lundi 16 avril 2012

La bonne compagnie de M. WARD

Dans la grande famille de l'indie folk pop, Matthew Ward dit M. Ward, fait depuis toujours figure de bon élève. Le compositeur et guitariste surdoué est capable de polir patiemment la pâte de l'Americana éternelle, dégaînant au fil de ses albums (persos ou en aventures collectives, Monsters Of Folk, She & Him), complaintes folk intimistes, rock song alternatives ou bubble songs rétros.

Comme la version folk d'un Jack White alternatif en plus intéressant, difficile de reprocher à ce confrère - ou rival - d'Andrew Bird ou Cass McCombs, son bon goût ou sa  virtuosité multi-fonctions, surtout depuis ses irréprochables Post-War et Hold Time.
On n'est donc pas surpris de le retrouver sur son petit dernier, A Wasteland Companion, caracoler d'une bombinette pop (Primitive Girl) à une rock song  indie (Me & My Shadow) jusqu'à une ballade western dépouillée (Wild Goose).

Pourtant, si rien n'est nouveau, tout atteint ici à une sorte de plénitude tranquille, une douceur palpable mâtinée d'une malicieuse jubilation :



Visiblement épanoui, d'humeur à la fois joueuse et tendre, le multi-instrumentiste de Portland relit les figures imposées du genre avec une aisance modeste, manifestement en confiance. Celui qui joue au crooner rétro au sein de She & Him s'autorise autant récréations pop néo-sixties que, surtout,  ballades cabossées (Crawl After You) ou touchantes bulles folk épurées (There's A Key) chantées avec une suavité désarmante :   


Le tout sans volonté d'épate, d'une maîtrise et luminosité modeste, mais d'une vraie évidence mélodique et musicale. Une dentelle toute en finesse, vers laquelle on revient sans faillir, croyant avoir frôlé ici ou là l'ombre de vieux amis (Idaho, notamment) ou version idéale de jeunes espoirs (Timber Timbre sans affeterie).

Définitivement de bonne compagnie, la virée sans nouveauté aucune, mais cette fois en-tiè-re-ment délicieuse proposée par l'américain, est ce celles qu'on ne refuse pas. "Pure Joy", nous indique le beau morceau final : on ne saurait dire mieux. 
1. Clean Slate 
2. Primitive Girl
3. Me And My Shadow
4. Sweetheart
5. I Get Ideas
6. The First Time I Ran Away
7. A Wasteland Companion
8. Watch The Show
9. There's A Key
10. Crawl After You
11. Wild Goose
12. Pure Joy

M. Ward. A Wasteland Companion (Bella Union /Cooperative Music) paru le 9 avril
♥♥♥♥
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M. Ward

samedi 14 avril 2012

CHAPELIER FOU, pas si invisible

On sait que nos petits français ne sont pas en reste question vitalité musicale et la scène bien de chez nous, pop, rock, électro, va bien, merci pour elle (au hasard : Frànçois & The Atlas Mountains, Alexandre Navarro, The Last Morning Soundtrack, Herzfeld Orchestra, Cascadeur). Preuve en est aussi avec le lorrain Chapelier Fou qui, avec son deuxième album Invisible, confirme avec éclat son talent en expansion.

Violoniste doué devenu bidouilleur éclectro, son premier opus séduisant 613 à écouter ici, révélait qu'il allait falloir compter sur Chapelier Fou (a.ka. Louis Warynski), ses comptines instrumentales électro à la résonnance naïve, entre Yann Tiersen minimaliste ou homologue hexagonal d'Owen Pallett. Chose faite, quelques EP plus tard, et brillamment confirmée avec cet Invisible qui nous occupe aujourd'hui.

