les oreilles

jono mc cleery.com

lundi 26 septembre 2011

L'échappée belle de PIERS FACCINI

Parfois les rencontres avec certains artistes prennent du temps. Ainsi, prenez le cas de Piers Faccini : découvert en 2004 lors de son album inaugural "Leave No Trace" sous influence du folk intimiste de Nick Drake, j'avoue avoir perdu de vue depuis le discret song writer après un deuxième volume avec la présence de Ben Harper (Tearing Sky), jusqu'à en avoir zappé son troisième essai en 2009 (Two Grains Of Sand).

Mais toujours se méfier de l'eau qui dort : voilà que le tenace "globbe-trotter singer" sort un nouvel opus que je n'attendais pas et qui se révèle pourtant d'une totale évidence.

Un beau travail d'orfèvre qui voit notre italo-anglais basé en France révéler toute l'ampleur lumineuse de son folk subtil en le frottant d'influences africaines, moyen-orientales, slaves ou tziganes et ainsi larguer la cohorte de ses rivaux folkeux grand public encombrant trop souvent le marché musical.

Sans jamais verser dans la world music plaquée, "My Wilderness" colore le folk pop toujours de bon goût de Faccini pour nous entraîner dans une libre virée entre continents, ballade balkanique et pop intimiste (The Beggar & The Chief), blues africain et folk blanc (les très réussies Tribe et Dreamer) signant des perles immédiates à damner tous les groupes actuels aspirants à l'afro pop :


Piers Faccini - "Tribe"









Une convaincante alchimie musicale qui le voit marier la mélancolie séminale du folk anglais (Richard Thompson, Nick Drake) et le blues malien d'Ali Farka Touré dans le même élan, serti d'arrangements lumineux et cristallins de cuivres et de cordes servis par des instrumentistes inspirés comme l'artiste malien Makan Tounkara, le trompettiste Ibrahim Maalouf ou le violoncelliste Vincent Segal.














Cet opus varié, plus dynamique et cohérent révèle un charme tenace, faussement classique, où son timbre de voix voilé bonifié par le temps touche lors d'introspectifs morceaux (l'émouvant Strange Is The Man en tête), le parallèle souvent évoqué avec Nick Drake ou Jeff Buckley ici justifié jetant le trouble.



Si le genre folk pop est devenu un créneau encombré souvent peu porteur de vraies richesses musicales, avec cet album plus original qu'il n'en a l'air, mariage très harmonieux de la mélancolie blanche et des climats du Delta africain, Piers Faccini, l'air de ne pas y toucher, vient de livrer une réelle réussite qui devrait inquiéter RayLaMontagne, Iron & Wine, voire Bon Iver : la preuve qu'en Europe aussi, on sait faire de très bons disques de folk moderne.

Tracklist
:
1. No Reply
2. The Beggar & The Thief
3. That Cry
4. Strange Is The Man
5. Dreamer
6. My Wilderness
7. Tribe
8. And Still The Calling
9. The Branches Grow
10. Say But Don't Say
11. Three Times Betrayed

Piers Faccini." My Wilderness" (Tôt ou Tard) sorti lundi 26 septembre 2011
♥♥♥♥

en écoute sur deezer & spotify
4 titres sur la Playlist Pop
articles sur les inrocks, bon pour les oreilles et blog-zik

Piers Faccini sera en concert avec Ibrahim Maalouf le 15 décembre à La Sirène, espace de musiques actuelles de La Rochelle, nouvelle scène rock rochelaise à l'excellente programmation. Ceux qui ont prévu de s'y rendre devraient donc m'y croiser, ainsi d'ailleurs lors des concerts d'I'm From Barcelona (12 octobre) ou Syd Matters et Tahiti 80 (26 novembre).

