lundi 29 novembre 2010

CINÉMA. Le temps retrouvé de "Quartier lointain"

Avec son magnifique "Quartier Lointain", le créateur de manga Jiro Taniguchi avait mis en images le rêve de tous les "regretteurs d'hier" du monde, comme le chantait judicieusement Souchon. À savoir : faire machine arrière, revivre les moments perdus de son enfance ou adolescence et refaire sa vie.

Un homme mûr se trompe de train, se dirigeant dans la ville de son enfance et se retrouve dans celui qu'il était à 14 ans : une oeuvre intimiste et émouvante, chef-d'oeuvre de maturité d'un auteur subtil, encore plus estimé chez nous que dans son Japon natal, vu son évidente filiation avec des auteurs européens, la ligne claire belge en premier lieu.

Et voilà donc que le cinéma s'est entiché de Taniguchi au point de l'avoir adapté, en transposant l'action en France dans les montagnes de l'Ain à Nantua, à travers la caméra respectueuse du réalisateur belge Sam Garbarski.

Déjà, Garbaski (Le Tango des Rashevski, Irina Palm) a évité de trahir le manga, parvenant à restituer la luminosité et la fraîcheur de l'atmosphère de cet inattendu retour aux sources.
Lui et son chef-op', sans commettre non plus un décalque visuel sans idée, ont développé un climat "ligne claire" - image radieuse, couleurs pures, photo cadrée - en raccord avec ces années 60 revécues par Thomas/Pascal Greggory, adulte cinquantenaire surpris de remarcher dans ses anciens pas et déterminé à empêcher son père de quitter sans crier gare la cellule familiale. 


Et question casting, aucune faute de goût, que ce soit Pascal Greggory en doux mélancolique, ou Alexandra Maria Lara (vue dans La Chute ou Control) touchante en jeune mère belle et sensible, et le toujours subtil Jonathan Zaccaï parfait en père présent-absent, déjà un peu parti.

Mais surtout les jeunes acteurs, Léo Legrand en tête en adulte-enfant, sont constamment justes, naturels et jamais crispants, c'est déjà ça de pris.
D'où vient quand même la vraie déception ressentie, l'impression d'un manque tenace à la vision de ce film harmonieux, souvent attachant - la reconstitution sans tapage, l'esprit d'une époque enfuie qui passe - mais qui ne vit pas vraiment, engoncé dans un somnambulisme cotonneux trop confortable, un peu à l'image de la B.O. du groupe Air, de bon goût mais trop clean pour être vibrante ?

Respectant l'oeuvre de Taniguchi sans jamais la trahir, Garbaski et ses adaptateurs, ont, me semble-t-il, pêché par prudence en omettant de restituer à cette fable tout son pouvoir émotionnel, en restant trop timoré pour la faire vraiment vivre à l'écran : on est intéressé, mais très rarement ému par cette jolie mais un peu fade ballade temporelle.
À moins qu'en la privant de son caractère géographique si japonais dans la B.D. originale, ils ne l'aient affadie sans le vouloir dans cette France gaullienne proprette disparue ?

Juste dommage car sans être un gros ratage, j'engage les curieux, habitués ou pas de l'oeuvre du grand Taniguchi, à vous de vous faire votre propre opinion.

Et, qui sait, le fait d'ignorer le manga vous aidera peut-être à mieux apprécier ce voyage doux-amer dans le temps des souvenirs.




"Quartier Lointain" (France-Belgique, 2010). Réalisation : Sam Garbaski. Scénario : Jérôme Tonnerre et Philippe Blasband, d'après le manga de Jiro Taniguchi. Chef-opérateur : Timo Salminen. Musique : Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel (Air). Production : Entre Chien et Loup/RTBF. Distribution : Wild Bunch. Durée : 98 mn.

Avec : Pascal Greggory (Thomas adulte) ; Léo Legrand (Thomas adolescent) ; Jonathan Zaccaï (le père) ; Alexandra Maria Lara (la mère) ; Laura Moisson (Corinne) ; Tania Garbarski (Nelly) ; Lionel Abelanski (Godin adulte). Sorti le 24 novembre 2010 

3 commentaires:

  1. je regarde le film, la musique m'intrigue et je découvre que cette Bo est signée Air. Une Bo ambient et minimaliste qui ne semble pas être sortie en disque car je n'en ai aucunement entendu parlé à l'époque.

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  2. Comme tu dis, je crois pas que ce soit paru en album ni à l'époque, ni maintenant. Mais je t'avoue que, un an et 4 mois après, je me rappelais pas que Air en avait signé la musique...

    Et le film, tu trouves comment au fait ? Un peu fade, non ?

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  3. oui assez neutre, pas très touchant, contrairement à la BD.

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