La production du jeune homme, toujours basée sur une électronica rêveuse et impressionniste, s'ouvre maintenant sur un territoire plus ouvert. S'aventurant en des tonalités musicales plus contrastées avec synthés anoalogiques. Se permettant l'apport de featurings vocaux hier absents. Abordant des rivages plus mélancoliques, voire sombres (P Magister, Moth, Flame).
Ainsi, la musique de Chapelier Fou continue de séduire tout en cultivant une secrète introspection, une zone d'inquiétude qui la rend encore plus pertinente : 


Touche-à-tout boulimique ayant la bougeotte, Louis Warynski se nourrit autant de références savantes du genre (Philip Glass, Pierre Henry, Stockhausen) que de ses nombreux voyages (récemment, en Chine), d'instruments patiemment dénichés ou de collaborateurs qui l'inspirent (Matt Elliott, Gerard Kurdian de This Is The Hello Monster).  
Invisible, disque fluide aux textures sonores variées, déroule une suite de tableaux complémentaires, qui vont de l'électronica malicieuse du début (Shunde's Bronx) au territoire épuré de la fin (Moth, Flame), le tout résonnant d'échos très cinématographiques (Fritz Lang), porteurs d'images en supension :



Un album au charme durable, se déployant en volutes addictives telles celles de son violon, où notre ami de Metz semble parfois saluer en secret des fugures secrètes (Le tricot ne serait-il pas un hommage évident aux ritournelles de notre François de Roubaix préféré ?).

Invisible ne peut que faire mentir son titre en révélant à tous la liberté et maîtrise captivante d'un musicien dont la carrière ne fait pourtant que commencer. De quoi espérer le meilleur sans crainte pour la suite !

Un très beau disque, en tout cas.
1. Shunde's Bronx
2. Cyclope & Othello
3. Vessel Arches (avec Gérald Kurdian)
4. Fritz Lang
5. L'Eau Qui Dort
6. Le Tricot
7. Protest
8. P Magister
9. Moth, Flame (avec Matt Elliott)

Chapelier Fou. Invisible (Louis Warynski / Ici D'Ailleurs) paru le 26 mars
♥♥♥♥
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chapelier fou 

jeudi 12 avril 2012

Le printemps suédois de SIMIAN GHOST

Si le beau temps joue selon les jours quelque peu à cache-cache en ce mois d'avril capricieux, pas de panique ! Le printemps, vous le trouverez tout frais capturé en une dizaine de titres sur cette galette régénérante comme un rayon de soleil.

Preuve de la vitalité décidément inépuisable de la pop venue du Nord, Youth, deuxième album du groupe Simian Ghost, confirme la qualité d'écriture et la luminosité charmeuse de cette formation vouée au plus prometteur des avenirs. 
Bien sûr, leur premier opus Infinite Traffic Everywhere révélait déjà le talent de miniaturiste pop de leur leader Sebastian Arnström, même si l'ensemble au son électro indé, marqué des influences mêlées des ballades introspectives de Thom Yorke ou Postal Service, s'avérait plus tortueux et solitaire. Tandis que le EP Lovelorn sorti cet hiver et ses sonorités synthétiques semblait voir le groupe s'engouffrer dans la voie d'une chillwave plus légère proche de Chad Valley.




Avec ce Youth radieux plus ouvragé, siglé d'un minois féminin séduisant, le perfectionniste minutieux qu'est Sebastian Arnström semble avoir trouvé la formule idéale, mélange d'acoustique et de pop sophistiquée, stimulé par la présence autour de lui de deux acolytes, son frère Erk Klinga à la batterie et Mathias Zachrisson à la guitare, à l'apport musical ici primordial :


Résultat : l'album le plus accueillant et harmonieux du moment, retour à une innocence et fraîcheur pop pas si courante ! La musique doucement euphorique de ces indispensables suédois, comme un mariage des vignettes de Belle & Sebastian, des souvenirs précieux du label Sarah Records (Field Mice, St Christopher) ou des rêveries de leur collègues nordiques Seabear, est le plus savoureux des philtres pop, entre jubilation pop et mélancolie intimiste.