Version alternative - plus réussie à mon goût - de la pochette de l'album :

piers faccini.com
myspace

samedi 24 septembre 2011

LE CINÉ EN DOUCEUR. Restless ou l'art de la fugue

Retour vite fait au cinéma avec un joli moment de cette semaine ciné, "Restless" :

Avec son nouveau film, Gus Van Sant surprendra un peu son public en semblant musarder à la périphérie de son œuvre. Celle-ci semblait traditionnellement dévolue à, d’un côté, les films de commande grand public (Prête À Tout, Harvey Milk) et, de l’autre, les objets arty volontiers conceptuels (Gerry, Last Days).
Et ce, sans négliger la qualité de l’un ou l’autre de ses différents versants, le classicisme des uns équilibrant le radicalisme des autres, et inversement. "Restless" semble alors une discrète parenthèse dans sa filmographie, comme elle l'est surtout dans la vie de ses jeunes (anti) héros. À l’image du "Two of Us" des Beatles qu'on y entend, une modeste mais gracieuse bal(l)ade.
Avec son sujet "boy meets girl" typique - Enoch, jeune homme fragile rencontrant Annabel, jeune fille condamnée sans appel par le cancer, tous deux fascinés par la mort - le célèbre auteur d"Elephant" évite soigneusement le côté pur mélo de son sujet imposé en se tenant au centre même de ses éternelles préoccupations de cinéaste : filmer la jeunesse aux prises avec la mort.

Le tout, en optant résolument pour le mode mineur (Restless reste un film modeste qui jamais ne prétend à être autre chose) et une constante douceur : douceur de l’automne lumineux de sa ville natale Portland, douceur de l’image, élégante et soignée, douceur de l’idylle naissante entre les jeunes gens, douceur de leur physique d’angelots gracieux. Tous éléments au diapason de la petite musique qu’égrène sa jolie fable aux allures de rêve éveillé, mélancolie et douleurs secrètes y compris, pas seulement réservée au public des teen movies.


Si le début du film inspirera aux cinéphiles des souvenirs du classique "Harold et Maude" (le jeune Enoch hantant les enterrements de parfaits inconnus), si Annabel/Mia Wasikowska évoque une jeune Mia Farrow ou Enoch/Henry Hopper un jeune Dennis Hopper (normal c’est son fils et portrait craché du père!), pour peu qu’on accepte la fuite de la réalité aux allures de fugue empruntée par le couple, "Restless" est une charmante parenthèse désarmante de simplicité, filmant la jeunesse qui tente d’exorciser la mort à la manière de deux grands enfants.













Deux enfants excentriques, petits dandys en habits vintage refusant leur destin en dialoguant avec un ami fantôme imaginaire, s’émerveillant des chants d’oiseaux ou répétant avec ferveur la scène de leurs ultimes adieux.

Un goût pour une légèreté revendiquée qui, comme les jeux d’enfants, pourra se révéler confondante de naïveté désuète ou de joliesse un peu sage mais le plus souvent touchera par son mélange de gravité résignée et de douceur ouatée irréelle. Le tout distillant un charme voisin de celui de la comédie romantique "500 Jours Ensemble."

Petit film à la réalisation presque invisible (ça nous change chez l'américain, et plutôt en bien) qui touche l'air de rien aux choses graves de l’existence et évocation élégiaque de l’adolescence, ce micro-opus de Gus Van Sant aux airs de fugue distille une mineure mais radieuse morale : il n’est que temps que profiter du temps qui nous reste. Message reçu.

À signaler, toujours une impeccable bande-son pop chez l’ami américain : Elliott Smith, Bon Iver, Pink Martini, The Beatles, Nico et des compositions de Gus Vans Sant lui-même.



"Restless" (États-Unis, 2011). Sorti le 21 septembre 2011
♥♥♥♥
Réalisation : Gus Van Sant. Scénario : Jason Lew. Directeur de la photo : Harris Savides. Montage : Elliot Graham. Musique : Danny Elfman. Production : Imagine Entertainment & Columbia Pictures. Distribution : Sony Pictures France. Durée : 95 mn.
Avec : Henry Hopper (Enoch) ; Mia Wasikowska (Annabel) ; Ryo Kase (Hiroshi) ; Schuyler Fisk (Elizabeth Cotton). 

articles sur fluctuat.net et la houlette du hérisson

Bonus : le "Two of Us" des Beatles qui ouvre le film :

samedi 17 septembre 2011

LE CINÉ DE LA RENTRÉE. La Guerre est déclarée

Avec un jour de retard (c'est bien bon de batifoler sur Facebook, mais ça n'aide pas à écrire son billet), on poursuit nos séances ciné avec le film dont on a le plus entendu parler cette rentrée.

