dimanche 13 février 2011

PJ HARVEY SECOUE L'ANGLETERRE. Let England Shake

Évidemment la sortie d'un nouveau PJ Harvey - dès demain lundi - ça ne passe pas inaperçu. Et l'écoute des quelques titres envoyés en éclaireur avant l'album, au climat étrange avec voix déformée, avaient de quoi retenir l'attention et intriguer.

D'autant plus intrigant que, avouons-le, depuis son album introductif (Dry) en 1992 qui a posé le personnage - rock lyrique, voix et guitare farouche - je n'ai pas toujours été un inconditionnel de la rockeuse anglaise.
Séduit en leur temps par le flamboyant "To Bring You My Love" ou l'original "Is This Desire", agacé par la routine rock-à-guitare de "Uh Hu Her" ou franchement rebuté par les expérimentations radicales avec John Parish en 2009, PJ Harvey ne fait pas toujours partie de mon panthéon personnel d'artistes.










Seulement, le dépouillé "White Chalk" de 2007 qui la voyait baser un album entier sur le piano et développer une voix angélique indiquait que Polly Jean, au fil du temps, se donnait le droit de changer, d'éviter de se répéter : une artiste en perpétuelle évolution.

Évolution confirmée avec ce "Let England Shake", dixième album de sa carrière. On y reconnaît la patte PJ, elle n'a pas tout bouleversé, juste déplacé, dérangé les éléments de son univers pour un disque à l'abord étrange au début, ensuite totalement familier une fois accoutumé à son climat.

Comme imprégné par l'atmosphère intemporelle de l'église isolée du Dorset dans lequel l'anglaise a enregistré avec Parish et le producteur Flood, "Let England Shake" déroule une singulière atmosphère : entre comptines tordues et chants ésotériques envoûtants, évocatrice de curieux tableaux d'une Angleterre de guerres violentes, de champs d'honneur, de combats héroïques perdus.





Une thématique belliciste poétique qui voit la voix de PJ, soutenue par la voix grave de Parish dans les choeurs, plus sorcière que jamais, jeter ses sortilèges ludiques sur fond de charges de cavalerie (The Glorious Land) ou trompettes héroïques (The Words That Maketh Murder) ou de saxos piqués à Morphine (The Last Living Rose), quand elle ne semble pas invoquer les esprits d'une voix de fée irréelle (On Battleship Hill).

Philtre musical à la composition secrète, tissage sonore complexe rempli de samples (il y a sûrement la magie blanche du sorcier du son Flood là-dessous), composant un paysage fort réussi (mais parfois crispant, voir sur England), variant les rythmes et les climats.


La fin de l'album la voit même se muer en grande cousine des Cocorosie (Hanging In The Wire) ou soeur évanescente de Liz Fraser pour un mix étonnant de dream pop et de dub à l'ambiance très Primal Scream (Written On The Forehead).



De quoi rendre encore plus imprévisible la figure de Miss Harvey, chanteuse assez insaisissable, un brin distante, pas vraiment émouvante, mais certes une artiste inspirée et libre. Écoutez-la, vous devriez succomberez. "Let It Burn, Let It Burn".

PJ Harvey. "Let England Shake" (Island/Universal Music)
♥♥♥ Sortie ce lundi 14 février
en écoute sur deezer et spotify


Diffusion de son concert à La Maroquinerie sur ARTE LIVE WEB ce lundi cliquer ici

article sur next-Libé et interview sur Magic
chroniques
sur Les Chroniques de Charlu, La Musique à Papa et Esprits Critiques

PJ Harvey

2 commentaires:

  1. Génial Blake ta Chronique. Bien plus approfondie que moi. J'ai voulu partir direct pour témoigner à chaud d'une première écoute.. je l'ai écouté deux fois de plus, et une chronique à chaque écoute ne serait pas du luxe. Je suis vraiment accroc comme à chacune de ses sorties. Le flash pour moi, ce fut aussi "to bring you my love"..mais surtout "is this desire?" où là c'est devenu irréversible. J'ai fouillé le passé et suivi l'actualité.
    Son toucher est sublime..elle parait tellement facile. Alors en plus j'adore la culture british.... et puis quelle bouche !!! bon, je m'égards. On se calme.
    Au dessus du lot pour moi.

    à très bientot

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  2. @charlu : comme déjà dit chez toi (ou encore ailleurs je ne sais plus), je doute que mon papier soit génial (mais c'est gentil!) mais sûr que son album poético-ensorcelé est très addictif : plus je l'écoute, plus j'adhère...
    Et un point que je développe encore par rapport à mon billet : l'aspect très ludique voire enfantin (pas infantile, hein pour les mauvais esprits) de l'interprétation et des arrangements des chansons très salutaire par rapport à son sujet dramatique sérieux.

    Cet aspect n'est pas pour rien dans le fait que ce disque m'ait plu, je pense... ;-)

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