Portée par des choeurs ciselés, la voix délicate d'Arnström, et bâtie autour de boucles de guitares caressantes qui évoquera à plus d'un celles de Johhny Marr des Smiths, la musique des Simian Ghost nouvelle manière est un bonbon pop d'une constante élégance et grâce, d'une chaleur et proximité particulièrement  recommandable :



L'art de ces nouveaux orfèvres est d'avoir réussi à glisser une touche moderne contemporaine et d'avoir su réconcilier sur un seul disque une mélancolie digne des maîtres intimistes Kings Of Convenience et une fluidité aérienne rencontrée chez leurs compatriotes de Korallreven.

De quoi emmagasiner une précieuse énergie qui donne envie de voir arriver les vrais beaux jours, se réjouir globalement de la forme olympique d'une scène pop nordique.
Et plus précisément, espérer le meilleur pour un groupe des plus attachants auquel on souhaite un destin aussi glorieux que l'évoque pour rire la photo-clin d'oeil ci-dessous :

1. Curtain Call
2. Youth
3. The Capitol
4. Wolf Girl
5. Sparrow
6. Fenix
7. Automation
8. Siren
9. Crystalline Lovers Mind
10. No Lovers
11. Wolf Girl (Acoustic version) Bonus Track
12. Youth (Acoustic version) Bonus Track

Simian Ghost. Youth (Playground Music / Simian Ghost) paru le 27 mars
♥♥♥♥
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lundi 9 avril 2012

En attendant BEACH HOUSE

Après une petite coupure due à une légère absence pour raisons pascales, retour en douceur avec de bonnes ondes pour débuter cette semaine, de bien succulentes nouvelles sur le front Beach House.

Impossible d'avoir pu attendre et de garder ça pour moi, car notre duo indie américain préféré s'apprête à revenir très bientôt en mai prochain et de la plus belle des façons : en sortant en ce joli mois fleuri, rien de moins que le meilleur disque de la saison, voire de ce début d'année !
En tout cas, bien plus qu'un digne successeur à leur splendide Teen Dream, le bien nommé Bloom ("bourgeon"), sonne comme une date capitale dans leur parcours, sans aucun doute leur grand oeuvre :



J'y reviendrai en détail lors de sa sortie officielle, mais sachez déjà que les dix titres rayonnants de ce quatrième opus découvert avec bonheur prolongent non seulement avec éclat la grâce que récélait le précédent.

Mais confirment surtout la suprématie d'un duo Alex Scally-Victoria Legrand au sommet de leur art ! Guitares envoûtantes de l'un, voix de sirène ensorcelante de l'autre et maitrise sonique bluffante pour les deux font désormais de ce groupe le maître-étalon du genre dream pop.

En  avant-goût de la sortie de ce grand bonheur, après l'inaugural Myth dévoilé début mars - voir la vidéo plus haut - le duo publie ces jours-ci (21 avril) l'édition vinyle du single Lazuli extrait de l'album.


Tiré à 2400 exemplaires et comportant en face B l'inédit Equal Mind qu'on ne trouvera pas en version digitale, le tout est à lire en détail sur SubPop et Bella Union et le titre Lazuli est à écouter ici : 


Cadeau ultime, le groupe sera chez nous en juin, après un concert parisien à La Maroquinerie le 29 avril complet depuis longtemps, pour une petite série de concerts français à découvrir ici :

 
Ne reste plus qu'à vous armer de patience jusqu'au 14 mai, mais y parviendrez-vous ? Y parviendrai-je d'ailleurs moi-même ?

photo © Paul Bridgewater
Ah, Victoriaaaaaaaaaaaa ! ... soupir ...

lundi 2 avril 2012

DOMINIQUE A en plein jour

Il est parfois urgent d'attendre. Ainsi, le dernier Dominique A : l'ami nantais ne sort pas si souvent d'album - le dernier en 2009, donc avant la naissance de modeste espace - qu'un intervalle d'une semaine depuis sa parution s'imposait bien. 