Si tout le monde sait déjà que "La Guerre est déclarée" depuis le 31 août, vu que c'était LE film attendu de septembre depuis son accueil triomphal en mai, je n'ai vu que cette semaine sur grand écran le combat de Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm contre le cancer qui affecta leur fils.
Porté par un rare emballement critique depuis sa présentation cannoise, "La Guerre est déclarée" ne prétend pourtant pas à être un "chef-d'oeuvre", effet indésirable de la déferlante médiatique l'entourant depuis et qui n'aura pour effet que d'en décevoir ou agacer certains.


Non, pour ceux - dont votre serviteur - qui avaient vu "La Reine des Pommes", charmant et délirant premier film de son auteur/trice, ce deuxième film est la confirmation du talent personnel, pétillant et ludique de Valérie Donzelli.

Prototype unique qu'elle-même et son ex-compagnon ont du mal à qualifier - ni drame, ni comédie, ni mélo - autant oeuvre plongeant dans l'auto-fiction que récit d'un combat intime contre le pire, "La guerre est déclarée" est un petit miracle de film vivant, physique et libre, volonté selon eux "de se débarrasser du mauvais et de conserver le bon".

Un positivisme se traduisant à l'écran par un dosage d'équilibriste entre le grave et le cocasse, le douloureux et le léger, mais toujours juste. Un refus du pathos et un contre-pied qui en font une vraie bouffée de vie, film d'action d'un très jeune couple contraint d'affronter le pire, petits soldats prenant d'assaut les hôpitaux et faisant face malgré tout ensemble.

Sentimental, souvent poignant mais sans chantage émotionnel ou trafic d'émotions falsifiées, le film est en fait moins le récit de l'aventure du petit Adam que celui de ses parents, unis dans l'adversité, poussés à l'énergie, mais détruits de l'intérieur et finalement séparés. Et tout cela dit sans la moindre amertume.

Jalousie du succès aidant, on reproche plein de choses à Valérie Donzelli, dont la principale serait de privilégier le fond sur la forme. Drôle de reproche pour un film plutôt malicieux, tourné avec un appareil-photo HD (!), joliment éclairé, où voix-off, énergie juvénile et bouffées de chanson sont autant de clins d'oeil à Truffaut, la nouvelle vague ou la comédie musicale.

Un film utilisant au mieux la musique, en accord profond avec l'humeur des scènes qu'elle introduit. Pertinente bande-son où Vivaldi, Yuksek, Georges Delerue, Jacno ou Peter von Poelh sont plus des vraies couleurs ajoutées au film (comme chez Xavier Dolan) que le banal habillage pop perçu par certains.

Non exempt de maladresses (interprétation flottante, Jérémie Elkaïm en tête), "La Guerre est déclarée" se révèle attachant aussi malgré/grâce à elles, vivifié par de jolis seconds rôles (Anne Le Ny, Frédéric Pierrot, mention spéciale au couple Michèle Moretti-Philippe Laudenbach) et s'avère un constant hommage au monde médical et à l'hôpital public dans son ensemble.

Au final, c'est surtout une bouffée d'un cinéma en liberté, humain et réconfortant dont le message positif n'irritera que ceux qui ont choisi de voir tout en noir, tout le temps, partout, même au cinéma.
Ça les regarde, mais l'art peut aussi se nourrir de sentiments simples, honnêtes et optimistes.



"La Guerre est déclarée" (France, 2011). Sorti le 31 août
♥♥♥Réalisation : Valérie Donzelli. Scénario : Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm. Directeur de la photo : Sébastien Buchmann. Production : Édouard Weil. Distribution : Wild Bunch. Musique : Vivaldi, Benjamin Biolay, Laurie Anderson, Yuksek, Jacno... Durée : 100 mn.