D'autant que celui qui déboula il y a 20 ans avec La Fossette, bousculant l'air de rien le petit monde de la chanson, imposant son lyrisme minimaliste, son intégrité artistique et inspirant nombre de jeunes chanteurs (Florent Marchet, Arnaud Fleurent-Didier), semble être aujourd'hui au carrefour de son exigeant parcours.

Ainsi, ce neuvième album attire vers lui autant le regard de médias plus larges absents lors des précédentes étapes, que froisse les fans les plus hardcores de son oeuvre. Vers Les Lueurs sonne en effet comme l'opus le plus accessible, clair et lisible de son auteur. 
Volonté de sonner grand public, plus "chanson française" ? En tout cas, rupture évidente suite à l'énergique et post-new wave La Musique/La Matière, sommet de son parcours. Le son large ouvert de Vers Les Lueurs bâti autour d'un quintet à vents a de quoi décontenancer, lié à l'aspect inhabituel trop facile d'un single plus efficace qu'inspiré : 



Oublions ce titre premier degré décevant, écoutons la suite. Clairement, Dominique a cherché à élaguer, privilégiant l'aspect plus immédiat et direct de son écriture, qu'elle s'exerce sur un format pop-rock (un Vers le bleu très Florent Marchet, un Close West rageur d'inspiration Noir Désir) ou compositions au spleen mélancolique qui n'appartient qu'à lui (Quelques Lumières, Ce Geste Absent).
Une démarche plus simple applicable au format de la scène. Qui, grâce à une qualité d'inspiration toujours tenue, ne sonne tout de même pas comme la compromission commerciale que lui reproche certains. 

Qu'il ait déjà produit plus fort, nul doute. Mais n'ayant jamais été trop fan de son côté le plus ardu (jamais pris grand plaisir au radical Remué), il aurait été de mauvaise foi de le voir surjouer l'artiste obscur et abscons, ou de lui en vouloir d'avoir tenté de changer de terrain de jeu. Une approche qui sonne comme une volonté d'habiller de couleurs plus vives le même tableau sans en changer de motif.  

Vers les Lueurs semble autant inspiré (en moins fort, O.K.) par l'approche du dernier My Brightest Diamond enluminé des bois de l'ensemble yMusic, qu'un hommage à la thématique de Lumières, l'album culte de Manset, et surtout le prolongement de ses précédents Auguri et Tout Sera Comme Avant, déjà ouverts sur l'espace et le grand jour. Des albums qui sont ceux que je préfère, surtout l'éclatant Auguri.  


Nouveau départ vers un auditoire plus large ou album de transition à relativiser plus tard ? Ce disque franc, qu'on souhaiterait parfois plus fou, décevra sans doute les habitués, en tout cas ne les surprendra pas. Mais ménage tout de même de jolies étapes, surtout dans ses titres les plus intimes (sincère Parce Que Tu Étais là, touchant Ce Geste Absent, beau titre-fleuve Le Convoi, fascinant Par les Lueurs), qui valent bien que l'on emprunte le nouveau chemin, certes plus balisé, d'un artiste hier plus prompt à se mettre en danger.

Mais lorsque la magie opère, comment résister à la vibration de ses mots, le frisson de sa voix, définitivement la plus belle de la scène française ?



1. Contre Un Arbre
2. Rendez-Nous La Lumière
3. Ostinato
4. Parce Que Tu Étais Là
5. Parfois J’Entends Des Cris
6. Close West
7. Loin Du Soleil
8. Quelques Lumières
9. Vers Le Bleu
10. La Possession
11. Ce Geste Absent
12. Le Convoi
13. Par Les Lueurs
14. Des Leurs (bonus Fnac)
15. Mainstream (bonus Fnac)

Dominique A. Vers les Lueurs (Cinq 7/Wagram) paru le 26 mars 
♥♥♥
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dominique a comment certains vivent