Avec : Valérie Donzelli (Juliette) ; Jérémie Elkaïm (Roméo) ; César Desseix (Adam bébé) ; Michèle Moretti (Geneviève) ; Philippe Laudenbach (Philippe) ; Anne Le Ny (Dr Fitoussi) ; Frédéric Pierrot (Professeur Sainte-Rose) ; Bastien Bouillon (Nikos) ; Gabriel Elkaïm (Adam à 8 ans).

avis divers : pour sur la houlette du hérisson, pour/contre sur télérama et contre sur chronic'art

rencontre publique avec Valérie Donzelli & Jérémie Elkaïm

le site du film

mercredi 14 septembre 2011

MIOSSEC. Avoir un bon copain

Qu'un billet sur le dernier Miossec figure ici est une chose qui m'étonne assez moi-même. Pas du tout que la figure du chanteur brestois me laisse indifférent, mais depuis quelques années on a épisodiquement suivi sa carrière qui faisait un certain surplace (excepté le beau "1964" de 2004), flirtant souvent avec une banale chanson-rock et retrouvant en fait rarement la verve de ses deux premiers albums "Boire" et "Baiser" fin des années 90.

Ainsi, l'écoute des "Chansons Ordinaires" commence mal : des titres courts d'un rock minimal à la prise de son brouillonne, brassant les mêmes textes désabusés chantés d'une voix courte, une première écoute qui passe plutôt dans l'indifférence.
Pourtant à s'y reprendre plus tard, son choix de revenir à un format rock plus serré se révèle une bonne idée, d'autant que passées les trois banales et mornes premières chansons, ce huitième album révèle une vraie énergie retrouvée.



Ne pourtant pas chercher de l'innovation musicale dans ce recueil de onze titres - tous débutant ironiquement par "chanson" - enregistré à l'instinct avec de jeunes musiciens proches de Dominique A après seulement trois jours de répétition. On n'y renouvellera pas les fondamentaux d'un Miossec, premier à critiquer la faiblesse de son chant, la tendance qu'aurait son inspiration à radoter ou la simplicité musicale de son approche.

Une fois que l'artiste a réglé lui-même lucidement son propre compte, c'est donc aussi pour ses limites qu'on peut estimer Miossec et prendre plaisir à ces retrouvailles. Comme retrouver un vieil ami perdu de vie (une thématique de l'amitié très présente ici) défauts y compris, mais que le passage du temps rend vraiment plus touchant.

Omniprésence des amours mal fichues, éternelle rage sociale, regret de la liberté artistique de la chanson passée perdue de nos jours, obsession du temps qui passe ("Comme le temps passe, comme il nous abîme, comme il nous laisse de cicatrices" sur Chanson qui laisse des traces) : rien de nouveau, mais Miossec enfonce ici avec efficacité le clou du spleen et de la désillusion déjà planté dès ses débuts (remember Regarde un peu la France).



Plutôt ragaillardi par le format rêche et expéditif de l'expérience, par ses musiciens parfois bruitistes qui jouent sec et dru, ces "Chansons Ordinaires" ne semblent pas être une illusoire tentative de retourner au son de ses débuts.
Juste une étape plus lumineuse et plaisante dans le parcours souvent inégal, mais toujours attachant de ce solitaire irréductible amateur de tension, d'accidents et d'une certaine zone d'inconfort.

Et puis au fond, difficile de renier les vieux amis, ce serait se renier soi-même... Welcome back, Christophe !

Tracklist :
1. Chanson Que Personne N'écoute
2. Chanson Pour les Amis
3. Chanson d'un Fait Divers
4. Chanson Pour un Homme Couvert de Femmes
5. Chanson Pleine de Voix
6. Chanson Dramatique
7. Chanson du Bon Vieux Temps
8. Chanson Protestataire
9. Chanson Qui Laisse des Traces
10. Chanson d'Insomniaque
11. Chanson Sympathique

Miossec. "Chansons Ordinaires" (PIAS France) Sorti le 12 septembre
♥♥
en écoute sur spotify et deezer
2 titres sur la Playlist Pop
article sur magic
Miossec chez Pascale Clark sur france inter

Miossec le site

dimanche 11 septembre 2011

LE CINÉ EN LIBERTÉ. Pater

Alors que le 13ème Festival de la Fiction TV qui s'est tenu dans ma bonne ville va fermer ses portes et qu'encore une fois, je n'ai pas trouvé le moyen (ni vraiment l'envie, avouons-le) d'y mettre les pieds - le programme est ici - permettez-moi de continuer mon immersion cinéma avec un heureux rattrapage opéré lundi dernier.
La venue d'Alain Cavalier à La Coursive, l'excellente scène culturelle rochelaise m'a enfin permis de voir en projection unique son dernier film "Pater", qui fit la joie de la Croisette en mai dernier.

Comme à son habitude depuis son abandon du cinéma traditionnel, le réalisateur de "Thérèse" livre un objet unique, simple et complexe à la fois, fruit de sa rencontre amicale avec l'acteur Vincent Lindon. L'arrivée d'un acteur dit "de métier" dans son cinéma ne change en rien les règles récentes du cinéma artisanal, écrit à la première personne et conçu comme un journal intime du vieux sage qu'est Cavalier.

Sorte de méta-cinéma et work in progress permanent, "Pater" interroge autant les limites entre réalité et conventions fictionnelles que les rapports quasi filiaux instaurés au fur et à mesure du tournage entre l'auteur et son ami acteur. Cavalier ne cache rien, son film portant autant sur sa propre fabrication en live que sur le canevas politique qu'il se permet d'improviser.

Sur le papier, un concept qui peut tourner à la pose intellectuelle ; à l'écran, un stimulant jeu de piste, suite surprenante de séances de travail qui font revenir le cinéma à son aspect ludique de base, deux enfants qui jouent : "Je dirais que je suis Président de la République et toi, Vincent, mon Premier Ministre"

Étonnant que ce petit film, tourné avec deux caméras DV, revendiquant son aspect minuscule et bricolé, conçu alors que Lindon enchaînait deux tournages "sérieux" - révélation de Cavalier lui-même - redonne pourtant à sa façon tout son aspect dérisoire mais essentiel au cinéma, art par lequel les mensonges en disent plus sur la réalité que cette dernière.

Si la presse a beaucoup insisté sur l'aspect "politique" du film, qui singe en effet les moeurs de nos élus - presque toujours filmés à table - Alain Cavalier semble surtout prendre en dérision tout esprit de sérieux, la fausseté de toute position sociale, la duperie permanente de nous tous adultes qui avons oublié que nous n'étions que de vieux enfants.

Humour délicieux d'un vieux cabotin tout fier de porter un costume qu'il ne porte JAMAIS dans la vie, de filmer d'un oeil amusé Vincent Lindon (constamment attachant) qui lui conseille des cravates ou de capter une des célèbres colères de l'acteur.
Mais les frontières se brouillent et le doute s'installe : cette colère de Lindon est-elle une vraie, vécue par l'acteur ou répétée pour le film ? Le programme politique et social énoncé (l'instauration d'un salaire maximal) semble tenir à coeur autant au faux président qu'au réalisateur, mais celui-ci nous avoua ensuite que l'appartement filmé dans "Pater" n'est pas le sien, ni non plus le chat qu'il cajole durant tout le film.

Film fragile et inégal, "Pater" n'est certes pas le plus grand film de l'année ou même de son auteur, mais sans conteste le plus attachant.
Déconcertante mise en abyme
d'un film en complète liberté, prototype unique dont les séquences parfois moins abouties n'arrivent pourtant pas à entamer le charme et la limpide joie d'être et de filmer.
Chaleureuse relation
entre un auteur et son acteur, manifestement père et fils de substitution, contents de s'être trouvés et d'inspirer l'autre.
Étonnante inventivité
d'un film dont le journaliste Jean-Michel Frodon, animateur de la soirée, précisait qu'il était aussi unique sur un point : c'est le seul de l'histoire du cinéma où un metteur en scène tend soudain la caméra à son acteur pour qu'il le filme.

Ne rien prendre au sérieux, surtout pas le cinéma. Malicieux Alain Cavalier.

"Pater". (France, 2011). Réalisation : Alain Cavalier. Directeur de production : Cécile Peyre. Production : Caméra One/Arte France. Distribution : Pathé Distribution. Durée : 105 mn. Sorti le 22 juin 2011
♥♥♥♥

Avec : Alain Cavalier (lui-même/le Président) ; Vincent Lindon (lui-même/Le Premier Ministre) ; Bernard Bureau ; Jonathan Duong ; Jean-Pierre Lindon.



autres critiques
sur le blog de Nicolinux et benzine

vendredi 9 septembre 2011

PART TIME. Souvenir du futur


Permettez-moi de ne pas trop aimer les étiquettes. Pas celles, même réductrices - pop, électro, folk, dubstep - qui aident à se frayer un chemin dans la jungle musicale actuelle. Non, celles collées à vitesse grand V sur les disques et qui vous tromperaient plutôt sur la marchandise.

Ainsi, que fait celle, à la pointe de la hype, de "chillwave" collée sur le premier album du groupe Part Time? Drivé par le flandrin David Speck, ce combo venu de San Francisco aurait plus à voir avec une relecture du post-punk et du rock minimaliste années 80 qu'avec la pop électro volontiers easy listening de Toro Y Moi, Memory Tapes ou consorts, tenants officiels du courant chillwave, devenu un grand fourre-tout plutôt envahissant.

"Chillwave" ou pas, erreur d'étiquetage ou non, il aurait été dommage de passer à côté de "What Would You Say?", nonchalant recueil de vignettes rock portées par des synthés minimalistes et d'antiques boîtes à rythmes.

Une vraie curiosité spatio-temporelle ressuscitant l'esprit des soirées des early eighties, entre fêtards désabusés et spleen blême. Troublant retour en arrière jusque dans la voix lasse de David Speck, qui rappellera bien des souvenirs à ceux que bercèrent la voix d'Alan Vega de Suicide :



On arguera qu'on ne manque pas de formations néo-pop 80's dont l'esthétique cheap et synthétique n'en finit pas de nous revenir depuis quelques années. Mais intelligent, nostalgique et finalement très attachant, le flash-back musical de Part Time distille un charme triste évident, loin de l'opportunisme marketing souvent de mise (à vous de mettre les noms) et plus à ranger du côté des vraies réussites du genre, celles récentes de John Maus, Destroyer, Twin Shadow ou des Metronomy période "Nights Out".













Proche de l'esprit du label Italians Do It Better (l'album des Chromatics), la virée italo-disco et pré new wave de David Speck retrouve l'esprit d'un certain underground d'époque, artisanal et alternatif, entre pop synthético-neurasthénique très Depeche Mode et rock désabusé à la Suicide ou Psychedelic Furs :



Malgré le nombre de références qu'il évoquera sans doute à chacun, "What Would You Say" est en fait assez grand pour sortir tout seul et une virée en sa compagnie ne se refusera pas. Plus proche de la gueule de bois d'après-soirée arrosée que d'un philtre euphorisant, pas sûr qu'il vous guérisse du spleen causé par l'actuelle rentrée. Mais comment résister à son charme froissé ?

Tracklist :
1. Thunderbolts Of Love
2. I Wanna Take You Out
3. Living In Pretend (My Girl Imagination)
4. She's Got The Right
5. In This Filthy City
6. What Would You Say?
7. Hey Kareen
8. Riots In The Streets
9. 19
10. Shes' Playing With Your Mind
11. Cassie (Won't You Be My Doll)

Part Time. "What Would You Say?" (Mexican Summer/Universal Music)
♥♥♥
depuis juillet en digital, paru en CD le 29 août

en écoute sur spotify & deezer
3 titres
sur la Playlist Pop
à lire sur des chips et du rosé et hartzine

Mexican Summer
Italians Do It Better

mercredi 7 septembre 2011

LE CINÉ DE LA RENTRÉE. Habemus Papam

Premier rendez-vous cinéma de la saison et j'espère, pas le dernier, on inaugure cette rentrée avec une petite virée express en Italie.

Avec "Habemus Papam", Nanni Moretti est entré au Vatican ! Enfin, pour dissiper toute méprise, précisons plutôt que la religion catholique et l’église italienne sont au coeur du sujet de son dernier film. Difficile en effet, pour un cinéaste italien, de ne pas aborder un jour le sujet inévitable du poids de la religion dans un pays si marqué par cette dernière.

On pouvait s’attendre de sa part, connaissant la figure contestataire et de citoyen en colère de l’ami Nanni (Journal Intime, Le Caïman) à une attaque en règle des mœurs et coutumes des cardinaux, à un pamphlet explosif et salutaire.

Surprise : l’athée Moretti - en portraiturant ici le Vatican en proie à l’inquiétude après que le nouveau pape tout fraîchement élu mais frappé de stupeur (Michel Piccoli) rechigne à occuper son poste - porte un regard plus tendre et amusé que celui, intraitable et incendiaire, auquel on s’attendait. "Habemus Papam", avec son joli point de départ - le cri saisissant de bête blessée poussé par Piccoli juste avant son accession - s’inscrit comme une fable cocasse sur le refus du pouvoir, ménageant de jolis moments de comédie, voire de burlesque pur.

En s'immisçant dans le quotidien de cardinaux en conclave désignant un obscur outsider, le cardinal Melville - oui, comme l’écrivain - manifestement pas à la hauteur de la tâche, l’auteur de "La Chambre du Fils" montre le petit théâtre du pouvoir, ce petit monde dérisoire vu comme un grand pensionnat coupé de l'extérieur rempli de cardinaux grand enfants attardés, priant tous pour ne pas être l’(heureux?) élu.

Rôle d’ailleurs en or pour un Michel Piccoli, fabuleux de trouble et habité par le doute. Traversant cette aventure frappé de stupeur comme par la foudre, fuguant comme un adolescent sa charge inhumaine, se cherchant lui-même, la démonstration magistrale, s’il en était besoin, du talent étonnant d’un toujours grand acteur.

La charge féroce attendue devient donc une comédie douce-amère sur le renoncement et la dépression, se révélant en fait autant anti psychanalyse qu’anticléricale, où le psy appelé à la rescousse (Nanni Moretti lui-même) mais contraint de soigner son patient en public (!) devient alors le nouveau centre d’intérêt.

Si l’épisode ne manque pas de saveur, la faconde de l’acteur-réalisateur manque souvent de supplanter la figure du pape en vadrouille au risque de perdre du coup son sujet de vue. On préfère ainsi la pertinence de cette balade en liberté quand elle compare le Vatican au monde trompeur du spectacle, du théâtre en particulier - ainsi plus jeune, le pape aurait voulu devenir acteur - que les épisodes burlesques d’un psy trompant l’ennui des cardinaux en improvisant un match de volley, marotte d’un Moretti se citant lui-même (déjà vue dans Palombella Rossa).

Le film, après avoir débuté comme une aimable fantaisie, se révèle un questionnement inquiet pétri de doute existentiel et confirme qu'un Nanni Moretti reste toujours un bon moment de cinéma. Substituant l’ironie complice et une vraie anxiété à la colère explosive autrefois à l’oeuvre dans le cinéma Morettien, "Habemus Papam" interroge à sa manière l’air de rien la question du renoncement, de l’abandon d’un destin sclérosant qui éloignerait de soi-même, de la vanité de tout pouvoir.

En souhaitant que certains prétendants à un destin national chez nous, s’ils voient ce film, en tirent les modestes mais salutaires enseignements. On peut toujours rêver, non ?

"Habemus Papam" (Italie/France, 2011).
♥♥

Réalisation : Nanni Moretti. Scénario : Federica Pontremoli, Francesco Piccolo, Nanni Moretti. Directeur de la photo : Alessandro Pecci. Production : Sacher Films, France 3. Musique : Franco Piersanti. Distribution France : Le Pacte. Durée : 102 mn
Sortie : 7 septembre 2011

Avec : Michel Piccoli (Melville), Nanni Moretti (Brezzi), Margherita Buy (La psychanalyste), Renato Scarpa (Cardinal Gregori), Jerzy Stuhr (Le porte-parole), Dario Cantarelli (l'acteur de Tchékhov).

mardi 6 septembre 2011

OTHER LIVES. Folk élégant ou Americana scolaire?

La chose n'est pas si courante dans mon cas, mais difficile d'avoir un jugement définitif avec la galette qui nous occupe aujourd'hui. Pour peu qu'on prête un peu attention à l'actualité musicale, le nom d'Other Lives ne vous est pas inconnu ces temps-ci. Avec leur deuxième album "Tamer Animals" - le premier ayant échappé à l'attention de quasi tout le monde - le groupe folk pop venu de Stillwater, Okhaloma, semble être la sensation du moment.

Avec la musique d'Other Lives, on est en terrain connu et familier, en tout cas dans ces colonnes : celui de l'Americana éternelle, folk pop rêveuse évocatrice de liberté et de grands espaces. Ainsi, l'évident single "For 12" semble d'emblée le concentré de cette inspiration, bercé d'arrangements de cordes lumineux :



Élégante, aérienne et plutôt irréprochable, d'où vient alors que la musique du groupe mené par Jesse Tabish dégage chez moi un respect poli là où j'attendais un vrai emballement ? Le sentiment du bon goût mesuré d'un disque irréprochable, assez beau, mais sans réelle prise de risque.
Ainsi, "Tamer Animals" est au croisement de tant d'influences, semble le creusé de tant d'éléments du folk indé U.S. que le poids de ces références finit par quelque peu l'handicaper. Other Lives, victime de l'effet "groupe folk pour les nuls", ou pour les méconnaisseurs du genre en tout cas ?

Ainsi, on songe à tant de groupes - presque un par morceau - que l'effort du groupe finit par un peu en pâlir : et Fleet Foxes, et Grizzly Bear, et The National (Tamer Animals le titre, copié-collé du gang de Matt Berninger), et Midlake, et Lost In The Trees, et The Middle East et ... bon, n'en jetez plus, on s'arrête là.












Mentionner au passage la figure des Middle East fait toucher du doigt ce qui peut différencier les estimables Other Lives du collectif australien ou aussi des excellents Lost In The Trees.

Si ces formations usent toutes les trois avec goût d'arrangements de cordes sophistiquées, les deux premières privilégient l'imprévu, les ruptures de ton et les accidents ainsi qu'une vraie liberté et folie dans l'inspiration. Alors qu'en bons élèves disciplinés, nos barbus venus d'Oklahoma restent dans un classicisme, une joliesse, voire une uniformité qui lisse le tout en un ensemble qui peut sembler bien sage.

Peut-être faut-il laisser reposer cet album avant de décider à long terme de sa place dans nos discothèques, d'autant qu'il se dégage de certaines plages une séduction immédiate (As I Lay My Head Down ou encore "Old Statues" et ses guitares western entre Ennio Morricone et Calexico). Tiens, encore d'autres références.



Pour reprendre une métaphore scolaire de rigueur vu cette période de rentrée : "Élèves studieux et assidus, mais peuvent mieux faire". À moins que l'un d'entre vous dans les commentaires puisse faire pencher la balance de l'autre côté et trancher ce mini-débat entamé entre moi ... et moi.

Tracklist
:
1. Dark Horse
2. As I Lay My Head Down
3. For 12
4. Tamer Animals
5. Dust Bowl III
6. Weather
7. Old Statues
8. Woodwind
9. Desert
10. Landforms
11. Heading East

Other Lives. "Tamer Animals" (Play It Again Sam/PIAS)
entre ♥♥ et ♥♥♥
en écoute sur spotify, deezer & grooveshark
2 titres sur la Playlist Pop

avis d'Ears of Panda avec lequel je me sens le plus proche
nombreux avis plus convaincus sur : esprits critiques, charlu, hop blog, discordance

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